Sur la route avec Caro - épisode 7

Publié le 21 Novembre 2017

Sur la route avec Caro.

Épisode 7 : sport et société aux États-Unis.

 

 

Tout au long de son périple, Caroline a pu observer les modes de vie de nos voisins américains. Elle a ainsi fréquemment évoqué le rôle et la place du sport dans la société d'outre-Atlantique. Petit focus sur ce thème dans ce nouvel épisode de notre "road trip" à distance...

 

Le Roller Derby :

Caroline a tout d'abord découvert des pratiques encore (trop) peu connues en dehors des États-Unis comme le "Roller Derby". Il s'agit d'un sport d'équipe se pratiquant sur des patins à roulettes "quad" autour d'une piste ovale, l'objectif étant pour l'attaquante de réussir à dépasser en un laps de temps donné les joueuses adverses sans se faire projeter au sol ni sortir de la piste. Apparu dans les années 1930, le roller derby se diffuse aujourd'hui un peu partout dans le monde (en particulier dans les pays anglo-saxons comme la Grande-Bretagne et l'Australie) et se structure même en ligue professionnelle (la "Women's Flat Track Derby Association" fondée en 2004). Le roller derby est fréquemment associé aux mouvements et aux revendications féministes. Sport de contact à l'imagerie inspiré par le punk et le rockabilly, sa pratique témoigne en effet d'une volonté d'émancipation et d'affirmation des femmes (dans toutes leur diversité - orientations sexuelles, couleurs de peau, aspect physique...-), en réaction au conservatisme et au puritanisme de la société américaine. Lors de son passage à Portland (dont l'équipe des Rose City Rollers a remporté les deux derniers championnats nationaux), Caroline a eu l'opportunité d'assister à une rencontre de joueuses juniors; elle y a vu, au delà de la performance sportive, une forme d'éducation émancipatrice pour ces jeunes filles, valorisant leur combativité et leur solidarité. Bref, un sport très "badass" et "girl power" pour reprendre les termes de notre envoyée spéciale! A découvrir aux USA ou même en France (nous vous conseillons par exemple d'aller supporter les joueuses parisiennes des "Lutèce Destroyeuses"...)

 

Match de Roller Derby Junior à Portland

 

Le mouvement "take a knee" :

A quasiment chacune de nos entrevues, Caroline est revenue sur l'actualité politique des États-Unis et en particulier sur l'opposition grandissante à Donald Trump. Elle a pu en observée la géographie (les détracteurs du président républicain sont principalement concentrés dans les centres des grandes métropoles de l'ouest et du nord-est du pays) ainsi que la sociologie : les populations aisées et qualifiées, les jeunes et les membres des minorités (les afro-américains ont par exemple voté à 88% pour Hillary Clinton). Le monde du sport s'est aussi largement fait entendre, notamment avec le mouvement "take a knee" apparu en 2016. Petit rappel grâce à Yasmine Boufertella (Term.L).

Le football américain, le basket-ball et et la baseball sont les trois sports les plus populaires aux États-Unis. Dés l'université, ils mobilisent des sommes considérables et touchent un très large public (près de 30 millions de téléspectateurs pour la finale de la NCAA de basket et 117 millions pour le dernier superbowl!). En conséquence, certaines joueurs sont devenus de véritables icônes, à l'instar de Jackie Robinson (le premier afro-américain a intégré la ligue professionnelle de baseball), Michael Jordan, Joe Montana ou O.J. Simpson. Quelques-uns ont d'ailleurs utilisé leur statut et leur médiatisation pour véhiculer des messages politiques ou protester contre les injustices de la société américaine. Ce fut par exemple le cas lors des jeux olympique de 1968 à Mexico où Tommie Smith et John Carlos, respectivement premier et troisième du 200 mètres, levèrent leurs poings gantés de noir pendant l'hymne américain pour protester contre le racisme, la discrimination et les violences dont étaient victime les afro-américains.

 

T. Smith et J. Carlos, Mexico, 1968

 

Un demi siècle plus tard, et malgré l'élection du premier président noir en 2008, la lutte pour la reconnaissance et l'égalité des minorités se poursuit dans le milieu sportif. En aout 2016, Colin Kaepernick, quaterback des 49ers de San Francisco, pose un genou à terre durant le Star Spangled Banner qui retentit avant le match, en signe d'indignation après une série de violences policières commises à l'encontre de jeunes noirs américains (on pense par exemple à la mort de Michael Brown à Ferguson en 2014) ainsi qu'en réaction aux propos souvent "déplacés" (pour ne pas dire plus) du nouveau président concernant les minorités. A propos de son geste, le jeune quaterback déclare : "Je ne vais pas me lever pour démontrer ma fierté envers le drapeau d’un pays qui opprime les Noirs et les personnes de couleur. (…) Pour moi, cela va au-delà du football et ça serait égoïste de ma part de détourner le regard. Il y a des cadavres dans les rues et des gens qui prennent des congés payés et s’en sortent après avoir tué." Au sein de la NFL, de nombreux joueurs suivent l'exemple de Kaepernick : quelques semaines plus tard, ils sont plus de 150 à refuser de se lever pendant l'hymne. Le mouvement « take a knee » est né et se diffuse aux autres sports majeurs du pays.

Face à ce mouvement de « rebellions », le président Donald Trump réagit lors d'un meeting en Alabama en insultant les joueurs ("vous n'aimeriez pas voir un de ces propriétaires de NFL dire, "sortez-moi ce fils de p... du terrain, il est viré !"") et en incitant les fans à boycotter les équipes ne respectant pas les symboles nationaux et ne souscrivant pas inconditionnellement au patriotisme yankee... Alors que les nouvelles saisons de NFL et de NBA débutent, Caroline ne peut que constater l'ampleur du débat dans le pays et de l'implication constante des joueurs afro-américains, notamment des stars internationales que sont Lebron James et Stephen Curry. Keep on fighting...

 

C. Kaepernick, un genou au sol

 

Nike, une firme multinationale américaine :

Le sport participe enfin du rayonnement et de la puissance des États-Unis, tant par la renommée planétaire de certains athlètes que par les retombées économiques qu'il génère. Basé à Beaverton (non loin de Portland), la firme multinationale Nike en est la parfaite illustration, comme nous le rappelle Janis Bayallal (Term.L).

Fondée en 1971  par Philip Knight et Bill Bowerman, Nike est une marque de "sportswear" mondialement connue. Cette notoriété tient à plusieurs à plusieurs facteurs. Les choix marketing tout d'abord : un nom percutant et plein de sens (dans la mythologie grecque, Niké est une déesse personnifiant la victoire), un logo aussi simple qu'efficace (la "virgule" à l'envers, "swoosh" en anglais, qui n'est autre que l'aile de la déesse) et des slogans marquants (comme le fameux "just do it" apparu en 1988). Les innovations techniques successives : en 1973, l'entreprise lance par exemple la chaussure de basket "Waffle" dont la semelle amortit les chocs puis, à partir de 1983, la série des "Nike Air" (Caroline nous raconte d'ailleurs avoir pu admirer l'ensemble des modèles de Air Jordan dans la boutique du Portland!). Un sponsoring réussi : Nike est l'équipementier officiel de nombreuses équipes et sportifs parmi les plus célèbres de la planète : les sélections nationale française et brésilienne de football, les ligues américaines de basket et de foot US, le PSG, le FC Barcelone ou encore Lebron James, Rafael Nadal, Roger Federer, Neymar, Cristiano Ronaldo... La firme est ainsi devenu le 1er équipementier mondial avec plus de 30 milliards de dollars de chiffre d'affaire, loi devant ses concurrents allemands Adidas et Puma (19 et 3,5 milliards).

 

Boutique Nike de Portland

 

Nike est par ailleurs un excellent exemple pour illustrer l'internationalisation de l'économie. Si son siège social est toujours installé en Oregon, la firme ne possède aucune usine de production aux États-Unis et réalise 55% de ses ventes à l'étranger (2005). Elle a créée plusieurs sièges régionaux dans les principaux marchés de consommation (comme à Saint-Ouen l'Aumône) et travaille presque exclusivement avec des sous-traitants basés au Mexique et en Asie (Chine, Indonésie et Vietnam principalement), d'ailleurs souvent implantés dans des zones franches. Elle profite ainsi des avantages comparatifs offerts par les différentes régions du globe pour mettre en place une division internationale du travail économiquement rentable. L'entreprise a toutefois été largement critiqué pour les conditions de travail des ouvriers dans les usines de ses sous-traitants, notamment en ce qui concerne le travail des enfants ou la faiblesse des salaires....

Nike nous apparait donc comme un élément essentiel du "soft power" américain, diffusant à la fois un modèle de société (celui de la compétition, de la performance et de la réussite) et des produits de consommation devenus cultes sur l'ensemble de la planète. Just do it...

 

La DIT selon Nike

 

 

 

 

 

Rédigé par Team Histoire-Géo

Publié dans #Sur la route avec Caro

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