Soldats soviétiques après la bataille de Berlin (histoire-image.org)

Publié le 4 Avril 2022

Soldats soviétiques après la bataille de Berlin

 

Le Drapeau rouge sur le Reichstag, photographie d'Evgueni Khaldeï prise le 2 mai 1945 à Berlin (Reichstag)


Contexte historique : Berlin aux mains des Soviétiques

L’avancée des Soviétiques s’accélère dès le début de l’année 1945 grâce au déclenchement d’une offensive massive qui leur permet d’occuper l’essentiel de la Pologne et de la Prusse orientale. Staline, qui a obtenu à l’issue de la conférence de Yalta, en février, que les territoires à l’est de l’Elbe reviennent à l’Union soviétique, lance conjointement les armées des généraux Joukov et Koniev sur Berlin. Ceux-ci prennent en tenaille la ville par le nord et le sud, non sans rivalités. Les forces du Reich étant considérablement affaiblies, ce sont les dernières réserves de la Wehrmacht qui sont lancées dans la bataille, ainsi que des adolescents massivement décimés.

Les combats débutent le 16 avril. La puissance de feu des Soviétiques est portée à son maximum. Il s’agit d’une des batailles les plus sanglantes et coûteuses en vies humaines de la Seconde Guerre mondiale, car aux pertes militaires s’ajoutent d’innombrables victimes civiles. À la reddition de Berlin, signée le 2 mai à 4 heures du matin, deux jours après le suicide de Hitler dans son bunker, la ville est détruite à plus de 30 %, et à plus de 70 % dans le centre.

Ces clichés ont été pris quelques jours après la fin des combats, dans deux lieux emblématiques du pouvoir immortalisés par d’innombrables photographes : la porte de Brandebourg, érigée en 1791 pour le roi de Prusse Frédéric-Guillaume II qui, seul, pouvait passer par le passage central, et le Reichstag, construit en 1894 pour l’Assemblée du Reich. Son incendie, le 27 février 1933, fut attribué par les nazis à un complot des communistes qui servit à justifier une violente campagne de répression dont ces derniers furent la première cible.

C’est donc logiquement sur le Reichstag, point ultime visé par Staline, que les soldats soviétiques plantent un drapeau le 1er mai 1945. De nombreuses photographies ont été prises de ce moment symbolique, toutes issues de reconstitutions, car aucun photographe n’a pu immortaliser la scène au petit matin du 1er mai. Le premier cliché, pris par le photographe Evgueni Khaldeï, est devenu célèbre dans les années 1960. Moult fois reproduit, on y a effacé la deuxième montre que porte au poignet l’officier qui soutient le soldat hissant le drapeau, signe trop évident des multiples vols commis par les vainqueurs.

 

Soldats soviétiques devant la porte de Brandebourg, Berlin, mai 1945 (auteur anonyme)


Analyse des images : La victoire des simples soldats

Contrairement à ce type d’images, symboles politiques de la victoire, les deux clichés suivants ne montrent ni gradés célèbres, ni drapeaux.

Le deuxième cliché, dû à un anonyme, montre six soldats devant la porte de Brandebourg. Le photographe a pris soin de montrer la totalité du monument, gravement endommagé durant les combats ; il ne reste plus grand-chose du quadrige qui le surmonte, après que des soldats allemands embusqués à l’intérieur en ont été délogés par des tirs de l’artillerie soviétique. On voit d’ailleurs, derrière les soldats, une pièce d’artillerie à côté de trois camions stationnés devant le monument. Loin d’être en tenue de parade – un des uniformes est maculé de poussière –, les personnages semblent encore sur leurs gardes, regardant un point énigmatique hors champ en direction duquel l’un d’eux pointe son arme : la ville n’est pas encore sécurisée. La médaille qu’arbore l’un des soldats a certainement été décernée antérieurement, car celle attribuée « pour la prise de Berlin » ne sera instituée qu’au mois de juin 1945.

La troisième photographie est due, comme la première, à Evgueni Khaldeï. Le photographe a ici cadré en gros plan un détail du Reichstag, couvert jusqu’aux moindres ornements sculptés de graffitis en langue russe. On distingue clairement des noms, des dates et des lieux : un certain Vladimir Serguéevitch Vassiliev, né en 1925, a laissé la trace de son passage ; V. Z. Cheptoun a choisi de mentionner le nom de son village, Tchernobaevka, non loin de Kherson, occupé deux ans et demi par les Allemands. D’autres ont gravé la mémoire d’opérations militaires et du trajet effectué jusqu’à Berlin : Stalingrad, Odessa, Kiev. Parmi ces noms, dans leur écrasante majorité masculins, se détache celui d’une femme, Eremeeva Oksana. C’est en condensé la géographie et l’histoire militaire mais aussi sociale du conflit que l’on découvre à travers ces graffitis. Ce cliché, comme le laissent voir les inscriptions, a été effectué une quinzaine de jours après la prise du bâtiment

 

Des soldats russes s’immortalisent sur les murs du Reichstag, photographie d'Evgueni Khaldeï, mai 1945

 

Interprétation : Révélation et occultation

Ces deux clichés dévoilent une vision de la guerre bien différente de celle qui s’impose rapidement dans les médias soviétiques et domine jusque dans les années 1960, où le soldat du rang disparaît derrière les grands stratèges, le premier d’entre eux étant Staline. Avec ce dernier seront occultées la réalité des pertes humaines, évaluées aujourd’hui à 27 millions de victimes civiles et militaires, la violence des combats et l’âpreté des premiers pas d’une après-guerre complexe.

Les graffitis laissés par ces très jeunes soldats dans les décombres du Reichstag, dont certains ont été conservés et sont aujourd’hui exposés, marquent aussi la mainmise des Soviétiques sur la ville… et en constituent l’aspect le plus policé. Car, ce qui sera aussi longtemps occulté derrière les récits de la bataille, ce sont les débordements, rapines et viols pratiqués massivement. Il faudra attendre la chute du mur pour que ces sujets soient évoqués.

 

Source : https://histoire-image.org/fr/etudes/soldats-sovietiques-apres-bataille-berlin

Rédigé par Team Histoire-Géo

Publié dans #Term Histoire

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article