Le Coup de Prague (février 1948) - PPO
Publié le 2 Avril 2024
PPO - le Coup de Prague (février 1948)
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"L'armée rouge libère la Tchécoslovaquie" (Lithographie 1945). A gauche, J. Staline et à droite Edvard Benes (président de la Tchécoslovaquie de 1935 à 1938 puis à nouveau en 1945)
Chronologie du Coup de Prague :
- 26 mai 1946 : le parti communiste tchécoslovaque remporte les premières élections de l’après-guerre (38% des voix). Klement Gottwald (communiste) est nommé Premier ministre, à la tête d’un gouvernement de coalition où les communistes sont nombreux mais non majoritaires.
- 1946-48 : très vite, les relations entre le parti communiste et les partis démocratiques se détériorent. Le PCT renforce son contrôle sur les médias et utilise les syndicats pour appuyer ses revendications. Une campagne de calomnies est lancée contre les grandes figures de la résistance non communiste. Des agents provocateurs tentent de discréditer le parti socialiste national et le parti démocrate slovaque.
- 10 juillet 1947 : bien qu’intéressé, le gouvernement refuse le plan Marshall sous les menaces de Staline. Ni le Parlement, ni l’opinion ne sont consultés.
- 13 février 1948 : les membres non communistes du gouvernement demandent de revenir sur série de nominations qui confortent la mainmise du parti communiste sur la police. Gottwald refuse.
- 20 février 1948 : en signe de protestation, 11ministres socialistes nationaux, populistes et démocrates slovaques présentent leur démission.
- 25 février 1948 : Benes cède sous la pression du parti communiste et accepte la démission de ses partisans. Le nouveau gouvernement est presque exclusivement composé de communistes.
- 30 mai 1948 : de nouvelles élections sont organisées. Le Front national est seul autorisé à présenter une liste. Il obtient près de 90% des suffrages.
- Juin 1948 : Benes démissionne le 7, Gottwald est élu président le 14.
- Octobre 1948 : premier plan quinquennal. L’économie est au service de l’URSS. La priorité est donnée à l’industrie lourde et l’armement.
Document #1 : Déclaration commune des Partis communistes tchèque et slovaque, 19 février 1948.
« La crise intérieure provoquée à l’improviste par des hommes politiques de certains partis nous expose au danger non seulement d’un bouleversement intérieur, mais aussi à voir la République menacée par des agents de la réaction étrangère. Le bloc antidémocratique, antipopulaire et antisocialiste se propose comme but de renverser le régime de la démocratie populaire et d’obtenir un déplacement des forces en faveur de tous les éléments réactionnaires. Par leur démission, les chefs des partis politiques en question se sont placés en dehors du gouvernement pour jouer le rôle d’une opposition subversive. [...] Les bureaux des Partis communistes tchèque et slovaque, dans cette grave situation, font appel à tous les bons Tchèques et Slovaques pour qu’ils se groupent dans un Front national qui soutiendra d’une manière résolue le gouvernement Gottwald. Lequel satisfera toutes les revendications exigées par l’intérêt public, c’est-à-dire assurera la sauvegarde de la grande œuvre de la révolution nationale et en garantira l’évolution ordonnée ainsi que les engagements qui nous lient à nos alliés, l’URSS et les autres États soviétiques. »
Document #2 : Klement Gottwald, 1er ministre et futur président de la Tchécoslovaquie, saluant les milices du peuple pro-soviétique (février 1948)
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Document #3 : George Pinchenier, «le Président Bénès a capitulé devant les exigences de M. Gottwald», Le Monde, 26 février 1948.
« La journée du 24 février aura été décisive pour la Tchécoslovaquie. Si jusqu'à présent on pouvait avoir quelques illusions, maintenant c'est fini. Le rideau de fer tombe sur le dernier acte, et nous aurons demain un bloc oriental sans fissure, dans lequel la Tchécoslovaquie, enfin mise au pas, jouera un rôle économique et politique des plus importants, vaste usine du monde slave et avant-garde de la future fédération des "républiques populaires".(...) Il n'y a plus de partis politiques. Ou du moins il n'y a plus que le parti communiste, dont le travail en ces dernières quarante-huit heures a démontré à la fois la discipline des adhérents, l'intelligence politique des chefs et la longue et méticuleuse préparation. (...)
Ce matin il devient naturellement presque impossible d'avoir des nouvelles autres que les nouvelles officielles. On n'ose plus téléphoner de crainte de compromettre les gens, et, lorsqu’après mûres réflexions on se décide, on n'obtient souvent aucune réponse, soit que la personne en question ait été arrêtée, soit qu'elle ait changé discrètement de domicile. Néanmoins on peut se faire une idée de la situation. Depuis hier 4 heures le parti socialiste national est liquidé. Le quotidien ne paraît pas ce matin, car l'imprimerie est occupée par la police. Les dirigeants ne sortent pas de chez eux et déjà certains préfèrent abandonner la politique et retourner à des occupations plus paisibles dans l'espoir d'échapper ainsi aux représailles communistes.(...)
Hier, dès le matin, des détachements de police renforçaient les factionnaires placés à l'entrée des édifices publics. (...) Furent successivement protégés ou occupés, selon qu'ils étaient pour ou contre les mesures prises, les standards téléphoniques, la radiodiffusion, les secrétariats de rédaction, les sièges des partis politiques (...). En attendant, la terreur s'est emparée de tous les non-communistes. Socialistes nationaux, populistes, démocrates slovaques, voire social-démocrates, redoutent des lendemains qui ne chanteront pas... Ceux qui ont eu l'idée de partir il y a trois jours sont sauvés. Mais puisque la frontière est fermée, les autres n'ont que bien peu d'espoir de s'en tirer autrement qu'en reconnaissant leurs erreurs passées. (...) »
Document #4 : Harry Truman, discours prononcé devant le Congrès des États-Unis, le 17 mars 1948
« Depuis la fin des hostilités, l'Union soviétique et ses agents ont détruit l'indépendance et le caractère démocratique de toute une série de nations en Europe centrale et orientale. C'est cet impitoyable plan d'action, ainsi que la claire intention de l'étendre aux dernières nations libres en Europe, qui a conduit à la situation critique que connaît l'Europe aujourd'hui.
La mort tragique de la république de Tchécoslovaquie a constitué un choc pour tout le monde civilisé. Maintenant, une pression est exercée sur la Finlande, mettant en péril toute la Scandinavie. La Grèce est directement soumise à une attaque militaire de rebelles, activement soutenus par les pays voisins sous domination communiste. En Italie, une minorité communiste s'emploie avec détermination et agressivité à prendre le contrôle du pays. Les méthodes sont variées, mais le plan est très clair […]. Le temps est venu où les hommes et les femmes libres du monde entier doivent faire face, franchement et avec courage, aux menaces qui pèsent sur leur liberté. »
Document #5 : affiche vantant les mérites de la collectivisation en Tchécoslovaquie (vers 1948)
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Questions :
=> en quoi le "coup de Prague" de 1948 témoigne-t-il des logiques et des enjeux de la Guerre Froide?