Les Etats-Unis et le monde depuis 1945
Publié le 6 Mars 2020
Term.S
THÈME 3 HISTOIRE: PUISSANCES ET TENSIONS DANS LE MONDE DE LA FIN DE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE À NOS JOURS
Chap.1 : « Les États-Unis et le monde depuis 1945

Couverture du 1er numéro de Captain America, mars 1941
Le XX siècle est celui de l'affirmation de la puissance états-unienne sur la scène mondiale et même, à partir de 1945, de la mise en place progressive de son hégémonie dans le cadre de la Guerre Froide.
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Les fondements de la politique extérieure des États-Unis :
Indépendant de la Couronne britannique depuis la Déclaration d'Indépendance du 4 juillet 1776, les États-Unis (EU) apparaissent, comparativement au « vieux continent », comme un « pays neuf » ayant longtemps préféré prospérer à l'intérieur de ses frontières protectrices plutôt que de risquer l'aventure à une échelle trop vaste. En 1823, la doctrine Monroe (du nom du cinquième président des États-Unis) fixe pour plusieurs décennies l'attitude que les EU comptent adopter vis à vis d'un continent européen encore dominateur mondialement. Il s'agit ainsi de délimiter des sphères d'influence : les EU s'engagent à ne pas s'occuper des affaires européennes à condition que les Européens en fassent de même sur le continent américain.
Toutefois, dés la naissance de la nation américaine se développe un discours messianique de portée universaliste, la sacralisation de principes démocratiques et libéraux pensés comme fondements d'un modèle exportable. En 1845, le journaliste new-yorkais John O'Sullivan évoque la "destinée manifeste" pesant sur la politique états-unienne censément guidée par la providence divine. Même si l'expression à, au départ, un usage strictement interne visant à justifier la colonisation des terres indiennes et la conquête de l'ouest, elle sera reprise tout au long des XIXe et XXe siècles pour justifier les interventions grandissantes des EU dans le monde.
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La 2ème Guerre mondiale et la fin de l'isolationnisme :
Le déclenchement du 2nd conflit mondial impose au pays de progressivement s'engager auprès des forces Alliées. En mars 1941, les EU adoptent la loi « prêt-bail » qui autorise le président à « vendre, céder, échanger, louer, ou doter par d'autres moyens » du matériel de guerre et toutes autres marchandises aux États en lutte contre les puissances de l'Axe. Le pays devient "l'Arsenal des démocraties" sans pour autant s'engager directement dans le conflit. Roosevelt s'inscrit également dans la tradition et l'héritage de Wilson (et ses fameux « 14 points » de 1918) : dés le début de la Seconde Guerre mondiale, il énonce ainsi dans la Charte de l'Atlantique (1941) les principes fondamentaux d'un nouvel ordre mondial (sécurité collective, droit des peuples à disposer d'eux-même, démocratie, liberté du commerce...). L'attaque surprise par les japonais de la base de Pearl Harbor le 07 décembre 1941 fait basculer le pays dans la guerre. En janvier 1942, Roosevelt lance le Victory Program pour soutenir l'effort de guerre. L'isolationnisme a vécu.
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Rôle et place des États-Unis dans le monde depuis 1945 :
Il s'agit dés lors de mener une réflexion sur les évolutions de la politique étrangère des États-Unis depuis 1918 : quel rôle les EU entendent-ils jouer sur la scène internationale depuis la fin du 1er conflit mondial ? Comment se manifeste la puissance américaine dans le monde depuis 1945 ? Quels sont les fondements et les enjeux de leur interventionnisme ?
Cette réflexion sur les évolutions de la politique internationale US doit évidemment prendre en compte les différents acteurs intervenant dans les prises de décision :
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La Maison Blanche qui, au fur et à mesure que s'installe une « présidence impériale » (concept de l'historien Arthur M. Schlesinger, Jr. qui évoque un déséquilibre institutionnel lié au fait que l’exécutif, en particulier le président, tend à s'attribuer plus de pouvoir qu'il ne le devrait, notamment en politique étrangère), joue un rôle central, tant sous les républicains que sous les démocrates (même si les différences entre les deux sont notables). Il faut y ajouter les conseillers personnels des présidents successifs.
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Le Pentagone, qui abrite le quartier général du département de la Défense, et ce qu'Einsenhower appellera à la fin des années 1950 le complexe militaro-industriel
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Le Congrès, jaloux du principe de la séparation des pouvoirs et chargé constitutionnellement de ratifier les traités internationaux et de voter les crédits militaires
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La CIA (Central Intelligence Agency, l'agence centrale de renseignement) créée en 1947 au début de la Guerre Froide, très active dans la défense des intérêts nationaux.
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Les secrétariats à la défense et au Trésor.
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Les acteurs institutionnels privés comme les FTN, les studios hollywoodiens, les lobbys...
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L'opinion publique, largement façonnée par les médias de masse et au sein de laquelle pèse les différentes communautés immigrées.
I – 1945-1947 : LES ÉTATS-UNIS, UNE PUISSANCE VICTORIEUSE ET AMBITIEUSE.
1. Les États-Unis, grands vainqueurs de la 2ème Guerre mondiale
Les EU sortent grands vainqueurs de la 2ème Guerre mondiale et s'imposent rapidement comme une superpuissance incontournable. Leur supériorité est indéniable dans tous les domaines :
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Ils jouissent d'un immense prestige dans le monde pour leur combat contre le fascisme et le totalitarisme et sont perçus comme des sauveurs et des libérateurs. Les États-Unis et leur modèle idéologique (capitalisme libéral, société de consommation, opulence...) fascinent le monde et exercent une attraction incomparable.
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Ils dominent largement l'économie mondiale : leur territoire n'a pas souffert de la guerre et leurs capacités productives ont même été accrues par le Victory Program. En 1945, ils détiennent ainsi 2/3 du stock d'or mondial et représentent environ la ½ de la production industrielle planétaire.
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Ils disposent enfin d'une indéniable supériorité militaire : leurs troupes sont présentes sur les anciens terrains d'affrontement de la guerre, comme en Allemagne et dans le Pacifique (au Japon notamment) et leur arsenal est bien plus important que celui des autres puissances. Ils sont surtout les seuls à posséder l'arme atomique...
2. Les EU et les bases d'un nouveau monde.
Au lendemain de la 2ème Guerre mondiale, le monde est à reconstruire, aussi bien matériellement qu'économiquement et politiquement. Dans ce contexte, les EU vont dés lors chercher à mettre en place un ordre mondial fondé sur les principes centraux de leur modèle idéologique : la démocratie et le capitalisme libéral.
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Dés 1944, F.D. Roosevelt exprime clairement sa volonté de bâtir un monde nouveau lors des conférences interalliées, notamment :
- En juillet 1944 à Bretton Woods : la conférence mène à la création du FMI, de la banque mondial et à la consécration du dollar comme monnaie de référence internationale (les monnaies nationales sont indexées sur le devise américaine et celle-ci est elle-même indexée sur l'or). L'économie-monde américaine se met en place.
- Le 26 juin 1945 à San Francisco où est adoptée la charte de Nations Unis, basée sur la charte de l'Atlantique de 1941. Après l'échec de la Sociétés des Nations, Roosevelt réalise le rêve wilsonien d'une paix mondiale basée sur le principe de la sécurité collective. Le siège de l'ONU est d'ailleurs installé à New York en 1946...
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Lors des conférences de Yalta et Potsdam (en février et août 1945), les alliées (anglais, soviétiques et américains) s'entendent tant bien que mal sur le sort des vaincus et sur la réorganisation politique du monde (notamment sur les modalités du rétablissement de la démocratie dans les territoires libérés)
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Ils organisent et participent aux procès de Nuremberg (1945-46) et de Tokyo (1946-48) qui jugent les responsables nazis et japonais. C'est d'ailleurs dans le cadre de ces procès qu'apparait la notion juridique de « crime contre l'humanité »
Américains et soviétiques, auréolés du prestige de la victoire et cherchant à diffuser (voir même à imposer) leur modèle idéologique respectif, rentrent rapidement en concurrence à l'échelle planétaire. Dés 1946, Churchill évoque la mise en place d'un « rideau de fer » sur l'Europe et George Kennan (diplomate américain en poste à Moscou) dénonce les manœuvres diplomatiques de l'URSS et fait part de la nécessité pour son pays de mener une "nouvelle croisade pour la liberté". La « grande alliance » de la 2ème Guerre mondiale est définitivement rompue. La Guerre Froide commence...
II – LES ÉTATS-UNIS, LEADERS DU « MONDE LIBRE » (1947-1991)
1. Les États-Unis dans le « grand jeu » de la Guerre Froide
Face à la menace communiste grandissante (dés mars 1946), le président Truman présente sa doctrine au congrès le 12 mars 1947 : elle fixe les objectifs et les modalités de la politique extérieure des EU pour les décennies à venir. Cette stratégie, qui doit beaucoup aux idées de George Kennan, cherche principalement à endiguer (« containment ») l'extension de la zone d'influence soviétiques par :
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Des aides économiques et financières comme le plan Dodge (au bénéfice du Japon, 1949) ou le Plan Marshall proposé en 1947 à tous les Etats européens touchés par la guerre. Près de 12 milliards de dollars de prêts servirent ainsi à la reconstruction et et à la relance économique. Pour les américains, le retour à la prospérité était la condition indispensable au maintien de la paix sur le vieux continent et le meilleur moyen d'éloigner la menace soviétique.
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Des aides militaires et diplomatiques : dans le contexte de Guerre Froide, qui met face à face deux blocs qu'il faut solidifier et étendre, les États-Unis contractent une série d'alliances où la proximité idéologique se mêle à l'intérêt géostratégique. Dans cette «pactomanie», ils privilégient en effet les démocraties libérales mais soutiennent aussi des dictatures dans le 1/3 monde pour éviter la propagation du communisme (effet domino).
- Sur le continent européen : les EU encouragent la construction européenne dans le cadre de l’Organisation Européenne de Coopération Économique (OECE, 1948, à l'origine chargée de répartir les crédits accordés par le Plan Marshall entre les pays de l'Europe occidentale) et de l'Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN, 1949). Le pacte de Washington de 1949, qui fonde l'OTAN, prévoit pour la 1ère fois de l'histoire américaine une alliance militaire et diplomatique en temps de paix. D'après le traité en effet, si un État membre est agressé par l'URSS, cela sera considéré comme une agression contre l'ensemble des pays membres (art. 5). Les EU déplient leur « parapluie nucléaire » sur leurs alliés, à une époque où ni la France ni la GB ne possèdent encore la bombe atomique. Les États-Unis jouent aussi un rôle essentiel dans la naissance de la RFA à la suite de la 1ère crise de Berlin de 1948-49.
- Sur le continent asiatique : les EU développent la logique du « containment » ainsi que celle du « roll back » (« refoulement ») : dés 1945, les américains sont présents au Japon, au sud de la Corée et maintiennent une base militaire aux Philippines. Avec la prise du pouvoir par Mao Zedong et la naissance de la République Populaire de Chine le 1er octobre 1949. les EU multiplient les alliances : ANPO (traité mutuel de sécurité EU/Japon) en 1951, l'OTASE (Pakistan, Philippines, Thaïlande) en 1954, alliance avec la Corée du sud après l'armistice de Pan Mun Jom de 1953.
- Sur le continent américain : « Les EU nouent également des alliances diplomatiques et militaires dans leur « chasse gardée », comme avec le pacte de Rio de 1947 qui regroupe l'essentiel des États d'Amérique latine. La défense de leurs intérêts économiques et politiques amène ainsi les EU à soutenir des dictatures, ce qui les place en totale contradiction avec leurs idéaux affichés.
- Au Moyen-orient : pour les EU, il s'agit d'une zone hautement stratégique en raison des ressources en hydrocarbures indispensables à l'économie américaine. Dés 1945, Roosevelt négocie des concessions pétrolières avec Ibn Saoud (dirigeant de l'Arabie Saoudite) pour la compagnie américaine Aramco. Le royaume devient dés lors le principal fournisseur de pétrole des EU. En 1955, la GB signe un pacte avec avec l'Iran, l'Irak, le Pakistan et la Turquie ; les EU rejoignent ce pacte en 1958 (alors que les irakiens le quittent en 1959), ce qui leur assure 3 nouveaux alliés aux frontières du bloc soviétique. L'alliance avec la Turquie permet le contrôle du détroit du Bosphore et l'installation de fusées à portée du territoire de l'URSS. Les EU se rapprochent aussi d'Israël, surtout à partir du début des années 1960 (le procès Eichmann de 1961, très suivi par l'opinion publique juive américaine jouant ici un rôle important dans le raffermissement de cette alliance).
Les logiques du « grand jeu » de la Guerre Froide amènent ainsi les EU à contracter de nombreuses alliances diplomatiques et militaires, à la fois pour assurer leur sécurité, démontrer leur puissance et soigner leur « paranoïa rouge ». La période correspond de ce fait à un gonflement de l'appareil d’État américain, à la multiplication des conseillers et agences spécialisées (comme par exemple la CIA créée en 1947), à l'expansion des dépenses militaires US ainsi qu'à l'essor du complexe militaro-industriel.
2. Les outils de l'impérialisme américain : puissance économique, rayonnement culturel et interventionnisme militaire (1947 – fin 1960's)
Durant toute la Guerre Froide, les EU se définissent donc comme les leaders du « monde libre » et mettent leur puissance économique, culturelle et militaire au service de leurs ambitions mondiales.
La puissance économique des EU est ainsi rapidement mise au service de la défense des intérêts nationaux et de la lutte contre le communisme :
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La puissance économique yankee s'exprime tout d'abord lors de la reconstruction accélérée des vaincus et des vainqueurs affaiblis. Dans le cadre de la doctrine Truman et du « Containment », les plans Marshall (1947) et Dodge (1949) ont ainsi pour but de combler le « dollar gap » et de fidéliser des marchés de consommateurs tout en consolidant des alliances politiques. Ces prêts étaient assortis de la condition d'importer pour un montant équivalent d'équipements et de produits américains. Les productions américaines envahissent le globe.
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Si les EU cherchent à écouler leurs productions sur les marchés mondiaux, ils consolident aussi leur présence économique dans le monde. Dans leur « Chasse gardée » latino-américaine, ils usent de la « diplomatie du dollar » pour défendre leurs intérêts économiques et politiques : les FMN yankees, notamment dans le secteur agro-alimentaire, influencent ainsi largement les gouvernements élus (comme la United Fruit Company au Guatemala qui empêche toute réforme agraire).
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Cet impérialisme économique s'accompagne d'une indispensable libéralisation de l'économie mondiale, notamment par la diminution des barrières douanières avec la mise en place du GATT (ancêtre de l'OMC) à partir de 1947.
La puissance économique assure aussi le succès du modèle américain dans le monde en diffusant une vision idyllique de l'american way of life :
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La société de consommation s'impose : dans le monde occidental, c'est pendant les 30 Glorieuses que le crédit à la consommation se développe et que les foyers s'équipent sur le modèle américain (télévision, réfrigérateur, automobile...). Les supermarchés, ces « temples » modernes de la consommation apparus aux EU dés les années 1920, ouvrent par exemple en France dans les années 1960.
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La victoire de « l'American Way of Live » : le Coca-Cola, les cigarettes blondes, le jean, le jazz, le rock'n'roll et les films hollywoodiens rentrent dans le quotidien des européens ou des japonais par l'intermédiaire des FMN et de l'industrie culturelle américaine. Marylin Monroe, James Dean ou encore Elvis Presley deviennent les icones d'une génération et les symboles d'un « american way of life » triomphant.
La prospérité du pays est enfin mis au service de l'effort de guerre dans le cadre de la course à l'armement que se livrent les deux superpuissances. La puissance militaire du pays est largement utilisée pour défendre les intérêts économiques et empêcher la diffusion du communisme dans le monde.
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Ils interviennent lors de la guerre de Corée entre 1950 et 1953 sous le drapeau de l'ONU pour repousser l'invasion des troupes nord-coréennes (l'URSS qui pratique la politique de la chaise vide à l'ONU n'ayant pu mettre son véto). Ils engagent plus de 340 000 soldats (88 % des troupes internationales) pour soutenir les forces sud-coréenne et envisagent même l'emploi de l'arme nucléaire.
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Ils se lancent dans la guerre du Vietnam dés le milieux des années 1950 : ils établissent des bases militaires et envoient des « conseillers militaires » (c'est à dire des soldats) pour lutter contre Ho Chi Min et ses troupes. En aout 1964, le Congrès approuve la résolution du golfe du Tonkin qui permet au président Johnson de « prendre toutes mesures nécessaires pour faire échec au communisme ». Au total ce sont plus de 8 700 000 soldats qui participent au conflit ; près de 60 000 y laisseront la vie.
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La CIA, créée en 1947, participe aussi à la défense des intérêts américains. Elle surveille les régimes en place et aide au renversement des régimes ennemis (en finançant, armant et entrainant les opposants à ces régimes). En 1953 par exemple, elle organise avec les services secrets britanniques (MI6) l'opération « Ajax » qui aboutit à la destitution du 1er ministre iranien Mossadegh et à la prise du pouvoir par Reza Pahlavie (dit le « Shah ») plus conciliant vis à vis de Washington. Si l'accès au pétrole est une indéniable motivation pour les américains, cette intervention rentre aussi dans la logique du « containment » en assurant une présence américaine à proximité du territoire de l'URSS. La CIA est également intervenue - entre autre - au Guatemala en 1954 avec le renversement du socialiste Arbenz Guzman et au Chili en 1973 avec le putsch d'Ernesto Pinochet contre Salvadore Allende.
3. Une hégémonie de plus en plus contestée à partir de la fin des années 1960. (fin 1960's - 1991)
A partir des années 1960, l'image des EU dans le monde commence à se dégrader bien au-delà du bloc soviétique. Les critiques portent sur l'impérialisme yankee, les défauts d'un modèle prétendument démocratique, l'usage d'armes chimiques et bactériologiques en Corée et surtout au Vietnam, « l'american way of life » consumériste et gaspilleur, la prétention à malmener la souveraineté de certains alliés... L'hégémonie américaine est ébranlée dans tous les domaines :
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Militaire : malgré leur indéniable supériorité technique et matérielle, les EU subissent une humiliante défaite au Vietnam (les accords de Paris qui mettent un terme au conflit sont signés en 1973). En outre, cette guerre a considérablement terni l'image des Etats-Unis comme défenseur de la paix et de la démocratie : les photographies de villageois abattus ou d'enfants brûlés au napalm (la tristement célèbre petite fille des massacres de My Lai en 1968) diffusées par les médias internationaux choquent l'opinion publique qui manifeste de plus en plus fortement son refus de l'impérialisme militaire yankee.
Du côté de leurs alliées, le président français de Gaulle mène une politique d'indépendance nationale qui remet en cause la suprématie américaine : il développe un programme de recherche sur la bombe nucléaire à partir de 1960 et quitte le commandement intégré de l'OTAN en 1966.
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Économique : la guerre du Vietnam, la course aux armements, la conquête spatiale et les chocs pétroliers de 1973 et 1979 obèrent les finances états-uniennes et creusent les déficit. La convertibilité-or du dollar est abandonnée en 1971. L'industrie yankee est de plus en plus concurrencée par l'UE et les NPIA : les usines ferment et le chômage progresse, notamment dans la « manufacturing belt » du nord-est dont le surnom se change en « rust belt ». Dorénavant, les américains doivent trouver des épargnants prêts à financer leur dette, des fournisseurs de matières 1ères prêts à assouvir leurs appétits énergétiques, des territoires prêts à accueillir les délocalisations de leurs FMN... Le « made in USA » laisse ainsi progressivement la place à la DIT et à la DIPP des FMN yankees.
Parralèlement, les EU poursuivent leur stratégie d'ouverture des marchés étrangers, notamment par l'intermédiaire du FMI qui accordent ses prêts au développement en échange de la mise en œuvre de mesures libérales.
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Idéologique et culturel : les fondements du modèles idéologiques américains sont ébranlés par un vent de contestation qui prend toute son ampleur à la fin des années 1960. Les hippies, issus en grande partie de la jeunesse aisée du baby boom de l'après-guerre, rejettent les valeurs traditionnelles, le mode de vie de leurs parents et la société de consommation ; ils critiquent aussi fortement l'interventionnisme militaire de leur pays, certains allant jusqu'à brûler leur livret militaire pour témoigner de leur opposition au conflit (on peut aussi penser aux slogans « make love not war » ou « drop acids not bombs »). Dans les pays alliés comme la France, une petite partie de la jeunesse se détourne de l'Oncle Sam et s'intéresse à Marx et à Mao (dont le « petit livre rouge » est un best-seller rive gauche lors de mai 1968).
A la même période, les minorités indiennes ou afro-américaines font également entendre leurs critiques vis à vis d'une société qui les exclut ou les dégrade, comme avec le mouvement des droits civiques emmené par M.L.King ou lors des émeutes de Watts (Los Angeles) en 1965 et Détroit en 1967.
Au début des années 1980, les punks (comme les Dead Kennedys et leur titre « Fucked up Ronnie ») et les premiers rappers (« Fight the Power » de Public Ennemy) viennent bousculer la société américaine en fustigeant le libéralisme triomphant de Reagan ainsi que sa politique étrangère agressive.
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Politique : en 1974, le scandale du Watergate vient porter un coup supplémentaire au système politique américain et au modèle qu'il est sensé incarné. A la suite d'une affaire d'espionnage des candidats démocrates dans leur quartier général de l'hôtel Watergate par des employés de la Maison Blanche, le président Nixon est contraint à la démission. La crise politique est d'une rare ampleur.
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Géopolitique : au cours des années 1970, l'influence américaine recul dans le monde au profit de différents mouvements communistes. L'année 1979 est à ce titre révélatrice : les soviétiques envahissent l'Afghanistan, le Shah d'Iran est renversé par l'Ayatollah Khomeini qui qualifie les EU de « grand Satan » et humilie la superpuissance lors de la crise des otages de Téhéran, leur allié au Nicaragua, le dictateur Somoza, est chassé du pouvoir par les révolutionnaires sandinistes...
Le « retour de l'Amérique » sur les devants de la scène internationale se fait avec l'arrivée au pouvoir du républicain Ronald Reagan en 1981, dont le slogan de campagne fait office de doctrine politique : « America is Back »
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Dés le début de son mandat, le nouveau président, relance la course à l'armement. Il déploie tout d'abord des missiles en Allemagne de l'ouest (dans le cadre de la crise des euromissiles débutées en 1977). Il lance surtout en 1983 son « Initiative de défense stratégique » (IDS), surnommée « guerre des étoiles », qui finira de ruiner le système économique soviétique déjà en crise.
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En application de la doctrine qui porte son nom, il aide aussi les mouvements de résistance et de guérilla de droite afin de refouler les gouvernements de gauche soutenus par l'Union Soviétique en Afrique, en Asie et en Amérique latine ; ils soutiennent ainsi, surtout via la CIA, les Moudjahidines afghans et les Contras au Nicaragua.
III – LES ÉTATS-UNIS ET LE MONDE DEPUIS 1991 : UNE HYPERPUISSANCE FRAGILISÉE.
En perte de vitesse dans les années 1970, « America is Back » lors de la décennie suivante. Les difficultés internes au bloc soviétique ainsi que la politique offensive au plan international menée par Ronald Reagan font vaciller puis exploser l'URSS. Avec « l'automne des peuples » de 1989 (qui voit tomber une à une les Démocraties Populaires) et la disparition de l'URSS en 1991, les EU apparaissent comme les grands vainqueurs de la Guerre Froide.
1. 1991-2001 : les États-Unis, gendarme du monde.
L'ordre mondial bipolaire s'effondre en même temps que le bloc soviétique et laisse place à un ordre unipolaire dominé par « l'hyperpuissance » américaine (l'expression est de l'ancien ministre des affaires étrangères français Hubert Védrine). A la fin de la Guerre Froide, la domination américaine est totale, à tel point que le politologue Francis Fukuyama parle de « la fin de l'histoire » pour évoquer le triomphe planétaire de la démocratie libérale et ses conséquences sur la marche du monde. La suprématie américaines est évidente dans tous les domaines :
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Économique : ils concentrent 1/3 de la richesse mondiale (pour 5% de la population!), dominent le secteur des industries de hautes- technologies (informatique avec Microsoft ou Apple, internet avec Google ou Yahoo...) et disposent de FMN puissantes. En outre, le modèle capitaliste et libérale s'impose partout dans le monde, même dans les anciennes Démocraties Populaires de l'ancien bloc soviétique.
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Militaire : ils disposent de bases implantées un peu partout dans le monde (notamment dans les régions où ils détiennent des intérêts économiques comme au Moyen-Orient), d'une marine présente sur tous les océans et d'une supériorité numérique et technologique incontestable.
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diplomatique : la domination US se traduit aussi par un leadership stratégique grâce au renforcement de leur réseau d’alliances politico-militaire. Née avec la guerre froide, l’OTAN est l’élément clé de leur puissance en Europe : depuis la fin du pacte de Varsovie en 1991, l’Alliance Atlantique a signé un « partenariat pour la paix » avec les ex-pays communistes d’Europe de l’Est, première étape vers une adhésion à l’OTAN.
Ainsi, seul État capable d’imposer sa volonté dans les relations internationales en combinant la force militaire (hard power) et la capacité d’influence économique, culturelle et diplomatique (soft power), les EU jouent un rôle de « gendarme du monde » (« gardien de la paix ») tout en protégeant leurs intérêts dans ce qui s'apparente à un empire mondial.
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Les EU sont ainsi amenés à intervenir militairement pour rétablir la légalité internationale : en janvier 1991, avant même la disparition de l'URSS, ils lancent l'opération « Tempête du désert » pour chasser les troupes irakiennes de Saddam Hussein du Koweït. Si cette 1ère Guerre du Golfe est menée au nom de l'ONU, l'état-major et 60% des soldats sont américains ! Ils font ainsi démonstration de leur puissance tout en protégeant leur approvisionnement en hydrocarbure. Toutefois, ces interventions militaires restent sélectives : les EU délaissent par exemple le continent africain où ils ont peu d'intérêts stratégiques (à l'exception de la très médiatisée opération « restore hope » en Somalie en 1993) et n'interviennent que tardivement dans la guerre en ex-Yougoslavie (ils amènent les belligérants à signer les accords de Dayton en novembre 1995 sur la base d’un projet que l’Union Européenne n’a pas réussi à imposer).
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Sur le plan diplomatique, si Bill Clinton est un partisan du principe de « sécurité collective » (qui redonne à l'ONU un véritable rôle dans le règlement des conflits), les EU sont en réalité les seuls à réellement pouvoir imposer la paix. C’est par exemple sous l’égide de B. Clinton que sont signés à Washington les accords de paix d'Oslo (13 septembre 1993) entre Yasser Arafat (représentant palestinien et chef de l'OLP) et Itzhak Rabin (1er ministre israélien). La poignée de mains historique et fortement médiatisée entre les deux hommes (sous le regard satisfait du président américain) met en scène le triomphe de la diplomatie US.
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Dans cette période, les EU font également la promotion de la démocratie et de l'économie de marché avec la politique de « l'enlargement » (qui se substitue à celle du « containment »), en accord avec le vieux principe de la « destinée manifeste ». Ils jouent par exemple un grand rôle dans l'entrée de la Chine à l'OMC en 2001 (s'accommodant d'ailleurs ici des atteintes aux droits de l'homme en République Populaire) et dans la création de zones de libre-échange (l'APEC en 1993, l'ALENA en 1994).
Puissance hégémonique, les EU organisent donc le monde à leur avantage, protégeant leurs intérêts et assurant la sécurité de leur territoire tout en assumant leur position dominante dans l'ordre mondial unipolaire.
2. 2001-2008 : la contestation de l'hégémonie américaine et la tentation unilatéraliste.
Au début du XXIe siècle, la domination hégémonique américaine est de plus en plus contestée et un sentiment anti-américain se diffuse dans les Pays du Sud (et dans une moindre mesure dans ceux du Nord). Les critiques portent principalement sur l'impérialisme économique, culturel et militaire états-unien :
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Le capitalisme libéral et la mondialisation sont remis en cause par les groupes altermondialistes (ATTAC, Oxfam), notamment lors du Forum Social de Porto Allegre. En outre, la croissance économique des EU est ralentie, le déficit extérieur continue de croître et le pays est de plus en plus concurrencé par les puissances émergentes (Chine, Brésil...) ainsi que par l'Union Européenne.
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Dans de nombreux États d''Amérique latine, « chasse gardée » traditionnelle des EU, des personnalités de gauche arrivent au pouvoir et mènent des politiques qui tendent à remettre en cause la suprématie américaine. Hugo Chavez au Venezuela, Lula da Silva au Brésil, ou encore Evo Morales en Bolivie se font les pourfendeurs de l'impérialisme yankee et cherchent à sortir leur pays de la dépendance vis à vis du puissant voisin du nord. Ils empêchent par exemple la réalisation de la zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) voulue par les EU.
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Au Moyen-Orient, l'opposition aux EU et à sa domination hégémonique se manifeste par la montée en puissance de l'islamisme radical. Ce courant politique, basé sur une lecture conservatrice du Coran, développe une idéologie prônant l’instauration d’un État où l’islam est la base du fonctionnement des institutions, de l’économie et de la société. Dans un contexte de mondialisation culturelle (dans une certaine mesure « d’américanisation ») et d'accroissement des inégalités économiques, les islamistes clament ainsi un refus de l'influence occidentale (démocratie, valeurs de tolérance, d'égalité, de liberté...) et affichent un anti-américanisme virulent (« le grand Satan »). L’acte fondateur de l’islamisme est la révolution iranienne du 1er février 1979 par laquelle, l’ayatollah Khomeiny instaura une « République Islamique ». A partir de la fin des années 1990, l'islamiste se mue en terrorisme (au nom du « Djihad », guerre sainte) et s’incarne principalement dans le réseau Al-Qaïda (« la base ») fondé par le milliardaire saoudien Oussama Ben Laden : c'est lui qui organise les attentats contre le World Trade Center et le Pentagone du 11 septembre 2001.
Touché pour la première fois de son histoire sur son propre territoire et au cœur même de sa puissance (avec les tours de Manhattan, symbole éclatant de la domination économique, et avec le pentagone, centre de commandement des forces armées), ces attentats provoquent un véritable traumatisme dans l'opinion américaine ; G.W. Bush (élu de justesse à la présidence en 2001) se doit de montrer à ses concitoyens - et au monde - que les EU restent la nation dominante. Influencé par ses conseillers (les « faucons » républicains) et par le lobby militaro-industriel, il s'engage dans des guerres contre le terrorisme. La stratégie géopolitique de l'administration Bush repose à la fois sur une vision simpliste de la réalité opposant bien/mal, civilisation/barbarie (il affirme par exemple que « ceux qui ne sont pas avec eux sont contre eux ») et sur la thèse du « choc des civilisations » du politologue Samuel Huntington (« les lignes de partage entre les civilisations seront les lignes de front des batailles du futur »). La nouvelle stratégie américaine se traduit par :
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Des interventions militaires. En 2002, les EU envoient leurs troupes en Afghanistan (pays qui abrite des camps d’entraînement d'Al Qaïda) au sein d'une coalition internationale sous mandat onusien, autrement dit dans un cadre multilatéral. En 2003, ils interviennent de manière « préventive » en Irak mais cette 2ème Guerre du Golfe est décidée sans l'approbation des Nations Unies et sans le soutien d'alliés historiques (comme la France qui critique cette intervention par l'intermédiaire de Dominique de Villepin, alors ministre des affaires étrangères, dans un discours désormais célèbre à la tribune de l'ONU). Les EU renoncent donc ici au principe de la sécurité collective, lui préférant un unilatéralisme belliqueux.
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La définition d'un « axe du mal » qui regroupe les différents pays considérés par l'administration Bush comme représentant une menace pour les EU et pour la paix mondiale en raison de leur soutien au terrorisme ou de leur volonté d'acquérir des armes de destructions massives. Parmi ces « ennemis » de l'Amérique, on trouve Cuba, la Corée du nord, l'Iran et l'Irak.
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Les EU rejettent aussi tous les traités mondiaux (contre les mines anti-personnelles, la convention des droits de l’enfant, le protocole de Kyoto, l’interdiction des essais nucléaires, la cour pénale internationale…), craignant l'ingérence internationale et affirmant du même coup leur puissance et leur indépendance.
Si les EU font la démonstration de leur puissance et de leur force de frappe, cette stratégie diplomatique montre rapidement ses limites. La politique menée par l'administration Bush est en effet fortement critiquée et contestée.
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Si la victoire militaire est relativement aisée (notamment en Irak), la mise en place de la démocratie s'avère bien plus fastidieuse. Aujourd'hui d'ailleurs, la situation politique en Irak et en Afghanistan est loin d'être stabilisée.
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Ces démonstrations de force et l'unilatéralisme arrogant des EU concourent à accroître encore un peu plus le sentiment anti-américain, notamment dans les pays arabo-musulman. Les scandales concernant les tortures et humiliations infligées à des prisonniers irakiens et à propos de la prison de Guantanamo achèvent de ternir l'image de la 1ère puissance mondiale.
3. 2008-aujourd'hui : la rupture Barack Obama
L'arrivée au pouvoir en 2008 du démocrate Barack Obama change la donne. Conscient de l'image négative de son pays dans le monde et conscient également du coût financier de ces conflits dans une période de ralentissement économique (crise des subprimes en 2008), le nouveau président cherche à marquer une rupture par rapport à l'ère diplomatique de G. Bush Junior.
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C'est ainsi qu'il prononce en juin 2009 au Caire un discours intitulé « un nouveau départ » (« A New Beginning ») destiné à améliorer les relations entre les EU et le monde musulman. Il critique la politique du gouvernement israélien à propos de la question palestinienne, cherche à se rapprocher des musulmans modérés afin d'affaiblir l'islamisme radical, annonce la fermeture de la prison de Guantanamo (ce qui n'est toujours pas fait)...
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Par ailleurs, Obama annonce le retrait progressif des troupes américaines d'Irak ; cette décision est motivée par des raisons diplomatiques mais aussi par des contraintes économiques et sous la pression d'une opinion publique américaine de moins en moins enthousiaste à l'idée de voir ses soldats mourir à des milliers de kilomètres de leur foyer. Les EU n'apportent par ailleurs qu'un soutien limité à l'intervention en Libye en 2011 contre le dictateur M. Kadhafi.
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Obama poursuit toutefois les interventions militaires mais en évitant le déploiement de troupes au sol. Le prix Nobel de la paix 2009 a ainsi autorisé 338 attaques de drones entre 2009 et 2014 contre seulement 48 pour G.W. Bush entre 2004 et 2009 !
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Les EU doivent également composer avec les ambitions géopolitiques des puissances émergentes ou « renaissantes » comme la Chine et la Russie de Vladimir Poutine. Ces deux pays parviennent par exemple à empêcher une intervention militaire contre le régime de B. el Assad, intervention militaire pourtant défendue par B. Obama.
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Obama opère un retour au multilatéralisme et assouplit ses relations avec les pays ennemis : négociation avec l'Iran sur la question du programme nucléaire, fin de l'embargo avec Cuba...
Un ordre mondial multipolaire se met progressivement en place, signe de l'affaiblissement (relatif) des EU et du retrait (limité lui aussi) du pays de la scène géopolitique internationale. Loin de revenir à un isolationnisme de toute façon intenable, les EU ont perdu de leur superbe et ne peuvent plus imposer leur volonté au reste de la planète comme dans les années 1990.
Le nouveau président Donald Trump ambitionne quant à lui de restaurer la grandeur de son pays (« make America great again »), notamment en redéfinissant les relations les EU et le reste du monde. Si sa stratégie manque pour le moins de clarté, elle semble se baser sur la menace d'un retour au protectionnisme économique, sur un unilatéralisme assumé et sur le rapport de force permanent.