Les origines de la crise de 1929.
Publié le 6 Septembre 2024
Les origines de la crise de 1929.
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Rapports de Paul Claudel, ambassadeur de France, 1928
« Washington, le 30 mai 1928.
[…] Les profits de la guerre, la supériorité des ressources naturelles, leur exploitation méthodique et intensive au milieu d’un univers appauvri dont [les États-Unis] devenaient les principaux fournisseurs, ont naturellement amené un flux des richesses du monde entier spécialement de l’Europe vers l’Amérique. Elle a remboursé toutes ses dettes et elle a passé elle-même dans une proportion de plus en plus grande au poste créditeur […] Mais une autre source de profits vient encore à l’Amérique de la sécurité politique sociale parfaite que chacun lui attribue. Elle est devenue la caisse où beaucoup de gens cherchent un abri et un placement pour leurs économies. New York s’est substitué à Londres comme le centre financier du monde entier. De là une nouvelle source de profits […]
Leurs énormes placements les ont soustraits à leur isolement et les ont rendus solidaires du monde entier. Beaucoup d’économies qui servaient de fonds de roulement à l’industrie et à l’agriculture nationale sont maintenant représentées par des titres qui, en temps de crise seraient difficilement négociables. Je n’examine pas ici la contrepartie, mais il est certain que si une crise se produisait en Amérique, les ventres de titres qui en seraient la conséquence avec le tempérament spéculatif qui existe ici seraient une catastrophe pour le monde entier […] La domination du marché financier par New York est probablement appelée dans l’avenir à déchaîner quelques ouragans […] »
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Interview de Paul Reynaud (homme politique français) au quotidien français Le Temps , 15 octobre 1929
« Que pensez-vous de la situation économique et financière des États-Unis ? Certains estiment que la façade actuelle, d’apparence fort brillante, le développement constant de la production, montré par presque toutes les statistiques, l’ascension continue des cours à Wall Street ne pourront point longtemps se continuer et qu’une crise brutale, un jour prochain, éclatera.
– Il ne pourra s’agir d’une crise violente. Des trusts ont été formés qui détiennent une grande partie des actions des sociétés qu’ils considèrent comme les meilleures. Ces trusts auront une action régulatrice. J’estime toutefois qu’une crise pointe aux États-Unis. Des sources de richesse sont taries. Les agriculteurs se plaignent ; la situation du textile est difficile. Il y a surproduction d’automobiles ; les stocks s’accroissent faute de débouchés, et un ralentissement dans la production automobile atteindra directement les industries métallurgiques, industries de base. En outre, la hausse continuelle des titres a développé le goût de la spéculation : des Américains ont emprunté de l’argent à 9 % pour acheter des titres ne rapportant que 2 % mais qu’ils espéraient revendre à bénéfice. Des reculs comme ceux qui se sont produits ces jours derniers à Wall Street ne sauraient être négligés ; ils sont comme des signes avertisseurs.»
La crise vue par Fernand Gigon (Fernand Gigon, Jeudi noir, Paris, Laffont, 1976).
« […] La production se développe quatre fois plus vite que la population grâce à l’introduction de la force motrice dans les usines et à la rationalisation dans la fabrication […]
Ébloui, fasciné par l’éclat de l’argent et par la facilité avec laquelle Wall Street le fait fructifier, le peuple américain retourne ses poches. A chaque seconde de chaque jour ouvrable, affirme un banquier, mille dollars prennent le chemin de New York et s’investissent dans les actions des grandes sociétés industrielles ou dans les obligations des villes et des États.
[…] En arrivant à leur bureau, ce jeudi 24 octobre entre 9 heures 30 et 10 heures, les brokers s’étonnent de l’épaisseur de leur courrier. De toutes les villes d’Amérique, directement ou par l’intermédiaire de sept et huit cents correspondants, des ordres de vente s’accumulent en vrac sur leur table de travail. Les employés se hâtent de les classer avant que s’ouvre la bourse […]
Les difficultés de la bourse précèdent toujours celles de l’industrie et de l’économie […]
J.P. Morgan […], convoque chez lui les présidents des trusts et des compagnies bancaires, leur suggère un plan de sauvetage : constituer un fond commun de plusieurs centaines de millions de dollars et l’ouvrir à ceux qui en ont besoin[…] En quelques jours, il obtient du Trésor, à Washington, vingt-cinq millions. Il les offre à la bourse à des taux raisonnables […]
Cette chute résonne dans un ciel d’été. Pour faire face à la nouvelle situation créée par ce krach, les spéculateurs anglais font revenir d’urgence leurs fonds, leur or, leurs valeurs d’Amérique.»