François Hollande reconnaît la responsabilité de la France dans l'internement des Tsiganes durant la 2nde Guerre mondiale (Le Figaro.fr/Le Monde.fr)
Publié le 1 Mars 2024
Le 29 octobre dernier (2016), le président de la République François Hollande reconnaissait la responsabilité de l'Etat français dans l'internement des tsiganes pendant la 2nde Guerre mondiale. Retour sur les enjeux de cette cérémonie d'hommage à travers deux articles tirés de la presse.
François Hollande lors de la cérémonie à Montreuil-Bellay le 29 octobre 2016 (http://www.lexpress.fr/actualite/politique/tsiganes-internes-par-vichy-premiere-visite-presidentielle-a-montreuil-bellay_1845639.html)
HOLLANDE RECONNAÎT LE RÔLE DE L'ÉTAT DANS LA PERSÉCUTION DES TSIGANES
"Voilà plus de trente ans que les Tsiganes de France attendaient cette reconnaissance. Samedi matin, François Hollande était à Montreuil-Bellay dans le Maine-et-Loire à l'occasion d'une cérémonie nationale du souvenir organisée sur les vestiges d'un camp d'internement de Tsiganes datant de la Seconde Guerre mondiale. Ce déplacement du chef de l'État symbolise le 70e anniversaire de la libération des derniers Tsiganes en 1946. «Le jour est venu et il fallait que cette vérité soit dite», a dit le président français. «La République reconnaît la souffrance des nomades qui ont été internés et admet que sa responsabilité est grande dans ce drame», a-t-il poursuivi. «La France reconnaît sa responsabilité dans le drame de Montreuil-Bellay» sans «oublier que dans d'autres régions, les gens du voyage ont été déportés à Auschwitz parce qu'ils étaient des Tziganes», a dit François Hollande.
C'est la première fois qu'un président évoque ainsi la responsabilité de l'Etat dans la persécution des gens du voyage, une reconnaissance réclamée de longue date.
François Hollande a inauguré une stèle mémorielle sur place. Pour Eugène-Alain Daumas, président de l'Union Française des Associations Tsiganes (UFAT), c'est l'aboutissement de plusieurs années de militantisme. «On a eu beaucoup de difficultés à faire valoir cette commémoration oubliée. Il fallait tout le temps rappeler dans les discours que notre histoire était partie intégrante de l'histoire de France», explique-t-il au Figaro avant de souligner «le courage de François Hollande» à qui il a promis de «dire merci».
Après avoir travaillé près de quarante ans sur le sujet, Jacques Sigot, instituteur-historien local, estime que la reconnaissance est «quelque chose d'extraordinaire». «Depuis qu'ils ont annoncé la venue de François Hollande, ils ont tout restauré alors que le site a longtemps été dans un état sauvage», poursuit-il. Il se dit «très content que le site soit enfin sauvé», là où «29 personnes, essentiellement des bébés et des hommes âgés, sont mortes».
Classé monument historique en 2012 et considéré comme le plus grand camp d'internement de Tsiganes de France (4000 personnes y sont passées), le site de Montreuil-Bellay, dont il ne reste que des vestiges, est hautement symbolique. Il témoigne des conditions de traitement dramatiques endurées par ces personnes entre 1940 et 1946. En effet, alors qu'ils suspectaient les nomades d'être des espions, les nazis ont créé plusieurs camps d'internement sur l'ensemble du territoire pour les confiner. «Entre insalubrité, malnutrition et maladie, les conditions étaient lamentables», raconte Eugène-Alain Daumas. Le gouvernement de Vichy était lui en charge de la gestion de ces camps et a donc largement participé à l'internement des Tsiganes. D'autant qu'une loi française de 1912 ordonnait déjà le fichage des «nomades». Enfin, preuve que L'État français était fortement impliqué: les derniers Tsiganes ne seront libérés qu'en 1946, près de deux ans après la Libération.
Cette reconnaissance est une première étape pour la population nomade dont la mémoire a longtemps été occultée. Pendant des années, elle a gardé ces souvenirs enfouis, les dissimulant à ses enfants, avant que la parole ne se libère.
Désormais, les gens du voyage se battent pour l'abrogation totale de la loi de 1969 qui instaura le «livret de circulation», obligeant ses détenteurs à se présenter à un commissariat tous les trois mois pour indiquer où ils se trouvent, et dont la suppression a seulement été votée en 2015 par l'Assemblée nationale, après réclamation de l'ONU. «Nous attendons le décret maintenant. Pour nous c'est toujours d'actualité. Il arrive encore que l'on nous demande le carnet alors que ce n'est plus obligatoire. C'est aberrant», déplore Eugène-Alain Daumas. François Hollande a plaidé samedi dans ce sens. Il s'en est remis au Parlement pour que très prochainement «les gens du voyage soient des citoyens comme les autres, des Français et des Françaises à part entière», a-t-il dit."
Paul Louis, Le Figaro, le 29/10/2016
Camp de Montreuil-Bellay pendant la 2nde Guerre mondiale (http://www.ajpn.org/internement-camp-de-Montreuil-Bellay-152.html)
LA FRANCE ADMET SA RESPONSABILITÉ DANS L’INTERNEMENT DE TSIGANES DE 1940 À 1946
« Le jour est venu et il fallait que cette vérité soit dite. » Samedi 29 octobre, le président de la République François Hollande a reconnu la responsabilité de la France dans l’internement de milliers de Tsiganes par le régime de Vichy, lors d’une cérémonie d’hommage sur le site d’un ancien camp à Montreuil-Bellay, dans le Maine-et-Loire. « La République reconnaît la souffrance des nomades qui ont été internés et admet que sa responsabilité est grande dans ce drame », a-t-il poursuivi lors de cette cérémonie, à laquelle étaient présents plusieurs survivants.
Soixante-dix ans après la libération des derniers Tsiganes internés en France, leurs descendants et les associations attendaient avec émotion une reconnaissance officielle de leurs souffrances. Des 31 camps gérés par les autorités françaises jusqu’en 1946, dans lesquels furent internés entre 6 000 et 6 500 nomades, Montreuil-Bellay était le plus grand. Plus de 2 000 nomades, des Tsiganes mais aussi des personnes sans domicile fixe de Nantes, y furent internés de novembre 1941 à janvier 1945. Une centaine périrent.
L’Etat avait franchi un premier pas vers la reconnaissance de la participation de la France dans cet internement en juillet 2010, par la voix de l’ancien secrétaire aux anciens combattants Hubert Falco, en l’évoquant lors d’une Journée nationale de la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’Etat français.
François Hollande est aussi revenu sur la discussion en cours au Parlement du projet de loi Egalité et citoyenneté, émettant l’espoir que la législation d’exception sur les gens du voyage, dénoncée par les associations, soit bientôt abolie. Le député socialiste de Loire-Atlantique et président de la commission nationale consultative des gens du voyage Dominique Raimbourg, a-t-il rappelé, « a proposé l’abrogation de la loi de 1969, dans le cadre du projet de loi Egalité et Citoyenneté. Il en sera, je l’espère, décidé par le Parlement, pour que les gens du voyage n’aient plus ce livret de circulation à produire, pour qu’ils soient des citoyens comme les autres ».
Dès 1912, dans le but de les sédentariser, les autorités françaises avaient imposé aux « nomades » un carnet anthropométrique d’identité. Supprimé en 1969, il a été remplacé par des carnets et livrets de circulation que doivent détenir les « gens du voyage » sous peine d’amende, et une obligation de rattachement à une commune."
Le Monde, le 29/10/2016
Plaque commémorative du camp de Montreuil-Bellay (http://jacques-sigot.blogspot.fr/2014_03_01_archive.html)