2nde - Luther et la réforme protestante
Publié le 15 Juin 2020
2nde - Luther et la réforme protestante

Martin Luther par le peintre Lucas Cranach l'Ancien, 1528
Le 31 octobre 1517, le moine allemand Martin Luther affiche ses "95 thèses" sur la porte de l'église de Wittemberg. C'est le début de la réforme protestante...
Documents 1 : La critique de l’Église.
Doc.1a : Récit d’un témoin à propos d’une réception donnée par le cardinal(1) Annibal de Ceccano dans sa livrée(2) des environs d’Avignon en l’honneur du pape Clément VI (1342-1352).
« On introduisit le pape dans une salle tendue, du plancher au plafond, de tapisseries d’une grande richesse. Le sol était recouvert d’un tapis velouté. Le lit de parade était garni de velours très fin, doublé d’hermine blanche, de draps d’or et de soie. À table, le service fut fait par quatre chevaliers et douze écuyers(3) du pape, qui reçurent chacun de l’amphitryon(4) : les premiers, une riche ceinture d’argent et une bourse valant vingt-cinq florins d’or ; les écuyers, une ceinture, et une bourse d’une valeur de douze florins. Cinquante écuyers appartenant au cardinal Ceccano assistaient les chevaliers et les écuyers pontificaux(5). Le menu comprenait neuf services qui se décomposaient chacun en trois plats, soit au total vingt-sept plats. On vit apparaître, entre autres, une sorte de château fort renfermant un cerf gigantesque, un sanglier, des chevreuils, des lièvres, des lapins. Après le quatrième service, le cardinal fit offrir au pape un destrier(6) blanc, d’une valeur de quatre cents florins d’or, et deux anneaux ornés, l’un d’un énorme saphir, l’autre d’une non moins énorme topaze(7). Chacun des seize cardinaux reçut un anneau enrichi de pierres fines ; il en fut de même des vingt prélats ou seigneurs laïques. Les douze jeunes clercs(8) de la maison pontificale reçurent une ceinture et une bourse d’une valeur de vingt-cinq florins d’or ; les vingt-quatre sergents d’armes : une ceinture valant trois florins. (…). Après le cinquième service, on apporta une fontaine surmontée d’une tour et d’une colonne d’où s’échappait cinq espèces de vin. Les margelles de cette fontaine étaient ornées de paons, de faisans, de perdrix, de grues et de divers autres volatiles. L’intervalle entre le septième et le huitième service fut occupé par un tournoi qui eut lieu dans la salle même du festin, qui se termina par un concert. Au dessert, on apporta deux arbres, l’un qui semblait en argent, garni de pommes, de poires, de figues, de pêches et de raisins d’or ; l’autre, vert comme un laurier, garni de fruits confits multicolores. »
(1) cardinal : religieux de haut rang dans l’Église catholique membre du Sacré
Doc.1b : Extrait d’un sermon de Savonarole prononcé le dimanche de l’Avent (dimanche avant Noël) de 1493.
Le moine Savonarole, devenu maître de la ville de Florence grâce à l’appui populaire, entrepris d’imposer un ordre moral très rigoureux (1494-1498). En conflit avec le pape Alexandre VI Borgia, il fut finalement brûlé comme hérétique en 1498. Il ne remit jamais en cause l’orthodoxie catholique contrairement à Luther.
« La charité chrétienne n’habite point dans les livres. Les véritables livres du Christ sont les apôtres et les saints, et la véritable vie consiste dans l’imitation de sa vie. Mais de nos jours ces hommes (les membres de clergé, NDLR) sont devenus des livres du diable. Ils parlent contre l’orgueil et l’ambition, et ils y sont plongés jusque par-dessus les oreilles. Ils prêchent la chasteté et ils entretiennent des maîtresses. Ils commandent l’observation du jeûne et ils vivent dans le luxe. (…)
Les prélats(1) se rengorgent dans leur dignité et méprisent les autres; ils prétendent qu’on se courbe devant eux; ils veulent occuper les premières chaires(2) dans les écoles et les églises d’Italie. Ils aiment qu’on aille à leur rencontre, le matin, sur le marché, qu’on les salue du nom de « maître »(…). Ils n’ont de pensées que pour la terre et pour les choses terrestres; le souci des âmes ne leur tient plus au coeur. Dans les premiers temps de l’Eglise, les calices(3) étaient de bois et les prélats d’or; aujourd’hui l’Eglise a des calices d’or et des prélats de bois. »
Doc.1c : “Le commerce des indulgences”. Gravure sur bois de Hans Holbein le Jeune (vers 1524)

Doc.1d : En 1516, Érasme propose une nouvelle traduction en grec de la Bible, appuyée sur les nouvelles méthodes d’étude des textes que formalisent les humanistes. Érasme, préface du Nouveau Testament, 1516.
Le soleil est un bien commun, offert à tout le monde. Il n’en va pas autrement avec la science du Christ […]. Je suis tout à fait opposé à l’avis de ceux qui ne veulent pas que les lettres divines soient traduites en langue vulgaire(1) pour être lues par les profanes, comme si l’enseignement du Christ était si voilé que seule une poignée de théologiens pouvait le comprendre, ou bien comme si le rempart de la religion chrétienne était fait de l’ignorance où on la tiendrait. Je voudrais que toutes les plus humbles des femmes lisent les Évangiles, lisent les épîtres de saint Paul. Puissent ces livres être traduits en toutes les langues de sorte que les Écossais, les Irlandais, mais aussi les Turcs et les Sarrasins(2) soient en mesure de les lire et de les connaître.
(2) Terme désignant, depuis la période médiévale, les Arabes.
Documents 2 : La réforme de Martin Luther
Doc.2a : Les "95 thèses" de Martin Luther, le 31 octobre 1517, Wittenberg
Ces thèses sont diffusées très rapidement à travers le Saint‑Empire, notamment grâce aux étudiants de Luther, ce qui inquiète le pape.
Doc.2b : Martin Luther, Karambolage (Arte, 2017)
Source : https://www.youtube.com/watch?v=6vTTo47xfds
Doc.2c : Le sacerdoce universel selon Martin Luther, in A la noblesse chrétienne de la nation allemande : sur l’amendement de l’état chrétien, 1520
« On a inventé que le Pape, les Évêques, les Prêtres, les gens des Monastères seraient appelés état ecclésiastique, les Princes, les Seigneurs, les artisans et les paysans l’état laïc, ce qui est certes une fine subtilité et une belle hypocrisie. Mais personne ne doit se laisser intimider par cette distinction, pour cette bonne raison que tous les Chrétiens appartiennent vraiment à l’état ecclésiastique, il n’existe entre eux aucune différence, si ce n’est celle de la fonction, comme le montre Paul en disant (I Cor. 12 [12 ss.]) que nous sommes tous un seul corps, mais que chaque membre a sa fonction propre, par laquelle il sert les autres, ce qui provient de ce que nous avons un même baptême, un même Évangile et une même foi et sommes de la même manière Chrétiens, car ce sont le baptême, l’Évangile et la foi qui seuls forment l’état ecclésiastique et le peuple chrétien […]
Et, pour dire la chose plus clairement encore : si une petite troupe de pieux laïcs chrétiens était faite prisonnière et déportée dans un lieu désert, s’ils n’avaient pas auprès d’eux un prêtre consacré par un évêque et s’ils se trouvaient à ce moment d’accord à ce sujet, ils choisiraient l’un d’entre eux, qu’il soit ou non marié, et lui confieraient la charge de baptiser, de célébrer la messe, d’absoudre et de prêcher, comme si tous les Evêques et les Papes l’avaient consacré. »
Doc.2d : La justification par la foi selon Martin Luther, in La liberté du chrétien, 1520.
« La foi suffit à un chrétien, il n’a besoin d’aucune oeuvre pour se justifier […]. Des œuvres bonnes et justes ne font jamais un homme bon et juste, mais un homme bon et juste fait de bonnes œuvres […]. Celui qui n’a pas la foi ne peut tirer profit d’aucune bonne oeuvre pour se justifier et assurer son salut. Par contre, ce n’est aucune de ses oeuvres mauvaises qui le rend mauvais ni le damne, mais son manque de foi qui rend la personne et l’arbre mauvais et qui fait les œuvres mauvaises et maudites. »
Doc.2e : Le libre arbitre selon Martin Luther, in De servo arbitro, 1525.
« Nous croyons, en effet, que Dieu sait et ordonne tout par avance, et qu’il ne peut faillir ni se laisser arrêter par rien dans […] sa prédestination ; si donc nous croyons que rien n’arrive sans sa volonté, […], il ne peut y avoir de libre arbitre ni chez l’homme, ni chez l’ange, ni chez aucune créature. De même, si nous croyons que Satan est le prince de ce monde et qu’il combat le règne du Christ de toutes ses forces et de toute sa ruse, retenant les hommes actifs aussi longtemps que l’Esprit de Dieu ne les lui arrache pas, il est encore une fois très évident que le libre arbitre ne peut exister. »
Note : Il répond à Érasme, qui a publié De libero Arbitrio en 1524. Selon Érasme, l’homme dispose d’un libre arbitre, c’est-à-dire : « le pouvoir qu’a la volonté humaine de s’appliquer à réaliser tout ce qui est requis pour le salut éternel. »
Documents 3 : La division religieuse de l'Europe chrétienne.
Doc.3a : La réforme luthérienne dans le saint Empire Romain Germanique

Doc.3b : La Guerre des paysans : les revendications des paysans de Salerne (Alsace) pendant la guerre des paysans de 1525.
Doc.3c : La division religieuse de l'Europe au XVIème siècle.

Doc.3d : Le massacre de la Saint Barthélémy (25 août 1572), par le peintre protestant François Dubois (vers 1576)

La topographie, manipulée, est adaptée au désir de montrer ensemble les lieux principaux de massacre. On reconnaît à gauche l'église du couvent des Grands-Augustins (aujourd’hui disparue) où sonna le tocsin qui déclencha les tueries, la Seine et le pont des Meuniers. Au centre à l'arrière-plan, le Louvre et, devant le bâtiment, Catherine de Médicis, principale instigatrice des massacres. Au centre au second plan, l'hôtel particulier dans lequel l’amiral de Coligny, chef du parti protestant, est tué avant d’être défenestré, décapité et émasculé. Réunis autour de son cadavre, les chefs du parti catholique, les ducs de Guise et d’Aumale et le chevalier d’Angoulême. À droite à l'arrière-plan, la porte Saint-Honoré et, sur la colline de La Villette, le gibet de Montfaucon, où le corps de l'amiral sera pendu par les pieds. Rassemblant plus de 150 figures, l’œuvre est un véritable catalogue de la cruauté en période de guerre civile. Le roi Charles IX tire à l’arquebuse sur ses propres sujets depuis une fenêtre du Louvre (probablement de la tour de gauche du bâtiment).
Doc.3e : Genève, cité calviniste, Jean Calvin, ordonnance du 25 février 1539.
« Que chacun soit tenu de venir les dimanches écouter la parole de Dieu […]. Que nul ne jure ni ne blasphème le nom de Dieu, sous peine, la première fois, de devoir embrasser la terre, la seconde fois, de devoir embrasser la terre et payer trois sous, la troisième fois, d’être mis en prison pendant trois jours. Que personne ne joue de l’or ou de l’argent, sous peine d’une amende de cinq sous […]. Que personne ne donne à manger ou à boire à quiconque pendant le prêche du dimanche, ni après neuf heures le soir. Que personne ne se promène dans la ville après neuf heures sans une chandelle, sous peine d’être mis en prison pendant une journée […]. Que personne ne danse, sinon aux noces, ne chante de chansons déshonnêtes, ne se déguise, ne mette un masque ou ne fasse des grimaces, sous peine d’une amende de soixante sous et d’être mis en prison au pain et à l’eau pendant trois jours. »