Blog d'histoire-géographie du lycée Louis Armand d'Eaubonne
Etude de cas : Mai 68 s'affiche...
Publié le 14 Octobre 2022
Étude de cas : Mai 68 s'affiche...
(HGGSP Première)
Nous vous proposons ici une sélection d'affiches réalisées par les étudiants des écoles d'art parisiennes (l'atelier populaire des beaux arts et les arts décoratifs) au moment de la crise de mai 1968. Produites en masse (grâce à la technique de la sérigraphie et au soutien des imprimeries en grève) puis placardées dans les rues de la capitale et des principales villes du pays, ces affiches rendent compte de l'esprit contestataire qui anime une partie de la société à l'époque. Œuvres d'art à part entière, moyens de propagande, outils d'expression et espace de liberté, drôles, provocantes et politiques, ces affiches qui fleurissent un peu partout durant le printemps 68 sont autant de traces éphémères des aspirations parfois utopistes d'une jeunesse en révolte.
L'atelier populaire des beaux arts en mai 1968
Tracts et affiches placardés sur les murs de Paris (mai 1968)
L'opposition au général de Gaulle et à la France du "passé"
Au pouvoir depuis 1958, de Gaulle est pour les étudiants le symbole d'une France traditionnelle et morose qu'ils rejettent. L'opposition au héro de la libération traduit le fossé qui sépare la jeunesse (issue du baby-boom et nourrie au biberon des 30 Glorieuses) de leurs parents (encore marqués par les souvenirs du deuxième conflit mondial). Rejet du passé, rejet d'un ordre moral jugé archaïque, rejet de l'autorité, rejet de la figure paternelle... mai 1968 fut avant tout un conflit générationnel et culturel.
La critique de médias au service du pouvoir.
Depuis 1945, la radio et la télévision sont nationalisées et constituent un monopole d’État (l'ORTF est sous la tutelle du ministère de l'information). Le pouvoir exerce donc un étroit contrôle sur les médias de masse et les utilisent comme de véritable porte-voix gouvernementaux. A l'époque, seules les radios périphériques comme Europe n°1 et RTL sont réellement indépendantes (car elles émettent depuis l'étranger) et donnent la parole aux manifestants. Les affiches sur ce thème traduisent ainsi la défiance de la jeunesse vis à vis de l'audiovisuel public et leurs aspirations à une plus grande liberté d'expression. L'impertinence du propos (graphique notamment) est en d'ailleurs une preuve manifeste, comme leur soutien aux journalistes de l'ORTF en en grève pendant la crise.
La lutte contre le modèle capitaliste.
Ces étudiants, issus majoritairement des classes moyennes et qui vivent dans l'opulence matérielle des 30 Glorieuses, rejettent (paradoxalement) le modèle capitaliste et la société de consommation. Les affiches montrent cette volonté de changement et une certaine attirance pour l'idéologie communiste (le "petit livre rouge" de Mao est à la mode du côté du quartier latin et les étudiants sont soutenus par des figures intellectuelles engagées à gauche comme Sartre ou Aragon), par la récurrence des thématiques de la "lutte", du "combat" et de la "solidarité" (avec les ouvriers, les paysans...) comme par le graphisme utilisé. Ce caractère plus politique des affiches traduit aussi la montée du chômage (annonciatrice de la crise des années 1970) et l'inquiétude grandissante de la jeunesse quant à son avenir.
[La plupart des illustrations sont tirées du site Gallica de la Bibliothèque Nationale de France]
En plus, une petite video sur les affiches de mai 68 du point de vue d'un collectionneur...