New York City en musique

Publié le 23 Mars 2021

Afin d'approfondir l'étude de cas menée en cours sur "New York, métropole mondiale", nous vous proposons une petite sélection (bien évidemment non exhaustive) de disques témoignant de l'effervescence de la scène musicale new-yorkaise depuis le début du XXe siècle. Du Jazz des années 1920 au Hip-hop des années 2000, la "ville qui ne dort jamais" fut et demeure encore aujourd'hui un foyer essentiel de la création artistique et musicale mondiale. Au même titre que la statut de la Liberté, Wall Street ou l'Empire State Building, la musique est ainsi au cœur de l'identité, de la reconnaissance et l'influence internationale de la ville.

Ces quelques albums nous racontent tout d'abord la géographie de la ville. Du Cotton Club d'Harlem aux Block Parties du Bronx en passant par les clubs folk de Greenwich Village et les punks du CBGB's au sud de Manhattan, ces musiques nous donnent à voir et à entendre une véritable cartographie urbaine, celle des communautés et des ségrégations qui structurent New York, ainsi que celles des lieux mythiques qui ont marqué l'histoire contemporaine. Ils nous content également l'histoire des styles musicaux et des modes qui les accompagnent et dont le rayonnement a largement dépassé les limites de la "grosse pomme".

A écouter sans modération...

 

  • Harlem et l'âge d'or du Jazz (1920's-1960's)

The Duke Ellington Orchestra (1937)

 

Dans la seconde moitié des années 1920, le quartier de Harlem devient le cœur de la renaissance afro-américaine américaine. Le Jazz, en est une des expressions les plus abouties. Les plus grands artistes de l'époque (Louis Amstrong, Duke Ellington, Count Basie, Benny Goodman, Billie Holiday...) se retrouvent dans les clubs du quartier, principalement situés entre la Seventh Avenue et la Lennox Avenue, et leurs Big Bands rivalisent d'inventivité pour faire danser un public essentiellement blanc. Au début des années 1930, le Swing, qui mêlent style New Orleans et musique dansante, enflamme les pistes et marque l'âge d'or du Jazz. New York en est l'épicentre.

 

"A great day in harlem", portrait photographique de 57 jazzmen pris sur le trottoir de la 126e à Harlem (1958)

 

Dans les années 1940, les jazzmen s'affranchisent du format et de la discipline des grands orchestres, accélèrent le tempo et se laissent aller à de longues improvisations d'une virtuosité époustouflante. New York (en particulier la 52ème rue dans Midtown Manhattan) est encore une fois au coeur de cette véritable révolution stylistique, avec des artistes comme Thelonious Monk, Charlie Parker, Dizzy Gillespie, Miles Davis, Bud Powell ou encore Max Roach. C'est notamment au Birdland à Broadway ou encore au Minton's Playhouse à Harlem que, chaque nuit, ces musiciens de génie affinent leurs gammes et écrivent leur légende. Le genre se renouvelle ensuite constamment, avec des instrumentistes comme John Coltrane, Sonny Rollins et Art Blakey qui poussent encore plus loin l'improvisation et l'incandescence du Jazz. Le label Blue Note fondé à New York en 1939 par Albert Lion incarne à la fois le foisonnement musical de l'époque et la place centrale qu'occupe la métropole dans l'histoire du Jazz.

 

Les clubs de Jazz le long de la 52nd rue

 

- George & Ira Gershwin, "Porgy & Bess" (1935): une des comédies musicales emblématique de Broadway, ou quand le Jazz est élevé au rang de musique classique.

https://www.youtube.com/watch?v=MIDOEsQL7lA

- Duke Ellington & his Orchestra, "At his Very Best" (1927-1946): un très bon résumé de la 1ère partie de carrière du foisonnant roi du swing.

https://www.youtube.com/watch?v=qDQpZT3GhDg

- Count Basie , "Jumpin' at the Woodside" (1937-1939): un très grand disque du "Count" avec son big band et un flamboyant Lester Young au saxophone.

https://www.youtube.com/watch?v=IZuRkNBqQ9U

- Benny Goodman, "Carnegie Hall Jazz Concert" (1938): le couronnement d'un des musiciens les plus populaires de l'époque, qui ouvre le Carnegie (jusqu'alors réservé à la musique classique) au Jazz

https://www.youtube.com/watch?v=l8aEVY9lONk

- Billie Holiday, "The Complete Commodore & Decca Masters" (1939-1950):  une des plus grande voix du Jazz au destin tragique.

https://www.youtube.com/watch?v=h4ZyuULy9zs

- Charlie Parker, "One Night at Birdland" (1950): enregistré dans un des grands clubs new-yorkais, ce concert est un des plus témoignage de la révolution be-bop.

https://www.youtube.com/watch?v=Xm_TCBsvMuk

- Thelonious Monk, "Genius of Modern Music" (1947-1952): le pianiste le plus atypique et en effet le plus génial de l'histoire du Jazz. Indispensable et indépassable.

https://www.youtube.com/watch?v=A5SsLFCBi70

- John Coltrane, "Blue Train" (1957): la légende en marche, un des standard du Jazz sur l'immense label Blue Note.

https://www.youtube.com/watch?v=rmkGFlh5C2Y

- Sonny Rollins, "the Bridge" (1962): de 1959 à 1962, Rollins quitte la scène musicale et perfectionne son art, seul, sous le pont de Williamsburg (qui relie Manhattan à Brooklin). Un immense disque de Jazz made in NYC!

https://www.youtube.com/watch?v=ZIq5w-NogWA

En bonus, la bande-annonce de "Bird" (1988) de Clint Eastwood qui évoque la vie du saxophoniste Charlie Parker.

https://www.youtube.com/watch?v=VJx7xNtWAFA

 

  • Greenwich Village, Revival Folk et prostest-singers (1950's-1960's).

 

A partir des années 1950, Greenwich Village, au sud de Manhattan, attire les artistes de la Beat Generation (réunis autour de Jack Kerouac, Allen Ginsberg et William S. Burroughs). Voulant échapper au conformisme oppressant de la société américaine, ils y développent une vie de bohème faite de vie nocturne, d'alcool, de poésie et de musique. A la fin de la décennie, le quartier voit arriver de jeunes musiciens qui, dans cette esprit libertaire et littéraire, s'attachent à renouveler la folk-music américaine. Ils jouent toute les nuits dans les nombreux "café-concert" en podium libre concentrés le long des rues McDougal et Bleecker: le Café Wha, le Gaslight Café, le Bitter End, le Café au Go-Go...

 

Le "Village" au début des années 1960

 

Réunis autour de la figure paternelle de Pete Seeger, des musiciens comme Phil Ochs, Tom Paxton, Joan Baez, Dave von Ronk et bien sûr Bob Dylan, dont le génie plane à jamais au dessus du Village, revisitent la tradition musicale, mélant poésie et constestation sociale et politique. Ces Protest-Songs portent sur le racisme et la ségrégation, les inégalités sociales, le puritanisme, l'impérialisme yankee... "We Shall Overcome" (J. Baez), "Blowin' in the Wind" et "The Times They Are A-Changing" (B. Dylan), deviennent des hymnes et accompagnent le mouvement des droits civiques de Martin Luther King comme l'opposition à la guerre du Vietnam. New York est la capitale inconstestée de ce mouvement éphémère mais ô combien profilique.

 

Bob Dylan & friends dans Greenwich Village (début 1960)

 

- Pete Seeger, "American Favorite Ballds, Vols.1-5" (1957-1962): l'icône et le père du revival folk de Greenwich.

https://www.youtube.com/watch?v=T1tqtvxG8O4

- Dave Von Ronk, "Folkways Years" (1959-61): un des piliers de Greenwich et du mouvement folk.

https://www.youtube.com/watch?v=Wa0xDq4_iT0

- Joan Baez, "in Concert, Part.1" (1962): une des plus grandes voix de la folk et de la contestation de l'époque.

https://www.youtube.com/watch?v=lnFwR8G6u2g

- Bob Dylan, "The Freewheeling" (1963): un des classiques du genre, par le génie absolu de la musique américaine. Entre poésie, chansons d'amour et engagement politique. Jamais égalé.

https://www.youtube.com/watch?v=vWwgrjjIMXA

- Bob Dylan, "The Times They Are a-Changin'" (1964): toujours au dessus du lot, Dylan construit sa légende et celle de Greenwich.

https://www.youtube.com/watch?v=e7qQ6_RV4VQ

- Phil Och, "I Ain't Marching Anymore" (1965): toujours dans l'ombre de Dylan, ce "journaliste chantant" a mis sa vie et sa musique au service de toutes les causes politiques de l'époque.

https://www.youtube.com/watch?v=gv1KEF8Uw2k

- Fred Neil, "Bleecker & McDougal" (1965): un album absolument essentiel par un immense musicien et une figure centrale de Greenwich Village.

https://www.youtube.com/watch?v=81LzZW6YJQQ

- Tim Hardin, "Tim Hardin 1" (1966): le premier album d'un des plus talentueux auteur-compositeur de folk.

https://www.youtube.com/watch?v=ChR_ZtxPSHc

- Arlo Guthrie, "Alice Restaurant" (1967): fils du légendaire Woody Guthrie et originaire de Brooklyn, Arlo délivre un folk contestataire au ton sarcastique dans l'esprit des hippies.

https://www.youtube.com/watch?v=m57gzA2JCcM

- Karen Dalton, "It's So Hard To Tell Who's Going To Love You Best" (1969): la voix la plus déchriante de la scène new-yorkaise.

https://www.youtube.com/watch?v=EWVcSggT3J0

En bonus, la bande-annonce du film des frères Coen "Inside Llewyn Davis" (2013) qui retrace le difficile parcours d'un jeune musicien folk dans le Greenwich Village des années 1960. On s'y croirait...

https://www.youtube.com/watch?v=TMo2BG7wPck

 

  • New York ou la révolution rock permanente (1960- aujourd'hui)

 

A partir de la seconde moitié des années 1960, la scène musicale new-yorkaise est une des plus innovantes de la planète. Alors que le mouvement Flower Power et le psychédélisme californien touchent à leur fin, la Big Apple reprend le flambeau de contestation et de la provocation rock. Si Jimi Hendrix, l'un des artistes majeurs de la fin des sixties, est un illustre représentant de la métropole (il y fait ses premières armes et son Electric Lady Studio est construit à Greenwich Village en 1970), c'est surtout le Velvet Underground qui incarne le renouveau et l'originalité du son new-yorkais. Le groupe crée une musique encore inconnue jusqu'alors, qui oscille entre mélodie douce amère (la voix de Nico...) et bruitisme menaçant, grâce notamment au violon dissonant de John Cale. Installé à la Factory, l'atelier de l'artiste pop-art Andy Warhol qui a pris les musiciens sous son aile, le Velvet témoigne à la fois de la puissance créatrice de l'avant-garde new-yorkaise et des bas-fonds crasseux d'une métropole qui a abandonné le rêve hippy.

 

Nico (à gauche), Andy Warhol et les membres du Velvet Undergournd vers 1966

 

Si le groupe passe presque totalement inaperçu à l'époque, son influence se révèle fondamentale quelques années plus tard, tant au niveau de l'esprit que du son. Alors que la crise économique commence à toucher les Etats-Unis et qu'une partie de la population new-yorkaise se paupérise, la violence des rapports sociaux et l'énergie brute d'une jeunesse révoltée s'expriment dans le mouvement punk. Prenant le contrepied du rock FM asseptisé et des "guitar-heros" virtuoses, des groupes comme les Ramones, Television, les Dictators ou les Heartbreakers de Johnny Thunders proposent des titres minimalistes, rapides et agressifs. Rebels et provocateurs, les punks installent leur QG au CBGB  dans le quartier de Bowery au sud de Manhattan et se mêlent aux marginaux de la ville: drogués et dealers, prostitués et homosexuels (cf les éxubérants New York Dolls), clochards, artistes avant-gardistes...

 

Les Ramones devant le CBGB vers 1975

 

Par la suite, New York est resté un foyer de création majeur, cultivant son image arty, novatrice, provocante, inépendante, à la fois populaire et avant-gardiste (le peintre Jean Michel Basquiat est par exemple un habitué des soirées rock). De nombreux courants y naissent et de nouveaux lieux éclosent, perpétuant ainsi l'esprit et le son du rock new-yorkais: la No Wave avec James Chance et Lydia Lunch dans le Lower East Side, la New Wave des Talking Heads, le rock alternatif et bruitiste des Sonic Youth autour du Club 57 de l'east Village, le rock indépendant de Dinosaur Jr... Plus récemment les Yeah Yeah Yeahs, Jon Spencer, les Strokes, Animal Collective ou encore Vampire Weekend maintiennent la réputation et l'influence musicale de la ville.

 

Sonic Youth devant l'Hudson River

 

- The Velvet Underground, "The velvet Undergournd & Nico" (1967): pochette de Warhol, voix suave de Nico, violon dissonnant de John Cale, chant grave et insolent Lou Reed, textes sombres et provocateurs. Définitivement culte.

https://www.youtube.com/watch?v=6tsamNxGC9U

- Jimi Hendrix, "Electric Ladyland" (1968): l'étoile filante du rock et ce qui se fait de mieux dans le genre. Si vous ne devez garder qu'un seul disque....

https://www.youtube.com/watch?v=9irsg1vBmq0

- Patti Smith, "Horses" (1975): la poétesse habituée du Chelsea Hôtel, véritable marraine du mouvement punk, livre ici son 1er et meilleur album. Incandescent.

https://www.youtube.com/watch?v=xxygqSTO1lQ

- The Modern Lovers, "The Modern Lovers" (1976): Jonathan Richman fait le pont entre le Velvet et les punks et définit au passage le "New York subway sound".

https://www.youtube.com/watch?v=ejmE-F3EJyQ

- The Ramones - The Ramones (1976): "on sait pas jouer et on s'en fout", tel pourrait être le mot d'ordre des Ramones, faux frères mais vrai précurseurs de la scène punk new-yorkaise. Débiles et irrespestueux à souhait.

https://www.youtube.com/watch?v=TYh1lRR1m6Y

- Television - Marquee Moon (1977): un des plus grands albums de l'histoire du rock, à la fois accessible et dissonnant. Du punk subtil quoi.

https://www.youtube.com/watch?v=NfwoYEcpQhU

- Suicide, "Suicide" (1977): Martin rev et Alan vega invente le rock électronique et minimaliste. Musique oppressante, entre punk et new wave.

https://www.youtube.com/watch?v=1woMEExMZXg

- Talking Heads, "Talking Heads 77" (1977): entre punk et new wave. Et puis il y a surtout "Psycho Killer", entêtant monologue chanté par Byrne d'une voix menaçante...

https://www.youtube.com/watch?v=O52jAYa4Pm8

- James Chance, "Live in New York" (1981): un des manifestes de la No Wave. Un James Brown blanc sous amphétamines qui fait hurler son saxophone de manière aggressive et dissonante. So NYC...

https://www.youtube.com/watch?v=bfyNLY3YJg4

- Sonic Youth, "Daydream Nation" (1988): groupe culte new-yorkais à la discographie pléthorique. A écouter en arpentant East Village

https://www.youtube.com/watch?v=BKMD8vI1MaM

- Lou Reed, "New York" (1989): le chanteur du Velvet rend hommage à sa ville, à ses bas-fonds et à ses âmes errantes. Electrique et émouvant.

https://www.youtube.com/watch?v=7z3TPwOT31g

- Jon Spencer Blues Explosion, "Orange" (1994): une collection de riffs asserrés et puissants, ou la rencontre entre Elvis Presley et les punks!

https://www.youtube.com/watch?v=ktwhdM1-ZOk

- Cibo Matto, "Viva! La Woman" (1996): de l'électro-pop-punk par deux new-yorkaises d'origine japonaise. Un disque qui ne peut venir que de NYC!

https://www.youtube.com/watch?v=y_v3IK09S-w

- The Strokes, "Is This It" (2001): héritier du Velvet et de Television, the Strokes marque le retour du Rock made in New York sur le devant de la scène internationale.

https://www.youtube.com/watch?v=vhgYg_ktRdE

- Vampire Weekend, "Vampire Weekend" (2008): étudiants en musicologie à l'université Columbia, le groupe mêle énergie punk, guitares tranchantes et rythme africains. Ils définissent d'ailleurs leur musique comme de "l'Upper West Side Soweto"!!

https://www.youtube.com/watch?v=9wHl9qRsMzw

En bonus, "Walk on the Wild Side" de Lou Reed et une petite visite du NYC interlope:

https://www.youtube.com/watch?v=WZ88oTITMoM

 

  • Great Black Music from NYC: de James Brown à Jay-Z (1960-aujourd'hui)

 

Alors qu'à partir des années 1960 le Jazz se fait plus élitiste, de nouveaux courants musicaux vont portés l'identité et la culture populaire afro-américaines. De la soul au disco jusqu'au Hip-Hop, New York apparait encore une fois comme le terreau fertile d'où émergent des talents singuliers. Si des villes comme Détroit (siège de la fameuse Motown) ou Memphis constituent les centres inconstestables de la soul music américaine, New York attire toujours les plus grands talents de l'époque, grâce notamment au prestige de l'Apollo Theater. Salle mythique de Harlem, elle constitue un passage obligé pour tout artiste en quête de reconnaissance; les "Amateur Night Show", qui permettent à de jeunes talents inconnus de monter sur scène pour quelques titres et - parfois - de trouver la notoriété, ont révélé entre autres Aretha Franklin, James Brown, Marvin Gaye, Stevie Wonder et plus récemment les Jackson 5 ou encore Mariah Carey. La salle se définit elle-même comme le lieu "où naissent des étoiles et se créent les légendes".

 

James Brown à l'Apollo, 1962

 

Vers le milieu des années 1970, les discothèques new-yorkaises comme le Studio 54 (ainsi que celles de Harlem, du Bronx et de Brooklyn) commencent à diffuser un nouveau son qui mélange soul, funk et pop, le tout enrichi par une orchestration faite de cuivres et de cordes. Les morceaux s'étirent et les paroles abandonnent toute ambition politique ou sociale: la disco est née. Musique joyeuse et insouciante, musique de fête et de danse, la disco demeure malgré tout subversive; sous des aspects superficiels, elle témoigne d'une grande liberté (androgynie, drogue...) et permet aux minorités homosexuelle et afro-américaine d'échapper à la violence sociale de l'époque. La disco incarne en tout cas parfaitement l'extravagance et l'exubérance de la métropole, au même titre d'ailleurs que la brutalité et la noirceur du mouvement  punks apparus à la même époque. Rapidement, le son de la nuit new-yorkaise s'empare du monde (de l'Europe et de France notamment) et les reines du disco que sont Gloria Gaynor, Diana Ross ou Donna Summer triomphent bien au-delà des limites de la ville.

 

Le Studio 54 à Manhattan, temple de la disco et de l'exubérance new-yorkaise (au milieu Grace Jones, vers 1979).

 

Au début des années 1980, New York donne naissance au Hip-Hop, mouvement culturel mélant danse (le breakdance ou B-boying), art graphique (le graffiti) et musique (le rap). A cette époque, la ville est touchée de plein fouet par la crise économique et les coupes budgétaires du gouvernement néo-libérale de Reagan plongent une large partie de population afro-américaine dans la pauvreté. C'est dans ce contexte que des immigrés jamaicains du Bronx et du Queens organisent les premières "block parties", fêtes de quartier improvisées dans lesquelles un "master of ceremony" (MC) enchaine les disques et exorte les habitants à danser. Progressivement, le rap se politise (inspiré par les artistes engagés du début des seventies comme les Last poets et Gil Scott-Heron). Il se fait le témoin de la misère des ghettos ("the Message" de Grandmaster Flash), dénonce de plus en plus le racisme de la société blanche et appelle même parfois à la révolte ("Fight the Power" de Public Ennemy). Un temps dépassée par Los Angeles, sa rivale de la côte ouest, New York revient sur le devant de la scène hip-hop vers le milieu des années 1990 avec le succès de Notorious B.I.G. ainsi qu'avec l'émergence du rap sombre et minimaliste d'un collectif de Staten Island, le Wu-Tang Clan. Musique de fête, musique du ghetto, musique de rue et musique rebelle, le rap est aujourd'hui écouté dans le monde entier mais reste irrémédiablement lié à New York.

 

Block Party dans le Bronx au début des années 1980 (DJ Kool Herc aux platines)

 

- James Brown, "Live at the Apollo" (1963): The Godfather of Soul au sommet de son art qui délivre une musique extatique d'une rare intensité. Indispensable.

https://www.youtube.com/watch?v=rFG4J1wi5fY

- Gil Scott-Heron, "Small Talk at 125th and Lennox" (1970): le grand père du rap; de la poésie scandée sur des percussions africaines. Disque fondateur du hip-hop à venir

https://www.youtube.com/watch?v=i4CChz4DjQE

- The Last Poets, "the Last Poets" (1970): l'autre grande influence du rap, qui mêle politique, poésie et son urbain.

https://www.youtube.com/watch?v=De_N7Yaz2pE

- Donna Summer, "Love to Love You Baby" (1975): un des disques fondateurs du disco, transpirant l'érotisme...

https://www.youtube.com/watch?v=V5AztWseIdU

- Chic, "C'est Chic" (1978): les riffs imparables de Niles Rodger font encore danser aujourd'hui (demandez donc aux Daft Punk!)...

https://www.youtube.com/watch?v=h1qQ1SKNlgY

- Diana Ross, "Diana" (1980): ex-reine de la soul avec les Supremes devenue prétresse de la nuit et de la disco.

https://www.youtube.com/watch?v=4GtyMeEcPPE

- Grandmaster Flash & the Furious Five, "The Message" (1982): les débuts du rap, entre danse et discours social. "Don't touch me 'cause I'm close to the edge..."

https://www.youtube.com/watch?v=gYMkEMCHtJ4

- Run D.M.C., "Raising Hell" (1986): un des premiers succès internationaux du rap, avec le tube "walk this way" en duo avec les rockers d'Aerosmith.

https://www.youtube.com/watch?v=J-inUYhL89o

- Beastie Boys, "License to Ill" (1986): des blancs-becs de Brooklyn qui rapent sur du punk hardcore. Toute l'urgence, la violence  et l'humour de NYC

https://www.youtube.com/watch?v=07Y0cy-nvAg

- Public Enemy - "Fear of a Black Planet "(1990): véritable brulôt politique qui fait rentrer le rap dans l'âge de la contestation. Parental Advisory Explicit Lyrics.

https://www.youtube.com/watch?v=WnS53fNfpkE

- Wu-Tang Clan, "Enter the Wu-Tang: 36 Chambers" (1993): du rap hardcore à la fois menaçant et entêtant. Le génie de RZA et de sa bande permet à NYC de retrouver son titre de capital du hop-hop.

https://www.youtube.com/watch?v=twa-Q6HRwH8

- Mobb Deep, "The Infamous" (1995): un rap lourd, sombre et angoissant qui exprime toute la noirceur du ghetto.

https://www.youtube.com/watch?v=79jGN-ZGdbw

- Fugees, "The Score" (1996): énorme succès international pour ces haïtiens de Brooklyn (la superbe voix de Lauryn Hill n'y est pas étrangère). Ooh la la la.

https://www.youtube.com/watch?v=Vm8yQOHOkaQ

- Jay-Z, "The Blueprint" (2001): le dernier roi en date du rap new-yorkais dans un de ses meilleurs albums.

https://www.youtube.com/watch?v=1tWmyPMf3wU

En bonus, l'hommage de Jay-Z à sa ville:

https://www.youtube.com/watch?v=0UjsXo9l6I8

 

Epilogue:

Au cours du siècle passé, New York s'est érigée en véritable capitale de la musique contemporaine, en creuset artistique bouillonnant au rayonnement planétaire. La scène musicale de la Big Apple révèle malgré tout un paradoxe majeur: des jazzmen de Harlem aux B-boys du Bronx en passant par les travestis du Studio 54, le son de la métropole la plus puissante de la planète est né dans les bas-fonds de la ville, au sein des communautés paupérisées et/ou marginalisées, pour ensuite s'imposer partout dans le monde. La revanche des exclus et des laisser-pour-compte en quelque sorte.

PS: à vous désormais de compléter la sélection musicale...

 

Et pour finir, quelques chansons, classiques ou méconnues, pour s'évader dans les rues de New York...

- Frank Sinatra, New York New York: https://www.youtube.com/watch?v=6YjIsUc4Ank- Duke Ellington, Take the A Train: https://www.youtube.com/watch?v=cb2w2m1JmCY- Charles Mingus, Nostalgia In Times Square: https://www.youtube.com/watch?v=HafQ0B36ZIQ- Bob & Earl, Harlem Shuffle: https://www.youtube.com/watch?v=fuIwHfMKBmA- Bobby Womack, Across 110th street : https://www.youtube.com/watch?v=syg5WBs7PQo- Dillinger, Cocaïne in my Brain: https://www.youtube.com/watch?v=wq-kfVmtzOI- Kool G Rap & DJ Polo, Streets of New York: https://www.youtube.com/watch?v=TdvKAnIlB2Y- Nas - Queens Get the Money: https://www.youtube.com/watch?v=xL6t9FVbDvM- Ol' Dirty Bastard, Brooklyn Zoo: https://www.youtube.com/watch?v=T3re3Qf7JaE- Beasty Boys, Open Letter to NY:https://www.youtube.com/watch?v=LItOrlOi9SA- Yeah Yeah Yeahs, Yeah! New York: https://www.youtube.com/watch?v=it-fvl414mU- Velvet Underground, I'm Waiting for the Man: https://www.youtube.com/watch?v=hugY9CwhfzE- Lou Reed, Coney Island Baby: https://www.youtube.com/watch?v=kwLlvcDi4PQ- Billy Joel, New York State of Mind: https://www.youtube.com/watch?v=XO2l7qtyyBw- Jonathan Richman, Springtime in New York: https://www.youtube.com/watch?v=Ymx-ZyRyh3k- Rufus Wainwright , 14th Street : https://www.youtube.com/watch?v=0bJOQp6UUVg- Leonard Cohen, Chelsea Hotel No. 2: https://www.youtube.com/watch?v=Sx83eIVkKyo- LCD Soundsystem, New York, I Love You But You're Bringing Me Down:     https://www.youtube.com/watch?v=-eohHwsplvY

 

Rédigé par Team Histoire-Géo

Publié dans #divers

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