Le Proche et le Moyen-Orient, un foyer de conflits depuis la fin de la Première Guerre mondiale (1ère partie)

Publié le 4 Mai 2020

THÈME 3 HISTOIRE : UN FOYER DE CONFLITS.

 

Chapitre 3: le Proche et le Moyen-Orient, un foyer de conflits depuis la fin de la Première Guerre mondiale.

 

 

Le Proche et le Moyen-Orient ne sont pas des espaces géographiques clairement distincts. L’expression Moyen-Orient ("Middle East") a été forgée par l’amiral américain Alfred T. Mahan en 1902. Elle désigne les régions qui, situées sur la « route des Indes », présentaient alors un intérêt stratégique majeur pour la Grande-Bretagne. L’ensemble s'étend ainsi à la fois en Asie, sur les plateaux iranien et anatolien, en Europe avec la Thrace orientale (Turquie), en Afrique avec l'Egypte et sur l'ensemble de la péninsule arabique. Le Proche-Orient correspond quant à lui à un espace bien plus restreint, autrefois appeler "Levant", regroupant les régions situées sur les rives orientales de la Méditerranée, de la Turquie à l’Egypte. L'expression trouve son origine dans le vocabulaire diplomatique français de la fin du XIXe siècle. De nos jours, on utilise souvent indifféremment en français les expressions de « Moyen » et de « Proche-Orient ». On peut ainsi déjà constater que la simple délimitation géographique de la région pose problème et que l'origine de ses dénominations témoignent de son importance stratégique pour les puissances étrangères.

 

Le Proche et le Moyen-Orient

 

Aujourd'hui situé au coeur de "l'arc de crises", le Moyen-Orient est un des principaux foyers de conflits de la planète: tensions entre Israël et ses voisins, "question" palestinienne, guerre civile en Syrie, intervention occidentale en Afghanistan etc., les tensions, rivalités et affrontements y sont nombreux, aussi bien à l'intérieur des Etats qu'à l'échelle internationale. L'intervention constante des puissances étrangères (au moment du redécoupage politique de la région après la 1ère Guerre mondiale comme pendant la Guerre Froide et dans le nouvel ordre mondial actuel) est un élément clé de la complexité géopolitique de la région et de son instabilité quasi continue. Carrefour historique, mosaïque culturelle et ethnique, voie de passage stratégique et réservoir de matières premières, la Moyen-Orient suscite ainsi des convoitises internes et externes dont les conséquences dépassent largement le cadre régional.

=> En quoi le Proche et le Moyen-Orient constituent-ils un foyer majeur de tensions internationales depuis 1918 ?

 

I - DE L'EMPIRE OTTOMAN AUX MANDATS, LE MOYEN-ORIENT DOMINE (1918-1948)

 

Comment le partage de l’Empire Ottoman par les Européens entraîne-t-il des conflits avec les nationalismes régionaux ?

En quoi les deux Guerres mondiales ont-elles bouleversé la géopolitique du Proche et du Moyen-Orient?

 

1. Le partage de l’Empire Ottoman: des frontières imposées par les Européens…

 

a.Les promesses d'indépendance durant le 1er conflit mondial:

 

En novembre 1914, l’Empire Ottoman, qui contrôle une large partie du Moyen-Orient, entre en guerre au côté de l'Allemagne contre les pays de l’Entente. Cherchant des soutiens dans le conflit, français et britanniques promettent l'indépendance arabe sur les territoires libérés. Mais dans le même temps, ils signent les accords secrets Sykes-Picot (16 mai 1916) qui prévoient le partage de la région entre les deux puissances à la fin de la guerre. Finalement, la "grande révolte arabe" menée sous l’autorité du "Cherif de La Mecque" Hussein ben Ali (et son fils Fayçal) de 1916 à 1918, permet de libérer la péninsule arabique de l'empire Ottoman.

 

b. Le redécoupage politique de la région par les européens:

 

A la fin du conflit, les britannique ne respectent pourtant pas leur promesse de créer un grand royaume arabe dans la région. En effet, l'empire Ottoman est démembré et le Moyen-Orient est divisé en plusieurs Etats indépendants par le traité de Sèvres de 1920. De plus, des mandats ( tutelle accordée par la SDN à une puissance pour contrôler un territoire et l'amener théoriquement à l'indépendance) sont accordés à la France (Syrie et Liban) et à la Grande-Bretagne (Irak, Palestine et Transjordanie) lors de conférence de San Remo, également en 1920. Les britanniques conservent par ailleurs une présence et une influence en Egypte (pour contrôler le canal de Suez) et dans les émirats du Golfe persique (pour l'exploitation du pétrole).

 

Le Moyen-orient après la 1ère Guerre mondiale (1920)

 

c. Une politique européenne de domination et de division:

 

En outre, afin de s’assurer le contrôle de la région (rendue stratégique par la découverte de gisements pétroliers), les puissances européennes s’appuient sur les minorités confessionnelles en leur accordant des avantages territoriaux et politiques. C'est ainsi que la Syrie est divisée en 5 "Etats autonomes" sur des bases confessionnelles; la création du "Grand Liban" permet par exemple de satisfaire les revendications des chrétiens maronites légèrement majoritaires dans la région et protégés par la France depuis la période ottomane.

 

Mandat français sur la Syrie et le Liban (1922)

 

De même, les britanniques s'appuient sur les minorités juives présentes en Palestine. En effet, dés novembre 1917, la "déclaration Balfour" (du nom de Lord Balfour, ministre britannique des affaires étrangères) reconnait pour la première fois le sionisme (mouvement laïque et nationaliste, fondé par Théodore Herzl lors du congrès de Bâle en 1897 et ayant pour objet d’encourager le retour des juifs en terre d’Israël) et envisage la création d'un "foyer national juif" en Palestine. Après guerre, la Grande-Bretagne favorise ainsi l'émigration juive vers le Moyen-Orient et des Yishouv (de l’hébreu « implantation ») se mettent en place. Du point de vue britannique, les promesses faites aux peuples arabes et cette déclaration ne sont pas contradictoires car leur intention n’est pas d’inclure la Palestine dans un futur royaume arabe indépendant à la fin de la guerre. Il n'empéche que ces choix et ces stratégies politiques accentuent les divisions au sein de la région tout comme les ressentiments vis-à-vis des européens.

 

Lord Balfour et le texte de la déclaration.

 

2. … et rejetées par des mouvements nationalistes.

 

a. La mise en place d'Etats-Nations encore fragiles.

 

Les nouvelles frontières tracées par les Européens sont remises en cause par des mouvements nationalistes. Ce refus prend par exemple la forme de mouvements armés comme celui de Mustafa Kemal dit « Atatürk » qui reprend l’Anatolie et obtient une révision des frontières par le traité de Lausanne de 1923. Un an plus tard, la Turquie devient une république laïque, nationaliste et largement tournée vers l'occident. Des révoltes arabes éclatent aussi dans les territoires contrôlés par les britanniques; ces derniers accordent l'indépendance à l'Irak en 1932 (tout en signant des traités leurs permettant d'y exploiter les ressources pétrolières) et à l'Egypte en 1936 (mais restent présent à Suez!). La France quant à elle affronte et bat les nationalistes syriens en 1920 à la bataille de Maysaloun. Par ailleurs, dans ces nouveaux Etats, des minorités sont régulièrement victimes de persécutions, comme par exemple les Kurdes dont la population est partagée entre la Turquie, l'Irak, l'Iran et la Syrie.

 

Mustapha kemal Atatürk (1925)

 

En outre, depuis l'abolition du Califat (dignité institué à la mort du prophète Muhammad pour désigner son successeur et détenue par les Ottomans depuis le XVIe siècle) par Atatürk en 1924, la concurrence entre les chefs religieux de la région s'accentue pour unifier le monde arabo-musulman. L’émir wahhabite (doctrine ultra-conservatrice de l'Islam sunnite) Ibn Saoud fait la conquête de toute la péninsule arabique (et donc des deux lieux saints musulmans que sont Médine et la Mecque) et fonde le royaume d’Arabie Saoudite en 1932.

Ce processus d'émancipation amène donc à la création d’Etats indépendants des puissances coloniales européennes et à l'expression de mouvements nationalistes plus ou moins affirmés.

 

b. Juifs, Arabes et Britanniques en Palestine:

 

C'est également le cas en Palestine où les britanniques voient s'opposer le sionisme et le panarabisme (mouvement culturel, politique et idéologique fondé notamment par Hussein ben Ali qui vise à unifier les peuples arabes dans un seul Etat, tout en dépassant les rivalités religieuses). En effet, à partir des années 1920 et suite à la déclaration Balfour, les effectifs des Yishouv grandissent rapidement, dans un contexte international de plus en plus défavorable pour les populations juives européennes (avec notamment la limitation de l’immigration aux Etats-Unis après 1924, puis avec l’accession d’Hitler au pouvoir en Allemagne en 1933). Les immigrants juifs s’implantent donc en Palestine sur des terres achetées à de grands propriétaires terriens arabes, ce qui va entrainer des tensions sociales et religieuses entre les deux communautés. Des heurts de plus en plus violents éclatent, comme par exemple à Jérusalem en 1929 (plus de 200 morts) et au début des années 1930. En 1936 commence la révolte des Arabes de Palestine contre le Royaume-Uni et les juifs. Le Haut Comité Arabe (dirigé par le mufti de Jérusalem Amin Al-Husseini et symbole du nationalisme palestinien naissant) demande l’arrêt de l’immigration juive en Palestine et la fin du mandat britannique. Ces derniers pratiquent dans un premier temps une répression sévère (entre 3000 et 6000 arabes tués) puis, en 1939, après 3 années de conflit, répondent à une partie des revendications arabes en limitant l’immigration juive.

 

Soldats britanniques face à la population Arabe lors de la Grande Révolte (1936-39)

 

3. La deuxième Guerre mondiale et ses conséquences.

 

a. Un des théatres de la guerre:

 

Entre 1939 et 1945, la région est un des théâtres d’opération de la Seconde Guerre mondiale, notamment en raison de l'importance stratégique du canal de Suez et de la présence de champs pétrolifères. Les nationalismes arabes s'effacent devant les impératifs de la guerre et les britanniques réaffirment leur autorité en Syrie (au détriment de la France du régime de Vichy), en Iran et en Irak. Ils organisent la défense du canal de Suez et des ressources pétrolières et arrêtent l’armée allemande, l’Afrikakorps, à El-Alamein en 1942.

 

b. Le départ des puissances européennes affaiblies par la guerre:

 

Au sortir du conflit, la Grande-Bretagne et la France sont très affaiblies et ne peuvent s’opposer à l’émancipation la Syrie, du Liban et de la Transjordanie (qui devient la Jordanie) en 1946; les britanniques retirent leurs troupes de Suez en 1947. En outre, les américains renforcent leur présence dans la région. Dés 1945, le Pacte de Quincy est conclu entre Roosevelt et Ibn Saoud afin de permettre l'accès des Etats-Unis au pétrole saoudien en échange d'une protection militaire et d'une aide en matériel limitaire. La manne pétrolière passe aux mains des grandes majors yankees. La 2nde Guerre mondiale a donc entrainé la fin de la domination européenne sur le Moyen-orient.

 

Ibn Saoud et Roosevelt à bord du croiseur USS Quincy (février 1945)

 

c. Du plan de partage de la Palestine à la création d'Israël:

 

Après guerre, la revendication sioniste d’un Etat refuge pour les juifs du monde entier est plus que jamais renforcée par la Shoah. Cependant, le Royaume-Uni, qui veut garantir sa présence sur le canal de Suez, cherhce à ménager les peuples arabes. Ainsi, les britanniques continuent à limiter l’entrée en Palestine aux immigrants juifs, y compris aux rescapés des camps d’extermination nazis. L'épisode de "l'Exodus 1947" témoigne de cette politique: le navire, parti de Sète en direction de la Palestine avec à son bord 4500 passagers juifs (dont de nombreux survivants de la Shoah), est arrêté par la marine britannique et ses passagers rapatriés dans la zone d'occupation britannique en Allemagne. Le sort de ses migrants et la dureté de la répression anglaise indigna l'opinion internationale et influença largement la décision de l'ONU de mettre fin au mandat de la Grande-Bretagne en Palestine.

 

L'Exodus en juillet 1947

 

Face aux violences croissantes entre les différentes communautés (et également contre eux), les britanniques s’en remettent en effet à l’ONU. Par la résolution 181 du 29 novembre 1947, l’ONU met donc fin au mandat sur la Palestine et établit un partage de la région qui créé deux Etats : un Etat arabe et un Etat juif, avec une zone internationale pour la ville de Jérusalem. Le 14 mai 1948, David Ben Gourion proclame la naissance de l'Etat d'Israël.

Rédigé par Team Histoire-Géo

Publié dans #Term Histoire, #Term HGGSP

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Merci beaucoup pour cet énorme travail, extrêmement complet et qui m'est très utile pour la préparation du BAC!
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