Etude de cas : la crise syrienne par les cartes

Publié le 28 Septembre 2015

La crise syrienne par les cartes

 

Camp de réfugiés de Zaatari en Jordanie, devenu une véritable ville abritant plus de 100 000 syriens.

 

L'afflux sur les côtes européennes de réfugiés en provenance du Moyen-Orient replace la crise syrienne au cœur de l'actualité. Les États membres de l'UE, qui peinent à définir une politique commune et acceptée de tous, doivent faire face à ce qui s'apparente pourtant, d'après un récent rapport de la commission européenne, à la plus importante crise humanitaire depuis la fin de la 2nde Guerre mondiale : près de 220 000 morts, 50% de la population syrienne déplacée (10,5 millions d'habitants) et 12,8 millions de personnes nécessitant une aide humanitaire d'urgence.

Les divisions actuelles de l'UE sur le dossier des réfugiés (refus des quotas, remise en cause de l'espace Schengen, oubli des valeurs fondatrices de l'union...) sont ainsi l'occasion pour nous de revenir sur les origines de la crise syrienne, sur les différentes échelles de compréhension de celle-ci et enfin sur la réalité géographique des flux migratoires qui en découlent.
Pour cela, nous nous appuierons sur quelques cartes rendant compte de la complexité de la situation.

 

I - AUX ORIGINES DU CONFLIT SYRIEN

 

1. Une crise économique et sociale à l'origine de la révolte

 

Débutée dans le sillage des "printemps arabe" (2010) par des manifestations pacifiques en mars 2011, la crise syrienne dégénère rapidement en une guerre civile opposant les forces loyalistes pro-gouvernement à "l'armée syrienne libre" (l'ASL, principale force armée d'opposition), prenant ainsi en étau la population civile.

 

Carte #1a : La contestation du régime syrien en mars 2011

 

Carte #1b : Contestation et niveau de vie en Syrie (2012)

 

C'est à la suite de l'arrestation d'une quinzaine d'écoliers ayant tagué des slogans hostiles au régime à Deraa, dans le sud du pays, qu'éclate la révolte. Les forces loyalistes de Bachar el-Assad répliquent par une violente répression qui entraîne la propagation des mouvements de contestation dans tout le sud du pays puis dans les principaux centres urbains que sont Damas, Hama, Lattaquié, Homs et Alep. En décembre 2011, le haut commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme déclare la Syrie en état de guerre civile.

Les cartes 1a et 1b nous permettent de mieux comprendre l'importance des facteurs sociaux et économiques dans le déclenchement de la crise. Depuis une vingtaine d'années, la mise en place d'une politique d'ordre libérale a accentué les inégalités, au profit d'une minorité proche du pouvoir. La diminution du niveau de vie d'une majorité de la population, l'augmentation du chômage et la hausse des prix des produits de base ont ainsi largement participé de l'opposition grandissante au régime, en particulier dans les régions les plus pauvres (le sud surtout) et dans les quartiers paupérisés des pôles urbains. Les manifestations et mouvements d'opposition cherchent à la fois à faire tomber le régime corrompu et autoritaire de Bachar el-Assad, à obtenir de meilleures conditions de vie et une plus grande liberté, religieuse notamment.

 

Carte #2 : Les conflits dans Alep en 2012

 

A Alep par exemple, deuxième ville du pays (2.5 millions d'habitants), les foyers d'opposition au régime sont principalement localisés dans les quartiers populaires de l'est (zone d'habitats informels, habitats collectifs à loyers modérés...) et non dans la partie ouest, plus aisée et aussi plus marquée par la présence de communautés chrétiennes (à l'exception du quartier de l'université). La répression menée par les troupes loyalistes et les combats contre l'ASL pendant l'été 2012 entrainèrent la destruction d'une large partie de ces quartiers et la mort de milliers d'habitants.

 

2. Une mosaïque ethnique et religieuse

 

Bien qu'à l'origine d'ordre politique et sociale, la crise et son évolution vers un conflit civil sont largement liées aux divisions religieuses et ethniques qui caractérisent le pays.

 

Carte #3 : Répartition confessionnelle et ethnique de la population en Syrie et au Liban.

 

Carte #3b : La mosaïque religieuse syrienne

 

La composition ethnique et confessionnelle de la population syrienne (environ 22 millions d'habitants, principalement installés sur les périphéries ouest et nord du territoire ainsi que dans la vallée de l'Euphrate) s'apparente en effet à une véritable mosaïque. On remarque tout d'abord la présence de populations arabes musulmanes largement dominantes parmi lesquelles une majorité de sunnites (environ 70% de la population du pays) mais aussi des minorités chiites comme les Alaouites (environ 10%, à l'ouest) ou les Druzes (3% au sud). De plus, on note l'existence de groupes musulmans sunnites non-arabe comme les Kurdes (8% de la population, dans le nord) et les Turkmènes au nord-ouest. Enfin, des minorités chrétiennes (moins de 10%, d'origine grecque et arménienne) sont présentes en Syrie de manière plus dispersée au sud, à l'ouest et au nord-est du pays.

Surtout, il faut rappeler que le pays est contrôlé par le clan el-Assad d'origine alaouite. C'est Hafez el-Assad qui prend le pouvoir par un coup d'Etat en 1970 et instaure un régime autoritaire structuré autour du parti unique Baas (parti politique laïc cherchant à l'origine à combiner socialisme et panarabisme) et interdisant toute forme d'opposition. Il réprime ainsi une insurrection menée par des islamistes sunnites (la plupart membres des Frères Musulmans) à partir de 1976 et qui prend fin en 1982 avec le massacre de Hama par l'armée syrienne. Son fils Bachar lui succède en 2000 ; le régime demeure autoritaire et le pouvoir s'appuie toujours sur les minorités (alaouite principalement mais aussi druze) pour assurer sa domination.

 

3. Un Etat, plusieurs pouvoirs: la Syrie divisée et disputée

 

Dès 2012, le gouvernement a perdu le contrôle de l'ensemble du territoire national. L'implantation géographique des forces en présence témoigne des divisions confessionnelles et ethniques du pays, mais aussi des stratégies militaires mises en oeuvre par les troupes de Bachar el-Assad.

 

Carte #4 : La Syrie fin 2012, un pays divisé et disputé

 

 

Carte #4b : La Syrie fin 2012: un pays divisé et disputé.

 

Ainsi, le nord du pays majoritairement sunnite est contrôlé par les rebelles alors que les régions peuplées par des minorités chiites (et notamment l'ouest alaouite) reste sous le contrôle du régime d'el-Assad. Progressivement, ce dernier abandonne les zones rurales souvent hostiles (et où ses soldats sont trop exposés) et concentre ses forces sur les espaces les plus stratégiques dont il dispute le contrôle aux troupes rebelles. Les combats se déroulent dès lors principalement dans les grands centres urbains que sont Alep (dont les rebelles veulent faire leur capitale), Damas et surtout Homs (carrefour essentiel entre le nord, le sud et l'ouest du pays), les frontières avec la Jordanie et le Liban et les axes routiers principaux. Pour faire tomber la capitale, les rebelles doivent en effet l'isoler en contrôlant les voies de communication terrestres et en empêchant le ravitaillement par le sud et par la bande côtière alaouite, ce qui explique l'intensité des combats à Homs.

Au nord, les minorités kurdes cherchent à créer un Etat autonome (sur le modèle du Kurdistan irakien situé à proximité), en profitant de l'affaiblissement de Bachar el-Assad. Ils contrôlent ainsi la partie nord-est du pays mais rentrent en conflit avec les forces de l'ASL.

La guerre civile renforce donc les clivages communautaires et mène au morcellement progressif du pays.

 

II - LA DIMENSION INTERNATIONALE D'UN CONFLIT LOCAL

 

La situation en Syrie est rendue encore plus complexe par l'intervention de groupes et de puissances extérieurs. La crise ne se comprend véritablement qu'en la replaçant dans sa dimension régionale et même mondiale.

 

1. L'affrontement régional entre sunnites et chiites.

 

L'aspect confessionnel de la guerre civile syrienne s'explique largement par l'opposition régionale entre sunnites et chiites.

 

Carte #5 : Les dimensions régionales et internationales du conflit syrien.

 

Le régime syrien bénéficie ainsi du soutien de soldats du Hezbollah libanais et de l'appui financier et militaire de l'Iran, la principale puissance chiite. Les rebelles quant à eux sont soutenus par la Turquie (vieil ennemi du régime d'el-Assad) et surtout par les monarchies pétrolières de la péninsule arabique, Arabie Saoudite et Qatar en tête (ainsi que par des donateurs privés). Ces représentants du sunnisme financent des groupes islamistes variés : des modérés (comme le "Front Islamique pour la Libération de la Syrie", proche des Frères Musulmans, surtout présent dans la région de Deraa), des salafistes (le "Front Islamique Syrien" implanté dans le nord), des djihadistes proche d'Al Qaïda ("Jabhat Al-Nosra" surtout constitué de combattants syriens, et "l'Etat Islamique" qui fait largement appel à des djihadistes étrangers) principalement dans le nord et dans l'est du pays. L'opposition au régime de Bachar el-Assad est donc multiforme, hétérogène et surtout bien souvent éloignée des objectifs démocratiques initiaux de l'ALS.

 

Les forces anti el-Assad: une opposition multiforme

 

En outre, si ces multiples forces armées luttent contre le régime de Bachar el-Assad, elles s'opposent aussi entre elles. C'est par exemple le cas dans le nord entre Daesh (Etat Islamique) et les rebelles de l'ASL, ces derniers s'inquiétant des visées hégémoniques du groupe djihadiste. C'est également le cas entre les djihadistes de Daesh et ceux de Jabhat Al-Nosra dans l'est afin de s'assurer le contrôle des ressources pétrolières de la région. Ce sont donc au total une dizaine de fronts qui coexistent en Syrie et qui fragmentent le pays en micro-Etats contrôlés par des chefs de guerre.

 

Carte #6b : Les multiples fronts du conflit syrien

 

La Syrie, devenu le théâtre de l'affrontement confessionnel traditionnel chiite/sunnite et de l'affrontement géopolitique entre Arabie Saoudite et Iran, voit le conflit se "métastaser" au point de rendre la région totalement incontrôlable et les espoirs de paix très hypothétiques. Si les puissances régionales ont instrumentalisé le conflit syrien à leur profit, d'autres Etats, plus éloignés, ont également joué un grand rôle dans l'approfondissement de la crise et le pourrissement de la situation.

 

2. Le jeu des grandes puissances internationales

 

La Syrie est aussi devenue le terrain d'affrontement de grandes puissances internationales comme les Etats-Unis, la Russie ou la Chine.

 

Carte #7 : La géopolitique internationale du conflit syrien.

 

D'un côté, les puissances occidentales, Etats-Unis et France en tête, soutiennent les rebelles dès le début du conflit. Elles reconnaissent ainsi les membres de la Coalition Nationale Syrienne (CNS, autorité politique de transition créée en 2012 et siégeant au Caire dont l'objectif principal est de coordonner l'opposition à Bachar el-Assad) comme les seuls représentants légitimes du peuple syrien. Si F. Hollande envisage une intervention militaire, il se heurte au refus de B. Obama ; le soutien occidental reste ainsi surtout diplomatique et demeure insuffisant pour que la CNS s'impose face au régime bassiste comme face aux groupes islamistes. Encore aujourd'hui, alors que la lutte contre Daesh semble être devenue une priorité, les occidentaux se refusent toujours à négocier avec Bachar el-Assad, coupable il est vrai d'atrocités qui égalent largement celles du groupe djihadiste (tortures, assassinats, utilisation d'armes chimiques, bombardements de civils...). Si les occidentaux justifient leur soutien aux rebelles par la défense des droits de l'homme et la promotion de la démocratie, ils cherchent aussi à maintenir leur influence dans la région et à défendre leurs intérêts économiques (la Syrie, qui produit peu de pétrole, est traversée par des oléoducs et des gazoducs qui débouchent dans les ports méditerranéens de Lattaquié et Tartous) et géopolitiques. En effet, pour les Etats-Unis par exemple, il s'agit à la fois  d'assurer la protection de leur allié israélien en affaiblissant le Hezbollah libanais et d'isoler l'Iran en supprimant un de ses partenaires dans la région.

D'un autre côté, la Russie et la Chine apportent leur soutien au régime baassiste d'el-Assad. Les deux puissances cherchent tout d'abord à faire la preuve de leur puissance retrouvée sur la scène géopolitique internationale en s'opposant aux ambitions des occidentaux, notamment en bloquant toute intervention de l'ONU grâce à leur veto au Conseil de sécurité. En outre, elles défendent également des intérêts particuliers. Pour les Russes par exemple, l'alliance avec Damas est un héritage de la Guerre Froide (la base militaire de Tartous, la dernière en Méditerranée, a été offerte aux russes en 1971 par Hafez el-Assad) et Vladimir Poutine veut maintenir la présence d'un allié la région, surtout après la perte de l'autre grand allié qu'était M. Kadhafi en Libye. La Russie a également des intérêts économiques à défendre, concernant l'approvisionnement en pétrole (via les terminaux syrien) et surtout la vente d'armes. Enfin, en terme de politique intérieure, Poutine redoute l'arrivée au pouvoir des islamistes en Syrie, ce qui pourrait inciter les opposants musulmans du Caucase à intensifier leur lutte contre Moscou. En plus du soutien diplomatique, russes et chinois apportent une aide financière et militaire à Bachar el-Assad pour lui permettre de se maintenir au pouvoir.

La guerre en Syrie ravive ainsi une opposition est-ouest que l'on pensait disparue depuis la fin de la Guerre Froide. La rencontre Obama - Poutine du 28 septembre dernier témoigne de ce bras de fer diplomatique et des blocages de la situation sur le dossier syrien.

 

Rencontre "glaciale" entre B. Obama et V. Poutine le 28/09/15 à l'ONU

 

III - LES FLUX DE REFUGIES SYRIENS : DES MIGRATIONS MAJORITAIREMENT SUD-SUD

 

1. Des migrations locales et régionales.

 

De nombreux syriens, principales victimes des différentes forces armées en présence, décident de fuir leur pays et les atrocités qui s'y déroulent. Comme bien souvent dans ce type de cas, les populations civiles se protègent des combats en se déplaçant à l'intérieur du pays ou alors en se réfugiant derrière la frontière la plus proche.

La Syrie compte aujourd'hui environ 7.6 millions de déplacés internes (pour une population d'environ 22 millions d'habitants) dont plus de 5 millions d'enfants. Le conflit pousse tout d'abord les populations à abandonner leur lieu de résidence et à s’établir le moins loin possible, souvent dans l’espoir d’un retour rapide (d'après l'ONU, dans la province de Damas, le rayon des déplacements par rapport au lieu d’origine varie entre 5 et 20 km en moyenne). L’intensification des affrontements se traduit par des déplacements menant les populations toujours plus loin de leur foyer, vers les zones frontalières où sont installés des camps ou vers des provinces plus sûres. Ces mouvements de population contribuent à renforcer les regroupements ethniques/confessionnels régionaux, comme dans le cas des alaouites des régions centrales qui se dirigent vers les villes cotières de Tartous ou Lataquié ou encore des Kurdes d'Alep qui partent vers le nord-est du pays. Ces déplacements résultent aussi d’une stratégie délibérée des belligérants : en bombardant des quartiers civils tenus par les rebelles, l'armée syrienne cherche à empêcher toute possibilité de retour à la vie normale et donc à provoquer le ressentiment de la population envers les insurgés.

 

Carte #11 : Les réfugiés syriens en 2015

 

Les principaux pays d'origine des réfugiés dans le monde fin 2013

 

De plus en plus de syriens migrent également vers les pays voisins. D'après le Haut-Commissariat aux réfugiés de l'ONU (HCR), la Syrie est le pays qui compte le plus grand nombre de réfugiés parmi ses nationaux (près de 35%). Passés de 2,4 millions en 2013 à plus de 4 millions aujourd'hui, ces réfugiés s'installent dans les camps situés dans les pays frontaliers, principalement en Turquie (qui accueillent 1,9 millions de syriens), au Liban (1,1 millions, soit plus de 25% de la population locale) et en Jordanie (620 000).  Parallèlement, les pays proches du Golfe comme le Qatar, les Émirats arabes unis, l'Arabie saoudite, le Koweït et Bahreïn n'ont offert aucune place d'accueil pour les réfugiés...

Il s'agit donc bien avant tout de migrations locales et régionales d'orientation sud-sud.

 

2. Les camps de réfugiés syriens : de véritables villes.

 

A proximité des frontières syriennes se sont donc multipliés les camps de réfugiés, de formes et de tailles diverses. La Turquie a par exemple mise en place de nombreux camps de petites tailles le long de la frontière, tandis que la Jordanie a préféré mettre en place un camp principal, celui de Zaatari, aménagé avec l’aide du HCR.

 

Carte #12 : Evolution du camp de Zaatari entre novembre 2012 et mai 2013

 

Dans le camp de Zaatari en Jordanie

 

A l'origine prévu pour accueillir entre 80 000 et 100 000 réfugiés, il compta environ 150 000 personnes à son maximum en juillet 2013 pour se stabiliser à 115 000 aujourd'hui (ce qui en fait la 5ème plus importante ville de Jordanie!). Le camp est donc devenu une véritable ville plus ou moins organisée où s'instaure une certaine forme de "normalité quotidienne". Les tentes sont peu à peu remplacées par des préfabriqués en plastique et en aluminium, des milliers de magasins et de restaurants se sont créés, certaines artères ont été bitumées (la principale ayant été baptisée les "Champs-Elysées") et la coopération internationale fournit les structures nécessaires pour assurer l’accès aux soin et à l’éducation (on y trouve 3 hôpitaux, 4 écoles, des centres de distribution de nourriture, des terrains de football et des aires de jeux afin d’occuper les 60 000 enfants du camp). Cet afflux commence cependant à créer des tensions avec les populations locales, notamment avec les 12 000 habitants du village de Zaatari situé à proximité (pression sur le niveau des loyers, sur les ressources en eau...)

 

3. Des migrations qui s'étendent progressivement à l'Europe.

 

Alors que le conflit s'enlise et que les pays voisins sont de plus en plus réticents à accueillir de nouveaux migrants (le Liban et la Jordanie commencent à fermer leurs frontières), les trajets migratoires se rallongent jusqu'aux rivages du continent européens. D'après le HCR, ce sont plus de 380 000 personnes qui ont traversé la Méditerranée entre janvier et aout 2015, dont 51% de syriens (près de 200 000 individus). D'après les prévisions de l'ONU, sur l'ensemble de l'année 2015, ce sont près de 500 000 migrants qui devraient rejoindre l'Europe.

 

Carte #13 : Les migrations vers l'Europe en (aout 2015)

 

La majorité des réfugiés essaye tout d'abord de franchir clandestinement la Méditerranée, "aidés" en cela par des passeurs clandestins sans scrupule qui les dépouillent de leurs économies et les abandonnent même parfois en pleine mer (comme en avril 2014 où un chalutier avec plus de 700 passagers a chaviré au large de l'île italienne de Lampedusa). En 2015, ce sont près de 3000 personnes qui ont été portées disparues en mer. Si entre octobre 2012 et octobre 2014, l'UE a cherché à porter secours aux clandestins avec la mise en oeuvre de l'opération "Mare Nostrum" (qui a permis de sauver plus de 150 000 personnes et d'arrêter 351 passeurs), elle tente désormais avant tout de protéger ses frontières, au grand dam des ONG et du HCR. Depuis fin 2014 en effet, l'UE a lancé l'opération "Triton", coordonnée par Frontex (agence chargée de coordonner et d'assister les pays membres dans la surveillance des frontières extérieures de l'Union), dont la mission consiste à contrôler les flux migratoires.

 

Carte #14 : Les opérations de Frontex ou "l'Europe forteresse"

 

Les migrants qui parviennent jusqu'à l'Europe, débarquent principalement sur les côtes italiennes (121 000) et dans îles grecques Grèce (258 000 arrivées dont 61% de syriens), comme sur celle de Lesbos qui regroupe aujourd'hui plus de 20 000 réfugiés. Ils poursuivent ensuite leur route à travers les Balkans (Serbie notamment) et la Hongrie vers les Etats les plus attractifs de l'UE.

Les demandes d'asile des migrants, en constante augmentation depuis 2011, sont ainsi les plus nombreuses en Allemagne et en Suède (plus de la moitié des demandes à eux deux) alors que la France, avec environ 5000 demandes n'arrive qu'en 10ème position. Cette géographie de l'asile témoigne globalement des disparités économiques au sein de l'UE, des différentes conditions d'accueil des réfugiés et de l'attitude des Etats face à cet afflux migratoire.

Les membres de la communauté européenne sont en effet très divisés quant à l'ouverture de leurs frontières aux réfugiés syriens. Si L'Allemagne a accueilli 47 000 syriens en 2014 et s'est engagée à offrir 35 000 places supplémentaires (ce qui représente 75 % du total pour l'UE), le Royaume-Uni a accepté moins de 5000 réfugiés depuis le début de la guerre en 2011. Certains Etats rétablissent les controles à leurs frontières au sein de l'espace Schengen et érigent même parfois des murs "anti-migrants", comme la Hongrie du 1er ministre Viktor Orbàn le long de sa frontière avec la Serbie. De même, l'idée de quotas de répartitions des migrants au sein des pays membres proposés par Jean Claude Junker et Angela Merkel est loin d'être acceptée par tous. 

Problèmes logistiques et sociaux réels, stratégie de politique intérieure, islamophobie rampante et prétexte de la lutte anti terroriste, peur de l'invasion étrangère ou encore spectre d'une menace sur l'identité européenne sont autant de facteurs qui poussent certains responsables politiques à refuser d'accueillir les réfugiés syriens, oubliant au passage les valeurs fondamentales de l'Union. Comme l'a rappelé António Guterres, Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, « Les réfugiés sont les boucs émissaires par rapport à certains problèmes allant du terrorisme aux difficultés économiques et à des menaces perçues par rapport au mode de vie de leurs communautés hôtes. Mais nous devons nous rappeler que la menace principale ne provient pas des réfugiés, mais qu’elle se dirige contre eux ».

D'autant plus que les migrations vers l'Europe ne représentent qu'une petite partie des transferts de populations, très majoritairement sud-sud.

 

Réfugiés secourus en mer Méditerranée

 

En complément, quelques liens vers de courtes synthèses vidéos (à base de cartes) du journal le Monde.

- Comprendre la guerre en Syrie.

http://www.lemonde.fr/proche-orient/video/2014/04/24/comprendre-la-situation-en-syrie-en-cinq-minutes_4407121_3218.html

- Comprendre la rébellion en Syrie

http://www.lemonde.fr/proche-orient/video/2013/09/26/carte-comprendre-la-rebellion-syrienne-en-5-minutes_3485527_3218.html

- Comprendre ces huit guerres qui déchirent la Syrie

http://www.lemonde.fr/international/video/2015/03/15/comprendre-ces-huit-guerres-qui-dechirent-la-syrie_4593723_3210.html

- Comprendre la crise européenne des migrants

http://www.lemonde.fr/europe/video/2015/09/03/migrants-la-crise-europeenne-expliquee-en-cartes_4744560_3214.html

 

 

Rédigé par Team Histoire-Géo

Publié dans #2nde géographie, #Term HGGSP, #étude de cas

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L
Merci pour cet excellent travail.<br /> Un collègue de Vesoul (70000).
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R
Excellent travail. Merci
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