Sur la route avec Caro - épisode 2
Publié le 29 Septembre 2017
Sur la route avec Caro
Épisode 2 : Chicago

Jeudi 21 septembre, deuxième rendez-vous avec Caroline. Il est 8h à Chicago et notre envoyée spéciale semble tout juste se réveiller...
Chicago et le lac Michigan depuis la Wiilis Tower
Au programme de l'après-midi : baignade dans le lac Michigan, véritable mer intérieur (500 km de long sur près de 200) dont les vents donnent son surnom à la ville ("Windy City"). Il faut dire que c'est "l'été indien" à Chicago et que les températures sont montées en flèche! Un peu de détente et de bronzette avant de poursuivre la route vers le nord du pays... Caroline est chanceuse car le climat continental de la région est d'habitude plutôt rude et marqué par d'importants contrastes saisonniers : l'été est chaud et bien arrosé, l'hiver froid (-8 degrés en moyenne) avec de fréquentes tempêtes de neige (blizzard) et les conditions très changeantes pendant les saisons intermédiaires!
Nous demandons tout d'abord à Caroline pourquoi être allée à Chicago avant Détroit, ce qui est géographiquement illogique. La réponse est simple : Chicago est un nœud essentiel dans le réseau de transports des États-Unis et se révèle donc finalement plus accessible lorsque l'on vient de NYC. Sur une carte, on remarque en effet nettement que les routes et les voies ferrées convergent vers Chicago, ce qui en fait un véritable centre de redistribution (hub) et une interface majeure du territoire américain (d'où son autre surnom de "Heart of America"). Point de départ de la mythique Route 66 qui court sur plus de 3600km jusqu'à Santa Monica en Californie, Chicago est aussi relié au Canada et à l'océan Atlantique via les grands lacs et le fleuve St Laurent ainsi qu'au golfe du Mexique via le Mississippi et les lignes ferroviaires (la ville fut dés 1856 le point de départ de l'Illinois Central Railroad qui la reliait à Memphis et à la Nouvelle-Orléans). Elle abrite enfin deux aéroports internationaux, Midway et O'Hare (le 3ème au monde par le nombre de passagers), ce dernier servant de hub aux compagnies United Airlines et American Airlines. Il aura tout de même fallu près de 19h de train couchette à Caroline pour rallier la ville... Super confortable nous précise-t-elle!

Le réseaux de transports aux États-Unis
L'aire urbaine de Chicago (voies ferrées et autoroutes intra-urbaines)
Nous nous intéressons ensuite aux différences entre New-York et Chicago. Notre interlocutrice trouve cette dernière plus tranquille, moins effervescente que la "grosse pomme" et les habitants y semblent plus détendus, plus hospitaliers (il s'agit pourtant de la 3ème aire urbaine du pays avec près de 10 millions d'habitants). La chaleur moite y est peut-être pour quelques chose... Les deux métropoles ont pourtant de nombreux points communs. C'est à Chicago en 1885 que fut construit ce qui est considéré comme le premier gratte-ciel de l'histoire, le "Home Insurance Building" (même si le New York Tribune Building édifié en 1875 lui dispute ce titre), et l'architecture verticale du "Loop" n'a pas grand chose à envier à celle de Manhattan. Le Central Business District de la "ville des vents" est d'ailleurs le deuxième centre d'affaire du pays, derrière celui de New York. On y trouve de nombreux sièges sociaux de firmes multi-nationales (dont ceux de Kraft Food et McDonald) et la première bourse de la planète pour les matières premières (agricoles notamment). Grande place commerciale bien reliées aux grandes plaines céréalières, à la Manufacturing Belt et à la Mégalopolis du nord-est, Chicago s'est ainsi imposée depuis la fin XIXème siècle comme l'un des principaux centres d'impulsion de l'économie mondiale. En outre, à l'instar de sa voisine new-yorkaise, la métropole brille aussi par son rayonnement culturel.
Le Chicago Stock Exchange
Chicago downtown
L'image de la ville a tout d'abord largement été modelée par le cinéma et en particulier par les films de gangsters (comme New York d'ailleurs, souvent associée aux réalisations de Martin Scorcese ou à l'acteur Al Pacino). Chicago y apparait habituellement comme une ville violente et corrompue dominée par le crime organisé. Il faut dire que pendant la période de la prohibition (1920-1933), durant laquelle fabrication, la vente et le transport d'alcool dans le pays était interdit par le Volstead Act, "l'outfit de Chicago" était un des groupes mafieux les plus puissants du pays, étendant son activité jusqu'à Las Vegas et Hollywood. Al Capone, qui régna sur la ville entre 1925 et 1931, est ainsi le héros de nombreux films, comme le sublime "Scarface" d'Howard Hawks (1932) ou "les Incorruptibles" de Brian de Palma (1987), qui mettent autant en scène sa violence légendaire (largement exagérée d'ailleurs) que les bas-fonds de la ville.
"The Untouchables" (B. de palma, 1987), bande annonce
Mais c'est une fois de plus le patrimoine musicale de la ville qui a attiré Caroline sur les rives du lac Michigan. A l'époque de la prohibition, Chicago devient la capitale du Jazz. La mafia y ouvre de nombreux clubs (la plupart du temps des "speakeasies", bars clandestins où l'on vendait de l'alcool) dans lesquels se produisent des légendes tels Jelly Roll Morton (surnommé "l'inventeur du Jazz", rien de moins!), King Oliver, Louis Amrstrong ou encore Earl Hines (qui officia à partir de 1928 au Grand Central contrôlé par Al Capone). Le Chicago Jazz, héritier du dixieland de la Nouvelle-Orléans et précurseur du Swing, fait de la ville un haut lieu de l'histoire de la musique américaine.
Louis Armstrong, Chicago Breakdown, 1927
La métropole fut aussi le berceau du "Chicago Blues" qui influença fortement des artistes aussi importants que Chuck Berry, les Beatles, les Rolling Stones et Led Zeppelin. A partir des années 1930, la ségrégation et la Grande Dépression entrainent l'exode massif des ouvriers et fermiers noirs du "vieux sud" vers les villes industrielles du nord. Le blues acoustique du delta "s'urbanise" alors par l'ajout de guitares électriques, d'harmonicas amplifiés, de pianos et même de cuivres. Les musiciens souvent pauvres jouent d'abord dans les rues (notamment dans le marché de Maxwell Street) avant que de nombreux clubs ouvrent leurs portes dans le south side. Le mythique label Chess Record, qui voit le jour en 1950, a produit les principaux bluesmen de la ville : Willy Dixon, Albert King, Muddy waters, Howlin' Wolf, Buddy Guy...

Le Rosa's, un club de blues.
Compilation "Definitive Chicago Blues" (Not Now Music) : plus de 3h de Chicago Blues!
Dans les années 1980, Chicago (re)devient un des hauts-lieux de la nuit. Au Warehouse, un club gay du west loop, le DJ Frankie Knuckles développe un nouveau style mêlant disco (Donna Summer...) et musique électronique européenne (comme la synthpop des allemands de Krafwerk). Ses longs morceaux sont construits autour d'un boite à rythme minimaliste, d'une ligne de basse groovy, de voix soul (souvent féminines) et de divers sons produits par des synthétiseurs ou samplés et transformés grâce à des échantillonneurs. La "House Music" est née. Elle se diffuse et se diversifie très rapidement, du style "garage" new-yorkais à la "techno" de Detroit.
"Your Love", Frankie Knuckles, 1987
Nous terminons l'entretien avec quelques considérations politiques. Caroline constate une fois de plus que la ville est globalement opposée à Donald Trump. Rien de très étonnant à cela. C'est le cas dans la majeure partie des grandes métropoles du pays et encore davantage à Chicago, dont les habitants sont à plus de 35% afro-américains (la ville fut d'ailleurs un haut-lieu de la lutte pour les droits civiques dans les années 1960) et dont Barack Obama fut sénateur de 1996 à 2004. La discussion est passionnante mais il est temps de nous quitter... See U in Detroit!

Le Chicago Hot Dog!
PS #1 : Les Bulls, emblème de Chicago (par Rosie Ngoy)
L'équipe des Bulls est une franchise professionnelle de basket-ball fondée le 26 janvier 1966 et membre de la ligue majeure des États-Unis, la NBA. Le nom de l'équipe fait référence à l'histoire de Chicago et à l'importance de la viande dans son développement économique (la ville abritait d'immenses abattoirs d'où sortait plus de 80% de la viande consommée dans le pays au début du XXème siècle). Dans les années 1990, les Bulls acquièrent une reconnaissance internationale (après deux décennies sans grand succès) grâce à leur entraineur Phil Jackson et à leur joueur vedette : Michael Jordan.
Michael Jeffrey Jordan est né le 17 février 1963 à Brooklyn (NYC). Il contribue largement à populariser le basket, la NBA et les Bulls par ses exploits sportifs et par son style de jeu spectaculaire. Six fois champion NBA avec Chicago entre 1991 et 1998 et double champion olympique, Jordan est considéré comme "le plus grand joueur de basket-ball de tous les temps" (même par Barack Obama!).
Aujourd'hui encore, les Bulls et leur célèbre numéro 23 font la fierté des habitants de Chicago (même si, comme nous le disait Caroline, le sport le plus populaire dans la métropole reste le base-ball) et sont des emblèmes de la culture américaine, comme en témoigne le succès international des casquettes frappées du taureau rouge (logo créé en 1967 par Dean Wessel) ou des "Air Jordan" de la marque Nike.

Les Bulls en 1996 : M.Jordan, S.Pippen et D.Rodman
PS #2 : La bourse de Chicago (par Léa Litzenburger)
Créée en 1848, la bourse du commerce de Chicago, connue sous le nom de "Chicago Board of Trade" (CBoT), est la plus ancienne bourse de commerce au monde et demeure la plus importante de la planète pour les matières premières agricoles. Elle est située dans le quartier du Loop et compte 3600 salariés.
L'émergence de cette bourse à partir du milieu du XIXème siècle est liée à la fois aux progrès de la céréaliculture américaine (avec par exemple l'invention de la moissonneuse-batteuse par Cyrus McCormick en 1834) et au développement des chemins de fer qui ont fait de Chicago une place commerciale incontournable.
Depuis 2007, le CBoT a fusionné avec le Chicago Mercantile Exchange (CME), l'autre grande bourse de la ville, pour former la première bourse au monde en volume d'opérations traitées (environ 1,5 milliards par an!). La place boursière de Chicago est donc un élément du patrimoine de la ville (le bâtiment du CBoT est inscrit dans l'inventaire des National Historic Landmarks) et surtout l'un des centres majeurs de l'économie mondiale.

La salle des marchés du CBoT vers 1900...

.... et celle d'aujourd'hui.