Chine-Japon: concurrences régionales, ambitions mondiales.

Publié le 30 Mars 2020

THEME 3: DYNAMIQUES DES GRANDES AIRES CONTINENTALES

 

Chine-Japon: concurrences régionales, ambitions mondiales.

 

 

Longtemps conflictuelles, les relations entre la Chine et le Japon sont relancées par la nouvelle donne économique et géopolitique internationale. Les deux pays, aux niveaux de développement respectifs encore très inégaux, rentrent aujourd'hui en concurrence au sein de leur aire d'influence commune (l'Asie) mais aussi à l'échelle de la planète. Les cartes de la puissance sont redistribuées et chaque pays cherchent à renforcer son rayonnement international et sa centralité régionale. Les bouleversements économiques récents sont ainsi accompagnés de bouleversements géopolitiques.

=> Quels sont les atouts et les limites à la puissance respective du Japon et de la Chine ?

=> Dans quelle mesure la confrontation entre les deux entraînent-elle des rivalités et des tensions ?

=> En quoi l'évolution des relations sino-japonaises témoigne-t-elle des profonds bouleversements économiques et géopolitiques du monde contemporain ?

 

I – CHINE/JAPON : LE FACE À FACE DE DEUX PUISSANCES AUX ATOUTS DIFFÉRENTS.

 

1. Des civilisations proches aux destins divergents.

 

a. L'influence millénaire de la civilisation chinoise sur le Japon. La Chine est un des plus anciennes et des plus prospères civilisations de la planète. Apparue il y a plus de 5000 ans, elle est à l'origine de nombreuses inventions majeures telles la boussole, le papier, le billet de banque, la poudre à canon ou encore les pâtes alimentaires. Elle se fonde sur :

  • un système d'écriture, les idéogrammes.

  • un ensemble de rites spirituels mais aussi sociaux comme pour la cuisine ou le thé.

  • un corpus philosophique, le confucianisme, entendu comme un ensemble de conceptions morales et politiques apparu aux VIème et VIIème siècle avant notre ère. Il se fonde notamment sur le respect et l’obéissance aux ainés, sur la bienveillance envers ses semblables...

La civilisation chinoise, brillante et rayonnante, a fortement imprégné toute l'Asie de l'Est, notamment la Corée, le Vietnam et le Japon. Dans ce dernier, les éléments culturels venus de « l'empire du milieu » (taoisme, confucianisme...) se sont mêlés au shintoïsme nippon (la plus ancienne religion japonaise, qui mélange des éléments polythéistes et animistes) et aux influences bouddhistes. Les deux pays partagent ainsi aujourd'hui bien des points communs sur le plan civilisationnel : une écriture très proche, un ensemble de signes et de rites communs...

 

Les religions en Asie.

 

b. Deux destins divergents à partir du XIXème siècle. Toutefois, les deux États ont réagi de manière très différente à l'arrivée des puissances occidentales (Grande-Bretagne et Etats-Unis principalement) en Asie au XIXème siècle.

  • Le Japon : à partir de l'ère Meïji (1868), le Japon connaît une modernisation inspirée des occidentaux. Le pays s'industrialise, se dote d'une armée moderne et se lance dans une politique impérialiste. A la recherche de matière première et soucieux de montrer sa domination dans la région, le Japon annexe Formose (Taïwan) dés 1895 par le traité de Shimonoseki) puis envahit partiellement le continent à partir de 1931.

  • la Chine : à l'inverse, l'empire du milieu se retrouve totalement dominé par les puissances occidentales après les deux guerres de l'opium perdues contre la Grande Bretagne au milieu du XIXème siècle. Le « siècle de la honte » et la signature des « traités inégaux » marquent le début du déclin chinois. Dans les années 1930, la Chine en pleine guerre civile (entre le Guomindang et le PCC) est envahie par le Japon. La violence de la conquête et de la colonisation, comme en témoigne le massacre de Nankin en 1937, renforce le sentiment d'humiliation des chinois. Ce passé est aujourd'hui loin d'être oublié en Chine...

 

Soldats japonais et prisonniers chinois (1937)

 

c. Deux destins opposés après la 2ème Guerre mondiale. A partir de 1945-49, les deux pays prennent des trajectoires différentes et même antagonistes. Le « grand jeu » de la Guerre Froide amène ainsi :

  • le Japon a s'intégrer au bloc américain. Vaincu, occupé et protégé par les États-Unis, « l'empire du soleil levant » est une pièce maîtresse du dispositif géostratégique américain en Asie. Le pays se reconstruit sur un modèle démocratique (même si le Parti Libéral est resté au pouvoir pendant 50 ans!) ), pacifiste (le pays bénéficiant cependant du parapluie nucléaire US) et libéral/keynésien (et bénéficiant en outre de l'aide financière états-unienne dans le cadre du plan Dodge).

  • la Chine a s'intégrer au bloc soviétique. Le pays devient communiste en 1949 avec la victoire de Mao Zedong (et le repli des nationalistes de Tchang Kaï Check à Taïwan). La République Populaire naissante adopte un modèle politique et économique proche du régime soviétique (étatisation de l'économie, collectivisation, parti unique, culte du chef...). A partir des années 1960, la Chine se détache de l'URSS et se définit dés lors comme le leader du communisme dans le tiers monde et en Asie. L'économie chinoise ne s'ouvre véritablement au monde qu'à partir de 1979 et l'arrivée au pouvoir des communistes pragmatiques comme Deng Xiaoping.

 

Le monde en 1957

 

2. Continent vs archipel : deux territoires aux contraintes et atouts très différents.

 

Avec respectivement 350 000 km² et 9,6 millions de km², les territoires du Japon et de la Chine (4ème rang mondial pour la superficie) ne sont pas vraiment comparables. Ce constat étant fait, les deux territoires disposent par ailleurs d'atouts et de contraintes spécifiques :

  • le Japon est un archipel composé de 4 grandes iles (Hokkaidō, Honshū, Shikoku et Kyūshū) s'étalant du nord-est au sud-ouest sur plus de 4000 km. Les montagnes occupent 71 % de la superficie du pays et seulement un peu plus du 1/5 du territoire est habitable. Les terres cultivables sont rares, les matières premières encore davantage et le pays est très largement dépendant de l'extérieur pour son approvisionnement énergétique (malgré l'importance de son parc nucléaire). Les 130 millions de japonais « s'entassent » dans les plaines littorales (principalement à l'est et au sud, le "Japon de l'endroit") où les densités avoisinent les 2000 hab/km². En outre, le Japon est soumis à toutes sortes d'aléas naturels destructeurs : séisme (Kobé, 1995, d'une magnitude de 7,2 sur l'échelle de Richter), tsunami (accident de Fukushima en 2011), typhon...

 

Japon: agglomérations et densité de population

 

Les risques naturels au Japon

 

  • La Chine est un immense territoire continental aux reliefs et climats variés (de la haute montagne aux vastes plaines alluviales, du désertique au tropical humide...). Elle dispose de nombreuses ressources dans son sous-sol, qui en font un des plus importants producteurs de matières 1ère de la planète : 1er pour l'or, le fer, le charbon, 5ème pour le pétrole...

    Toutefois, cette immensité rend difficile et coûteuse la mise en place d'infrastructures de transports et de communication (la ligne de chemin de fer Beijing-Lhassa est longue de 4000 km), pourtant nécessaire au désenclavement des régions intérieures et au rééquilibrage régional du pays (le peuplement et les activités étant très fortement concentrés sur les littoraux). De plus, cette immensité pose le problème du contrôle politique des marges territoriales. L'exemple tibétain témoigne du volontarisme chinois dans ce domaine...

 

Chine: population et limites régionales

 

Les ressources naturelles en Chine

 

=> Si les deux États ont donc des territoires radicalement différents, ils sont tous deux confrontés à la même réalité d'un déséquilibre régionale entre des façades littorales placées au cœur de l'organisation territoriale et des arrière-pays en « retard ».

 

3. Deux puissances économiques de rang mondial

 

a. Des puissances économiques à l'inégal niveau de développement humain. Le Japon et la Chine sont aujourd'hui respectivement les 3ème et 2nde puissances économiques du globe (le Japon a perdu sa deuxième place au profit de son voisin en 2010). Ils représentent à eux deux près de 30% du PIB mondial et près de 65% du PIB de l'Asie de l'est. En outre, les deux pays sont très intégrés au processus de mondialisation.

  • le Japon connaît un essor économique exceptionnel à partir de 1945. La « haute croissance » des années 1950 et 60 (proche de 15% par an) se base sur la stratégie de substitution aux importations, l'interventionnisme étatique et l'activité des puissantes Keiretsu : le pays développe son industrie (lourde, chimique...) et met en place des mesures protectionnistes. Le Japon opère progressivement une remontée des filières (automobile, informatique, robotique...) et délocalise les anciennes activités chez ses voisins asiatiques (cf le développement "en vol d'oies sauvages").

    Aujourd'hui, le pays est devenu un acteur essentiel de l'économie mondiale : membre de la triade, 4ème puissance commerciale mondiale (2ème producteur d'acier, 2ème producteur automobile..), 2ème place boursière (avec la bourse de Tokyo, le Kabuto-Cho), pôle émetteur et récepteur d'IDE, centre de commandement avec la métropole mondiale tokyoïte et plus largement avec la mégalopole japonaise (Tokyo-Osaka-Nagoya), pôle d'innovation technologique majeur (4% du PIB national est consacré à la R&D)... Les FMN japonaises (Toyota, Honda, Mitsui, Sony, Mitsubishi...) sont puissantes et innovantes.

    Toutefois, l'activité économique et la croissance japonaise sont, à l'instar des autres pays de la triade, plutôt ralenties depuis les années 1990. Le Japon reste un des pays les plus développés de la planète (12ème rang pour l'IDH). Il bénéficie ainsi d'une population nombreuse (10ème rang mondial) mais vieillissante, très qualifiée et disposant d'un fort pouvoir d'achat.

 

PIB et PIB/hab comparés de la Chine et du Japon

 

  • La Chine connaît un remarquable développement économique depuis le début des années 1980 (environ 10% de croissance annuelle). Elle a fondé son développement sur l'exploitation des ressources naturelles, une puissante industrie lourde et sur l'extraversion économique dans le cadre du « socialisme de marché ». En ouvrant son littoral aux entreprises étrangères (par la politique des ZES) et au commerce international (en intégrant par exemple l'OMC en 2001), la Chine a développé ses exportations de produits manufacturés à bas coût. Le pays cherche aujourd'hui a dépasser ce stade de « pays atelier » en développant son industrie de pointe et sa capacité d'innovation grâce aux revenus des exportations.

    La Chine occupe désormais une place primordiale dans l'économie mondiale : « atelier du monde » (80% des jouets, 55% des ordinateurs, 45% de l'acier...), 1ère puissance industrielle, 1ère puissance commerciale, un des principaux pôles récepteurs d'IDE... Shanghai, 1er port au monde et centre financier grandissant, est en passe de devenir une métropole d'influence mondiale.

    Toutefois, la Chine est encore considérée comme une puissance émergente. Son développement économique est ainsi fortement dépendant des IDE et de la demande extérieure, l'agriculture est toujours la première source de main d’œuvre et le pays n'est classé qu'au 100ème rang mondial en ce qui concerne l'IDH. La population chinoise constitue une main d’œuvre nombreuse, peu coûteuse mais dont les besoins (logement, éducation, nourriture, soins...) sont immenses.

 

b. Des territoires déséquilibrés et des économies littoralisées. Le Japon et la Chine sont donc deux puissances dont le développement est basé sur l'intégration à l'économie-monde. Les deux États sont ainsi largement tournés vers l'extérieur comme en témoigne d'ailleurs leur organisation territoriale. De fait, les deux pays sont caractérisés par :

 

  • D'importants contrastes entre le littorale et l'arrière-pays :

- La mégalopole et plus généralement le « Japon de l'endroit » sur la façade pacifique constituent le cœur de la puissance Japonaise. L'intérieur du pays et la façade occidentale (« Japon de l'envers ») sont beaucoup moins peuplés et industrialisés.

 

Organisation du territoire japonais.

 

- Le littoral chinois et les grands pôles urbains que sont Shenzhen-Guanzhou, Shanghai et Beijing-Tianjin forment le cœur de la puissance chinoise. L'hinterland présente d'importants retards en terme d'industrialisation, de richesse et de développement.

 

La littoralisation du territoire chinois

 

  • La présence de zones portuaires dynamiques :

- Shanghai, Guangdong, Tianjin, Nagoya, Tokyo ou encore Chiba font partis des plus grands ports de la planète, aménagés pour accueillir les conteneurs.

- Une telle activité a entraîné l’aménagement de véritables cordons industrialo-portuaire (ZIP) associant plate-forme multimodale et zones de stockage et de production (comme dans les ZES chinoises).

- La façade maritime allant du Japon à Singapour en passant par la Chine est la plus active au monde.

 

Ports et routes maritimes en Asie

 

=> Les deux États ont donc des économies littoralisées et constituent des interfaces majeures de l'espace mondiale.

 

II – CONCURRENCES RÉGIONALES, AMBITIONS MONDIALES

 

1. Deux États à la recherche de reconnaissance et de puissance politique...

 

a. Le renforcement du « hard power ». Les deux États ont des ambitions politiques d'échelle planétaire. Dans ce cadre, ils cherchent à renforcer leur « hard power » afin de peser davantage sur la scène géopolitique mondiale.

  • le Japon : déjà économiquement puissant, le pays cherche à se doter de la même influence politique. Il est par exemple candidat depuis 1993 à un siège de membre permanent de l'ONU. Il milite ainsi avec le Brésil, l'Inde et l'Allemagne pour une réforme de l'ONU en lien avec les bouleversements économiques et géopolitiques contemporains.

    Le Japon accroît également sa puissance militaire, aujourd'hui réduite en vertu de l'article 9 de la constitution de 1947 (écrite pendant l'occupation américaine et inspirée des travaux de Douglas MacArthur alors commandant suprême des forces d'occupation alliées au Japon). Cet article ordonne le renoncement du Japon à la guerre et à la formation d'une armée, ce qui suscite d'ailleurs de nombreux débats dans le pays (idée que la constitution a été rédigée par les américains souhaitant maintenir le Japon sous sa domination). Le pays se dote malgré tout de forces armées lors de la Guerre Froide, poliment nommées « Force d'autodéfense » (FAD). Il a aujourd'hui le 6ème budget militaire au monde (55 milliards de $) et le 2ème d'Asie derrière la Chine, budget qui continue de s’accroître actuellement. Le Japon a également participé à des opérations de maintien de la paix de l'ONU et à des actions humanitaires en soutien de l'armée américaine en Irak. La marine japonaise quant à elle joue un rôle important à l'échelle régionale, notamment dans la lutte contre la piraterie et la surveillance des lignes maritimes.

 

Article 9 de la constitution japonaise

 

  • La Chine : les dirigeants chinois cherchent à faire de leur pays une puissance d'envergure mondiale, selon eux non pas pour devenir hégémonique mais au contraire pour éviter que la Chine soit à nouveau humiliée (comme ce fut le cas pendant le "siècle de la honte"). Sans officiellement vouloir modifier l'ordre mondial, l'émergence de la Chine bouleverse la géopolitique planétaire en modifiant les rapports de force, notamment avec les États-Unis et le voisin japonais.

    Dans ce cadre, les dépenses militaires sont en constante augmentation et atteignent aujourd'hui 140 milliards de $, deuxième budget de la planète après celui des États-Unis (700 milliards!). L'armée populaire chinoise, qui compte  2,2 millions d'hommes, est la plus importante au monde ; déjà dotée de l'arme nucléaire, elle continue à se moderniser. Enfin, à l'image du Japon, l'implication du pays dans les opérations de maintien de la paix est croissante.

    Si la Chine ne peut malgré tout pas encore rivaliser militairement avec l'hyperpuissance états-unienne, elle s'affirme de plus en plus lors des discussions au sein des grandes institutions internationales, utilisant son poids économique et son immense marché intérieur naissant pour défendre ses intérêts. Ce fut par exemple le cas lors de la crise syrienne.

 

Evolution des dépenses militaires chinoises.

 

b. Développer l'image de la « puissance douce ». Pour renforcer leur influence internationale, les deux puissances développent également leur « soft power » respectif.

  • le Japon : la culture japonaise est déjà largement présente dans le monde. Sushis, mangas, bonsaï, karaté, pokemon ou encore sudoku sont des termes presque universellement connus. Le japon est ainsi un des principaux exportateurs de produits culturels (jeux vidéo, cinéma, mangas, J-pop...) et la diffusion de ce « cool Japan » (avec le soutien des autorités) en fait une véritable superpuissance culturelle. En 2003, le gouvernement a par ailleurs lancé le programme « Yôkoso ! Japan » (bienvenue au Japon) qui vise à augmenter le nombre de touristes dans l'archipel.

    Le Japon exprime également sa « puissance douce » à travers sa politique d'aide au développement. Le pays est un des principaux donateurs avec plus de 10 milliards de dollars en moyenne par an. D'abord orientés vers l'Asie Pacifique, ces flux financiers s'élargissent aujourd'hui au continent africain.

 

Sushis, sashimis, makis...

 

  • La Chine : si le pays ne dispose certes pas encore du rayonnement culturel nippon, les autorités mènent une politique volontariste afin de renforcer leur « soft power ». A l'instar du Japon justement, les chinois ont fait de l'aide au développement un volet incontournable de leur diplomatie à destination de l'Asie, de l'Afrique et de l'Amérique latine. L'influence grandissante chinoise passe aussi par la croissance des IDE vers le reste de la planète (multipliés par 20 en 10 ans) dans tous les secteurs : achat de terres en Afrique et en Amérique du sud, rachat d'entreprises aux États-Unis et en Europe, construction d'infrastructures dans les pays du sud... La diaspora chinoise, principalement implantée en Asie, joue aussi un rôle majeur, tant dans le développement économique du pays que dans la diffusion de sa culture.

 

La Chine en Afrique

 

Les importations de la Chine en provenance d'Afrique


La Chine cherche d'ailleurs actuellement à faire connaître sa culture et à améliorer son image internationale. Plus de 300 Instituts Confucius, qui participe à l'enseignement de la langue et à la promotion culturelle, ont ainsi été créés dans 94 pays depuis 2004. L'organisation de grands événements de masse comme l'exposition universelle de Shanghai en 2010 et les jeux olympiques de Beijing en 2008 ou même le lancement d'un programme spatiale médiatisé sont aussi des moyens pour le régime d'affirmer la puissance retrouvée du pays tout en donnant une image moderne et dynamique de celui-ci. Cependant, cette image est encore fortement assombrie par la violence du régime (répression tibétaine...) et par le déficit de démocratie (emprisonnement politique, parti unique, contrôle internet, absence de liberté de la presse...) qui caractérisent le pays.

 

Les instituts Confucius dans le monde (2011)

 

2. … qui rentrent en concurrence à l'échelle régionale...

 

La multiplication des tensions. Du fait de leurs ambitions respectives, les tensions et de litiges entre les deux puissances se multiplient ces dernières années. Ils sont tout aussi bien en rapport avec les héritages du passé qu'avec la défense des intérêts stratégiques nationaux actuels.

  • le souvenir de l'occupation d'une partie de la Chine et les violences qui accompagnèrent la colonisation japonaise (comme le massacre de Nankin en 1937) sont une source de tensions diplomatiques récurrentes entre les deux pays. Ce sujet est largement instrumentalisé par le régime chinois, fort de sa puissance retrouvée face à son voisin, comme moteur du nationalisme et symbole du désir de reconnaissance du pays.

  • La rivalité est aussi économique. La Chine rivalise par exemple aujourd'hui avec le Japon dans ses investissements en Asie du sud-est et de plus en plus de secteurs d'activité rentrent en concurrence (industrie lourde, finance...)

  • Les contentieux frontaliers assombrissent les relations sino-japonaises. Ils concernent principalement la délimitation des ZEE en mer de Chine méridionale ainsi que les îles Senkaku, annexées par le Japon en 1895 et toujours revendiquées par la Chine. Plus que par ces îlots inhabités, les deux pays sont surtout intéressés par les ressources halieutiques et par les possibles réserves d'hydrocarbure du sous-sol marin. Les démonstrations de force militaire et les provocations sont fréquentes dans cette zone. En septembre 2012 par exemple, l'Etat nippon a nationalisé trois des cinq îles  de l'archipel des Senkaku en les achetant à leur propriétaire privé, lui-même nippon; des manifestations anti-japonaises parfois violentes se sont alors déclenchées à travers la Chine. Face à ce regain de tensions, Tokyo a annoncé récemment la constitution d'une force spéciale de 600 hommes et 12 navires pour surveiller et protéger l'archipel, ce qui n'a pas vraiment impressionné les chinois qui, en février 2013, ont fait entrer trois navires gouvernementaux dans les eaux territoriales des Senkaku...

 

Manifestation anti-japonaise en Chine (septembre 2012)

 

Contentieux maritime Chine - Japon

 

=> La montée en puissance de la Chine amène à une remise en cause du leadership japonais dans la région. Les dépenses militaires croissantes et la multiplication des tensions qui accompagnent ces évolutions ne doivent cependant pas faire oublier les liens d'interdépendance qui se nouent actuellement entre les deux pays.

 

Chine - Japon: oppositions politiques, rapprochement économique

 

3. … mais tendent aussi à se rapprocher et à coopérer.

 

a. Une interdépendance économique croissante. Ces dernières années, les deux Etats ont intensifié leurs relations économiques. Depuis la fin des années 1970, leurs échanges ont par exemple été multipliés par 300! La Chine est devenue le 1er partenaire commercial du Japon et représente 20% de ses échanges extérieurs. Le japon est quant à lui le troisième client (10%) et le premier fournisseur de la Chine (15%)

De plus, les investissements croisés entre les deux pays sont conséquents et en croissance. Le Japon a directement contribué à l'essor de la Chine en y investissant et en y délocalisant une partie de son appareil productif. Le Japon est aujourd'hui le 1er investisseur en Chine (loin devant les États-Unis et l'UE) et près de 20 000 entreprises nippones y sont présentes.

 

b. La lente intégration régionale. Les deux pays ne semblent pas prêts à collaborer pleinement à la création d'une organisation économique régionale asiatique. Ils sont peu intégrés aux organisations déjà existantes de la région et leur vision de la régionalisation est différente. La Chine cherche avant tout à se rapprocher de l'ASEAN (avec qui elle est associée depuis 2010 pour former la plus grande zone de libre-échange de la planète) et de la Russie dans le cadre de l'Organisation de Coopération de Shanghai (OCS). Le japon cherche de son côté à renforcer ses liens avec l'Australie, la Nouvelle-Zélande et l'Inde, 3 démocraties susceptibles de contrebalancer la domination chinoise en Asie.

Les deux Etats participent toutefois aux rencontres l'ASEAN+3 ainsi qu'aux discussions de l'APEC (Asian Pacific Economic Cooperation), forum économique intergouvernemental visant à favoriser la croissance économique et la coopération dans la région.

 

Shinzo Abe et Xi Jinping lors du sommet de l'APEC (Coopération Economique pour l'Asie Pacifique) en 2014

 

c. Des signes de rapprochement diplomatique. Malgré le rapport le force parfois tendu entre les deux puissances, des signes de rapprochement diplomatique sont perceptibles. Les rencontres entre les dirigeants se multiplient et, en janvier 2013, l'ancien premier ministre nippon Hatoyama s'est rendu au mémorial de Nankin et s'est excusé pour les crimes commis par les soldats japonais pendant l'occupation. De plus, Les tensions n'empêchent toutefois pas les manifestations de solidarités mutuelles, comme à l'occasion du tremblement de terre dans le Sichuan en 2008 où le Japon a proposé son aide à la Chine ou lors du tsunami de 2011 où ce fut cette fois la Chine qui offrit son assistance au Japon.

 

L'ancien 1er ministre du Japon devant le mémorial de Nankin

 

Conclusion

La Chine et le Japon constituent aujourd'hui deux puissances économiques majeures dont les ambitions respectives sont à l'origine de tensions. Toutefois, la position de force actuelle de la Chine, les nouveaux équilibres régionaux en Asie et la nouvelle donne géopolitique mondiale ne sont pas forcément synonyme de crise et de conflit. Le face à face sino-japonais peut en effet se concrétiser par un rapprochement stratégique en raison des ambitions et des intérêts communs aux deux puissances :

  • tout d'abord, avant de lancer un défi au monde, la Chine s'est lancée un défi à elle même : devenir un pays moderne et développé en assurant à la population des conditions de vie satisfaisantes (il y a encore millions de pauvres). Elle a donc tout intérêt à se rapprocher du Japon et à encourager la coopération économique régionale pour favoriser le développement économique et humain.

  • En outre, même si la Chine cherche à remettre en cause l'ordre mondial dominé par les États-Unis, elle se doit tout d'abord de se rapprocher de son voisin nippon car elle n'a pas encore les moyens de rivaliser avec le géant américain. De même, si la Japon veut s'affirmer politiquement à l'échelle mondiale, il se doit de se détacher de son allié historique et de faire la preuve de son indépendance. Dans ce « triangle d'airain » (nom donné à la relation privilégiée mais tendue entre le Japon, la Chine et les États-Unis), les deux puissances ont donc tout intérêt à se rapprocher l'une de l'autre.

 

Le Japon dans son environnement géostratégique

 

La Chine dans son environnement géostratégique.

Rédigé par Team Histoire-Géo

Publié dans #Term Géo, #1ère HGGSP

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F
Il n'y a pas de sushi au Japon..
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A
Bien vu l'artiste
A
Merci pour ce cours passionnant
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L
Juste quelques précisions sur des points à corriger : <br /> - c'est en 1895 que Taiwan passe dans le giron japonais, pas en 1905 ;<br /> - les écritures ne sont pas proches, elles sont en partie identique (les caractères utilisés sont les mêmes, ou alors ont été simplifiés mais ce n'est pas la majorité) ; en revanche, le syllabaire utilisé en complément, quoique issu des caractères chinois, est de fait complètement différent, car incompréhensible aux Chinois non-initiés au japonais ;<br /> - la victoire du PCC date de 1949 (et non de 1939) ;) <br /> <br /> Pour le reste, merci pour cet intéressant exposé ^^
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T
Merci pour votre commentaire et votre vigilance! Vérifications et corrections effectuées!
M
Merci pour ce cours très instructif !<br /> <br /> Jean Marc
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L
Aaaaaahhh...la Chine. Le seul pays ayant un gouvernement communiste capitaliste...ça fait rêver tellement c'est c**.
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