L’ONU adopte le premier traité pour protéger la haute mer (lemonde.fr / viepublic.fr)
Publié le 27 Octobre 2024
L’ONU adopte le premier traité pour protéger la haute mer
Dessin de Sondron paru dans "l'avenir" le 01.03.2023
Le traité international de protection de la haute mer adopté à l'ONU (viepublic.fr, le 21.06.2023)
"Après deux décennies de pourparlers qui ont débuté en 2004, les 193 États membres de l'Organisation des Nations unies (ONU) ont adopté, le 19 juin 2023, l'accord sur le Traité international de protection de la haute mer, destiné à "assurer la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique marine dans les eaux internationales".
Les zones de la mer situées en dehors des zones de souveraineté et des zones économiques exclusives des États côtiers, donc ne relevant pas de la juridiction nationale, sont aussi appelées haute mer ou eaux internationales (qui représentent 60% de la surface des océans et près de la moitié de la surface du globe).
Jusqu'à la conclusion de l'accord, le 5 mars 2023, par les délégués de la Conférence intergouvernementale sur la biodiversité marine des zones situées au-delà de la juridiction nationale (BBNJ), ces zones de haute mer ne disposaient d'aucune protection spécifique.
Adopté le 19 juin 2023 par les 193 membres de l'ONU, le traité sur la haute mer porte en particulier sur :
- la protection du milieu marin au delà des frontières ;
- la lutte contre la pollution chimique et les déchets plastiques en haute mer ;
- la gestion plus durable des stocks de poissons ;
- le problème de la hausse des températures des océans et de l'acidification des eaux marines.
L'enjeu du traité est d'atteindre les objectifs et les cibles liés aux océans du Programme de développement durable à l'horizon 2030 et du Cadre mondial pour la biodiversité de Kunming-Montréal, issu de la COP15.
Plus spécifiquement, les objectifs du traité sont :
- la définition d'un cadre réglementaire ;
- la reconnaissance d'un patrimoine commun de l'humanité ;
- l'internationalisation des décisions sur les études d'impact environnemental ;
- le partage juste et équitable des avantages découlant des ressources génétiques marines ;
- la création d'aires protégées marines afin de préserver, restaurer et maintenir la biodiversité ;
- la production de connaissances, d'innovations techniques et d'une compréhension scientifique.
Le traité est l'un des outils permettant d'atteindre l'objectif "30 pour 30", qui vise à protéger au moins 30% des océans de la planète d'ici à 2030 en les plaçant dans des zones protégées. Le texte s'appuie sur l'héritage de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM). António Guterres, secrétaire général des Nations unies, a reconnu le soutien essentiel des organisations non gouvernementales, de la société civile, des institutions universitaires et de la communauté scientifique. Ce texte est "crucial pour faire face à la triple crise planétaire du changement climatique, de la perte de biodiversité et de la pollution"."
in liberation.fr, le 05.03.2023
L’ONU adopte le premier traité pour protéger la haute mer (lemonde.fr, le 19.06.2023)
"Les Etats membres de l’ONU ont adopté lundi 19 juin le premier traité international pour protéger la haute mer, un accord capital pour contrecarrer les menaces qui pèsent sur l’océan et sa bonne santé, vitale pour l’humanité. « L’accord est adopté », a déclaré la présidente de la conférence, Rena Lee, sous les applaudissements, après l’adoption par consensus. « L’océan est la force vitale de notre planète. Aujourd’hui, vous avez insufflé une nouvelle vie et un nouvel espoir pour que l’océan ait une chance de se battre », a commenté le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, saluant une « réussite historique ».
Malgré l’adoption, la Russie a pris ses « distances » avec ce consensus, qualifiant certains éléments du texte de « totalement inacceptables ». En mars, après plus de quinze années de discussions, dont quatre de négociations formelles, les États membres avaient enfin réussi à se mettre d’accord, à l’issue de deux nouvelles semaines de négociations marathon, troisième « dernière » session en un an. Le texte, alors gelé sur le fond, a depuis été passé au crible des services juridiques et traduit pour être disponible dans les six langues officielles de l’ONU.
Alors que les écosystèmes marins sont menacés par le changement climatique, les pollutions et la surpêche, la science a prouvé l’importance de protéger tout entier cet océan foisonnant d’une biodiversité souvent microscopique, qui fournit la moitié de l’oxygène que nous respirons et limite le réchauffement en absorbant une partie importante du CO2 émis par les activités humaines.
La moitié de la planète et plus de 60 % des océans
La haute mer commence où s’arrêtent les zones économiques exclusives (ZEE) des États, à 200 milles nautiques (370 kilomètres) au maximum des côtes, et n’est donc sous la juridiction d’aucun État. Même si elle représente près de la moitié de la planète et plus de 60 % des océans, elle a longtemps été ignorée dans le combat environnemental, au profit des zones côtières et de quelques espèces emblématiques.
Outil phare du nouveau traité : la création d’aires marines protégées dans ces eaux internationales. Aujourd’hui, environ 1 % seulement de la haute mer fait l’objet de mesures de conservation. Mais en décembre, à Montréal, l’ensemble des États de la planète s’est engagé à protéger, d’ici 2030, 30 % des terres et des océans de la planète.
Avec l’adoption, « la course pour la ratification commence et l’objectif de protéger au moins 30 % des océans d’ici 2030 reste à notre portée », a commenté Chris Thorne, de Greenpeace. Le nouveau traité sur « la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale » introduit également l’obligation de réaliser des études d’impact sur l’environnement des activités envisagées en haute mer. Le texte n’en dresse pas de liste, mais cela pourrait aller de la pêche au transport, en passant par de potentielles activités controversées comme l’exploitation minière sous-marine ou la géo-ingénierie visant à limiter le réchauffement.
Élan politique espéré
Le traité établit également le principe du partage des bénéfices des ressources marines génétiques collectées en haute mer, qui a cristallisé les tensions jusqu’à la dernière minute en mars. Les pays en développement qui n’ont pas les moyens de financer de très coûteuses expéditions et recherches ont obtenu le principe d’un partage « équitable » des ressources marines génétiques, que ce soit l’accès aux données scientifiques ou une part des bénéfices anticipés de la commercialisation de ces ressources – qui n’appartiennent à personne – dont entreprises pharmaceutiques ou cosmétiques espèrent tirer des molécules miracles.
Le texte sera ouvert aux signatures le 20 septembre, au moment où des dizaines de chefs d’Etat et de gouvernement seront à New York pour l’Assemblée générale de l’ONU. Reste à savoir combien de pays décideront de monter à bord. Les ONG estiment que le seuil de soixante ratifications pour entrer en vigueur ne devrait pas être trop difficile à atteindre, la Coalition de la haute ambition pour la nature et les peuples, menée par l’Union européenne, comptant déjà une cinquantaine de pays, dont le Japon, le Chili, l’Inde ou le Mexique. Mais soixante est loin de l’universalité prônée par les défenseurs de l’océan, qui espèrent que l’élan politique autour de l’adoption ne retombera pas.
« Continuons sur cette lancée », a plaidé lundi le président de l’Assemblée générale de l’ONU, Csaba Korosi, saluant un « accord qui fait date ». « Continuons à travailler pour protéger nos océans, notre planète, et toutes les populations qui y vivent. »
Le Monde avec AFP