L'accès à l'information : de la censure à la surcharge informationnelle.
Publié le 19 Septembre 2024
THÈME 1 : S'INFORMER, UN REGARD CRITIQUE SUR LES SOURCES ET LES MODES DE COMMUNICATION
L'accès à l'information : de la censure à la surcharge informationnelle (intro)
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I - Un inégal accès à l'information.
Doc. 1 : l'utilisation d'internet dans le monde (2019).
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Doc. 2 : La liberté sur internet (2019).
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C’est la neuvième année consécutive que la liberté sur Internet est en déclin dans le monde selon l'étude annuelle de l’ONG Freedom House. L’analyse couvre 65 pays et attribue à chacun d’entre eux un score de liberté en ligne basé sur différents critères : obstacle à l’accès, censure des contenus et violation des droits des utilisateurs. Sur l’ensemble des pays étudiés, 33 ont vu la liberté sur Internet se dégrader tandis que seulement 16 ont observé des progrès. Au total, seulement 23 % des pays évalués ont un « Internet libre » selon l’étude. Les auteurs du rapport s’inquiètent de la montée de l’autoritarisme numérique, qui s’inspire notamment du « Grand Firewall de Chine », le modèle chinois de censure d’Internet.
Doc. 3 : la liberté de la presse dans le monde (2021).
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Source : https://fr.statista.com/
Doc. 4 : le contournement de a censure en Chine.
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Le hashtag #RiceBunny fait écho au hashtag #MeToo en Occident. « Il faut parler chinois pour comprendre. RiceBunny en chinois se prononce « metoo » ou « mi tu »», déclare Hélène Piquet, professeur en droit et spécialiste en droit chinois à l’UQAM. « Mi » signifie « riz » tandis que « tu » signifie « lapin » ce qui donne lieu au hashtag #rizlapin. Elle ajoute : « Les internautes chinois jouent sur la langue chinoise afin de créer des homophones ou références codées à des personnalités, problèmes ou autres, dans le but de déjouer la censure. Cela donne souvent des résultats concluants pour eux ». Ainsi, « #MeToo est censuré, mais non l’homophone Mi Tu (Rice Bunny) ».
II - Vers la surcharge informationnelle ?
Doc. 5 : "Les Français et la fatigue informationnelle. Mutations et tensions dans notre rapport à l’information", Guénaëlle Gault et David Medioni, étude de l’observatoire Obsoco, en partenariat avec la Fondation Jean-Jaurés et Arte, 2022".
"Images terribles des combats en Ukraine, théories du complot démultipliées sur la pandémie, campagne présidentielle faisant une large part à l’invective, polémique sur les incidents au Stade de France en marge de la finale de la Ligue des champions, condamnations judiciaires en rafale… Toutes ces informations et bien d’autres encore déferlent non-stop à la télévision, en une des journaux, partagées, commentées et amplifiées sur les réseaux sociaux, dans des boucles WhatsApp, sujets de podcasts… Tout se passe comme si chaque individu vivait de plus en plus, dans son rapport à l’information, la même expérience que celle vécue par le réalisateur Morgan Spurlock dans son documentaire Super Size Me dans lequel il décidait de manger matin midi et soir chez McDonald’s pour mesurer les effets que cela engendrait sur sa santé. Chacun et chacune sent bien aujourd’hui que le monde de l’information est une forme de McDonald’s géant où l’on peut s’abreuver de Big Mac et de « Face à Baba » en permanence et que, comme le héros de Super Size Me, la déprime, l’obésité et le risque de rejet deviennent de plus en plus possibles, pour ne pas dire probables ou certains. Bienvenue dans le merveilleux monde de « Super Size News » !
Pourtant, le sujet est très peu abordé – et encore plus rarement étudié – de savoir ce que la multiplication des canaux d’information, leur profusion et leur transformation dans la façon de les produire induisent précisément sur les individus. Les notions de surcharge informationnelle, d’infobésité, le syndrome de saturation cognitive sont cependant des éléments cruciaux à prendre en compte. L’information, bien commun, permet de comprendre notre environnement, de se situer dans celui-ci, de prendre des décisions… Mieux, elle est « un réducteur d’incertitude », comme l’écrit Caroline Sauvajol-Rialland. Qu’en est-il quand sa profusion et la fatigue qu’elle est susceptible d’engendrer empêchent sa métabolisation ?
Ce phénomène ne représente-t-il pas par ailleurs une menace pour la santé mentale des citoyens (que l’on sait déjà fragilisés après la pandémie) – menace qui, en fonction de ses proportions, mériterait d’être considérée comme un problème de santé publique ? Et ne s’agirait-il pas de surcroît d’une force de nuisance considérable pour le fonctionnement de la société et de la démocratie ?
Les profonds bouleversements des pratiques informationnelles
Pour une majorité de Français, il est important de s’informer régulièrement dans les médias (59%). Pour un Français sur cinq, c’est même « très » important (20%). Pour autant, les façons de le faire ont considérablement changé en une poignée d’années. Éparpillé façon puzzle. Depuis vingt ans, le paysage de l’information a connu des transformations majeures. Celles que l’on appelle encore parfois les « nouvelles » technologies de l’information sont entrées tellement rapidement dans les usages que l’adjectif paraît désormais impropre. Mais que l’on y songe : en 2005, un Français sur deux (52%) était connecté, ils sont désormais plus de neuf sur dix (92%). Il y a dix ans, 17% possédaient un smartphone, ils sont aujourd’hui 84% ; 4% une tablette, ils sont 56% aujourd’hui ; 23% étaient sur les réseaux sociaux, ils sont aujourd’hui plus des deux tiers (67%).
Ce faisant, c’est tout un écosystème qui s’est à la fois enrichi et fragmenté. Et le potentiel d’accès des Français à l’information – et au-delà leur rapport à celle-ci – qui s’en est trouvé fondamentalement transformé. Car le moins qu’on puisse dire est que les Français s’en sont saisis. De manière incrémentale, car aujourd’hui, pour s’informer, ils utilisent en effet en moyenne 8,3 canaux différents et 3,2 quotidiennement. Trois canaux dominent : le JT télévisé de 13 heures ou 20 heures (89% s’informent en général par son intermédiaire), les réseaux sociaux (83%) et la radio (82%). Mais la hiérarchie se trouve franchement modifiée si l’on ne retient que l’usage quotidien. En effet, 62% utilisent les réseaux sociaux, dont 50% plusieurs fois par jour, 55% les JT (dont 26% plusieurs fois par jour) et 46% la radio (dont 29%). Et l’on notera les usages non négligeables de formats parmi les plus récents que sont par exemple les podcasts, médias indépendants ou alternatifs.
À changement des usages, changement dans la nature même de la production et diffusion d’informations. On le voit bien : quand le la était donné par le JT il y a encore quelques années, celui-ci vient aujourd’hui souvent se nourrir et valider ce qui émerge d’abord sur internet et les réseaux sociaux. Un espace conversationnel où désormais 40% des Français partagent des informations et 29% les commentent ou donnent leur avis. Au total et si l’on agrège l’importance qui lui est accordée, l’intensité de la consultation des médias, mais aussi les pratiques actives, 29% des Français témoignent d’un engagement fort dans la consommation d’informations, 49% d’un engagement moyen, 22% d’un engagement faible. On notera que les plus engagés montrent un profil plutôt urbain, aisé et intéressé par les enjeux politiques. Sur ce dernier point : 59% des personnes se disant très intéressées par la politique ont un engagement fort dans la consommation média pour 5% de ceux qui le sont peu.
Dans ce contexte de fragmentation et multiplication des usages, rien d’étonnant à ce qu’un tiers des Français (35%) admettent devoir faire des efforts pour s’informer correctement, dont un sur dix « beaucoup » d’efforts. Une difficulté davantage éprouvée par les plus jeunes (48%) et ceux qui tiennent à s’informer régulièrement (49%).
Plus d’un Français sur deux souffre de fatigue informationnelle
« Il est étonnant que l’on puisse déplorer une surabondance d’informations. Et pourtant, l’excès étouffe l’information quand nous sommes soumis au déferlement ininterrompu d’évènements sur lesquels on ne peut méditer parce qu’ils sont aussitôt chassés par d’autres évènements. Ainsi, au lieu de voir, de percevoir les contours, les arêtes de ce qu’apportent les phénomènes, nous sommes comme aveuglés par un nuage informationnel5. » Ces propos d’Edgar Morin datent des années 1980. Avant la naissance des chaînes d’information en continu qui font leurs débuts dans les années 1990, bien avant l’avènement du web pour le grand public et a fortiori des réseaux sociaux puisque Facebook/Meta est né en 2004 et Twitter en 2005.
Pour cerner aujourd’hui l’ampleur de ce qu’Edgar Morin appelle le « nuage informationnel », nous avons soumis les Français à un questionnement détaillé destiné à saisir à la fois leur difficulté à trier l’information et leur degré ressenti de stress et de fatigue face à son flux. De l’agrégation statistique de leurs réponses à ces questions, il ressort que ce ne sont pas moins de 53% des Français qui disent souffrir de fatigue informationnelle, dont 38% – plus d’un tiers donc ! – en souffrent « beaucoup ». À l’inverse, 19% déclarent être « peu » et 28% « pas du tout fatigués ». (...)"
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Doc. 5bis : "La « fatigue informationnelle » touche un Français sur deux", Pauline Brault, huffingtonpost.fr, 02.09.2022
"La surcharge informationnelle a déjà été largement documentée depuis les années 60. En 1996, l’écrivain et cinéaste américain David Shenk lui donnait le nom d’« infobésité ». Le scientifique français Joël de Rosnay, spécialiste de l’impact des nouvelles technologies sur les industries, la décrivait comme « une nouvelle forme de pollution des cerveaux par l’excès d’information ». Et l’essor des technologies du XXIe siècle a amplifié le phénomène. Ainsi, 53% des Français disent souffrir de « fatigue informationnelle », dont « 38 % en souffrent beaucoup », selon l'étude menée par l’observatoire Obsoco. Ils disent avoir l’impression de lire toute la journée les mêmes informations. Par ailleurs, 59% de la population française estime qu’il y a trop d’informations dans les médias.
Parmi les plus fatigués, la moitié éprouve ce que l’on appelle le FOMO, Fear of missing out, ou la peur de manquer une information. Cette boulimie d’actualité les mène à un besoin incompressible de cliquer sur des titres « même s’ils savent d’avance que ce sont des informations futiles ». Cette compulsion touche 68% des plus fatigués. Pour mieux comprendre les différentes formes de fatigue liée à la surinformation, l’étude distingue cinq profils.
Le type le plus courant est le « défiant oppressé » qui représente 35% de la population. « Ce profil est plutôt féminin avec un niveau de vie modeste et un engagement moyen dans l’information, mais avec le sentiment de la subir, d’avoir du mal à se faire une opinion, de se sentir dépassé par l’information », indique la Fondation Jean-Jaurés. Ces personnes se méfient beaucoup des médias.
Il y a aussi les « hyperconnectés épuisés », des jeunes, urbains, plutôt diplômés, qui sont tels des « accros à l’info », ils n’arrivent pas à se déconnecter de ce qui se passe sur les réseaux sociaux notamment. Mais il y a aussi des profils plus âgés et masculins, comme l’« hyperinformé en contrôle » avec une « pratique informationnelle intense » des médias traditionnels (télé, radio, journaux).
Cette étude relève aussi que les plus jeunes générations ne sont pas seules à pouvoir ressentir une fatigue face à la profusion d’information. « Quelle que soit la catégorie de population ou d’âge, l’hyperconnexion et la surexposition aux informations ne garantissent pas le fait de pouvoir s’informer sans difficulté, ni sans conséquence », appuie les auteurs. C’est donc un problème global sur lequel les médias doivent se pencher. Les Français pourraient en effet finir par tourner le dos à l’information, comme l’atteste le sondage effectué pour l’étude : « 77% de Français déclarent qu’il leur arrive de limiter ou de cesser de consulter les informations, dont 28% régulièrement. Et c’est le cas de 90% des plus fatigués. »"
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