L'Union Européenne, une forteresse? (ouest-france.fr et la-croix.fr)

Publié le 30 Janvier 2024

Migrants. L’Union européenne tentée de barricader ses frontières

 

Barbelés à la frontière entre la Hongrie et la Serbie (2015)

 

Doc. 1 : « Murs, barrières, barbelés : les dispositifs anti-migrants en Europe », Olivier Modez, la-croix.fr, janvier 2023.

« En octobre 2021, les ministres de l’intérieur de douze pays européens (Autriche, Bulgarie, Chypre, Danemark, Estonie, Grèce, Hongrie, Lituanie, Lettonie, Pologne, République tchèque et Slovaquie) ont demandé à la Commission européenne un financement pour la construction de clôtures à leurs frontières. La présidente de la Commission Ursula von der Leyen a refusé cette requête. « J’ai été très claire sur le fait qu’il y a une position commune de longue date de la Commission et du Parlement européen sur le fait qu’il n’y aura pas de financement de barbelés et de murs », avait-elle indiqué le 22 octobre, lors d’un sommet à Bruxelles. Jeudi 26 janvier 2023, en réponse à la demande pressante notamment de la Bulgarie et de l’Autriche, la commissaire européenne aux affaires intérieures Ylva Johansson a rappelé cette position : « Il n'y a pas d'argent dans le budget de l'UE pour cela. Si nous devions dépenser de l'argent pour des murs ou des clôtures, il n'y aurait pas d'argent pour d'autres choses », a-elle déclaré avant une réunion des ministres de l'intérieur, à Stockholm. À l’inverse, le président du Conseil européen Charles Michel entrouvre la possibilité. Selon lui, un tel financement est « juridiquement possible ». Les projets d’édification de clôtures se poursuivent ainsi en 2023, s’ajoutant à des dispositifs anti-migrants déjà nombreux sur le continent européen, depuis les années 2000.

Espagne - Maroc :

Longue d’environ huit kilomètres, la barrière de Ceuta matérialise, avec celle de Melilla, l’une des deux frontières terrestres entre l’Afrique et l’Europe. Sa construction s’est étalée dans les années 1990 et a notamment été renforcée à l’automne 1995. Ceuta est une presqu’île en grande partie bordée par la mer Méditerranée. Une double enceinte grillagée – dont la hauteur atteint 10 mètres à certains endroits, après plusieurs rehaussements – est surmontée de barbelés côté espagnol. Côté marocain, une clôture de 2,50 m représente un premier obstacle. Des patrouilles de part et d’autre délimitent une zone neutre entre les deux. Des milliers de migrants, du Maghreb et d’Afrique subsaharienne, tentent malgré tout de la franchir chaque année. En mai 2021, environ 10 000 migrants – un afflux sans précédent – sont parvenus à pénétrer dans l’enclave espagnole, sur fond de tensions diplomatiques entre le Maroc et l’Espagne. La plupart d’entre eux ont été renvoyés vers le royaume chérifien dans les jours qui ont suivi. L’autre enclave espagnole, Melilla, est elle aussi isolée par une barrière physique de près de 12 kilomètres, construite le long de sa frontière avec le Maroc depuis 1993, puis rehaussée ou renforcée au fil du temps. En juillet 2021, plus de 200 migrants en provenance d’Afrique subsaharienne ont franchi la clôture, deux mois après l’épisode de Ceuta, un autre record selon les autorités espagnoles.

Grèce - Turquie :

La frontière entre les deux pays est le théâtre de crispations régulières. En février 2012, la Grèce a lancé la construction d’un mur de barbelés sur un peu plus de 12 kilomètres de frontière terrestre avec la Turquie, dans la région du fleuve Evros – le reste de la frontière étant difficilement franchissable. En octobre 2021, un nouveau mur métallique de 40 kilomètres a été finalisé, et des drones ont été utilisés alors que de nombreux Afghans tentaient de passer, après la prise de Kaboul par les talibans.

Bulgarie - Turquie

Après une hausse du nombre de migrants liée à la crise syrienne, la Bulgarie a finalisé, à l’été 2014, le long de sa frontière avec la Turquie, la construction d’une clôture de trois mètres de haut et de 30 kilomètres de long, avec un ajout de fils barbelés. Cinq mois plus tard, le gouvernement bulgare a annoncé une extension de 130 kilomètres. Le dispositif a été également renforcé par des caméras et le déploiement de gardes-frontières. En 2023, le président bulgare Roumen Radev, soutenu par le gouvernement autrichien, demande deux milliards d’euros à la Commission européenne pour étendre cette clôture. Sans succès pour l’heure.

 

Frontière militarisée entre la Bulgarie et la Turquie

 

Hongrie - Serbie

Lors du pic de la « crise migratoire » en Europe en 2015, la Hongrie a fait face à un afflux de centaines de milliers de migrants prenant la direction de l’Europe du Nord. Estimant que l’Union européenne ne faisait pas le nécessaire pour contenir ces flux, elle a pris la décision – controversée en Europe – de clôturer, dès l’été 2015, sa frontière avec la Serbie. Elle a ainsi construit deux palissades métalliques de 175 kilomètres avec barbelés, matériels électroniques et patrouilles pour fermer le principal point d’accès des migrants. Depuis, les franchissements de la frontière ont bien diminué, mais le gouvernement hongrois a doublé sa clôture au printemps 2017.

Hongrie - Croatie

Après la Serbie, la Hongrie a mis en place, en septembre 2015, deux portions de grillage (environ 40 et 80 kilomètres) et de barbelés entre son pays et la Croatie pour faire face au nouveau cheminement des migrants dans la route des Balkans. Une partie de la frontière (de plus de 300 kilomètres) entre les deux États est délimitée par une rivière, ce qui la rend, dans cette partie, difficilement franchissable.

Slovénie - Croatie

La Slovénie a également été confrontée à une forte pression migratoire au milieu des années 2010. Elle a dressé à partir de novembre 2015 des rangées discontinues de barbelés sur 80 kilomètres, essentiellement à la partie sud-est de sa frontière avec la Croatie, et déployé l’armée afin de stopper des points stratégiques de passage de migrants. Depuis, plusieurs extensions ont été réalisées, et une barrière faite de grillages, et parfois de barbelés, ferme désormais plus de 210 kilomètres d’une frontière qui en fait environ le triple, et qui est difficilement franchissable en raison de plusieurs cours d’eau (Kolpa, Drave, Mur). Au nord de la Slovénie, l’Autriche a érigé une clôture de près de 4 kilomètres en décembre 2015 au poste d’entrée de Spielfeld, entre les deux États, après avoir envisagé quelques mois plus tôt une fermeture totale de sa frontière.

 Macédoine du Nord - Grèce

La construction d’une clôture de 2,50 mètres de haut avec barbelés entre la Grèce et la Macédoine du Nord, État issu de l’ex-Yougoslavie, a débuté en novembre 2015. Celle-ci avait pour but d’endiguer le flux de migrants qui tentaient de quitter la Grèce à ce moment-là. À peine trois mois plus tard, une nouvelle clôture de plusieurs dizaines de kilomètres a accentué l’imperméabilisation de la frontière. La conséquence de ces fermetures a été la formation jusqu’en mai 2016, puis à des périodes ultérieures, d’un camp improvisé de milliers de migrants à Idomeni, un petit village du nord de la Grèce.

 

Barrière de sécurité autour du port de Calais.

 

France - Grande-Bretagne

Au fil des années 2010, de nombreux ajouts de barrières et de grillages ont été réalisés à Calais, à proximité du port, du tunnel sous la Manche, ou d’autres lieux stratégiques pour empêcher des migrants de diverses nationalités de rejoindre la Grande-Bretagne. Un mur végétalisé « anti-intrusions » de 4 mètres de hauteur et un kilomètre de longueur, érigé à l’automne 2016, a été financé par le Royaume-Uni. La ville du Pas-de-Calais, sa zone portuaire et plusieurs axes routiers sont désormais sillonnés de dizaines de kilomètres de clôtures.

Pologne - Biélorussie

Durant l’été 2021, la Biélorussie a ouvert ses portes à des milliers de migrants, pour protester contre le refus de l’Union européenne de reconnaître le résultat de l’élection présidentielle d’août 2020, confisqué par le président sortant Alexandre Loukachenko. L’UE dénoncera cette façon d’utiliser les migrants comme une « arme diplomatique ». Dès juillet 2021, la Pologne installe des barbelés et déploie des milliers de soldats le long de sa frontière avec la Biélorussie, avant de renforcer son dispositif début septembre par une clôture de 2,50 mètres de haut. Finalement, elle décide la construction d’un mur. Début janvier 2022, le gouvernement polonais confirme le lancement de sa construction sur près de 190 kilomètres. Le chantier colossal de ce nouveau mur anti-migrants a été lancé mardi 25 janvier. Les travaux ont été achevés à l’été 2022.

Lituanie - Biélorussie

Durant l’été 2021, la Lituanie a connu le même afflux de migrants en provenance de la Biélorussie que la Pologne. Vilnius a annoncé en juillet sa volonté de construire un mur à la frontière. Les premières clôtures en barbelés ont été installées en septembre, et les travaux pour 110 kilomètres de séparation (barrières et barbelés d’une hauteur de 4 mètres) ont été achevés en décembre 2022.

Lettonie - Biélorussie

En 2017, la Lettonie avait démarré la construction d’un grillage surmonté de barbelés le long de sa frontière avec la Russie sur plusieurs dizaines de kilomètres. En novembre 2021, le Parlement a adopté une loi relative à la construction d’une clôture de 136 km de long le long de sa frontière avec la Biélorussie. Ce projet est prévu pour un coût de 28 millions d’euros.

D’autres séparations physiques existent sur le continent européen, mais n’ont pas pour but principal de stopper des migrations : elles visent à réduire les trafics, ou à séparer les belligérants dans des conflits armés passés ou actuels, comme à Belfast, en Irlande du Nord, ou sur l’île de Chypre. »

 

 

Doc. 2 : « Migrants. L’Union européenne tentée de barricader ses frontières », ouest-france.fr, Cecile Réto, février 2023

« Prêts à tout pour décourager les demandeurs d’asile de venir, des États membres exhortent l’Union européenne à financer la construction de murs. La Commission cède… un peu. L’extrême droite jubile.

L’heure est au repli sur soi. Incapables de s’entendre sur une répartition solidaire des migrants sur tout le territoire européen, les vingt-sept États membres de l’Union européenne se heurtent à l’exaspération des pays en première ligne. Parmi eux, la Bulgarie, furieuse de se voir "transformée en zone tampon servant de camps pour la migration illégale", résume son président Rumen Radev.

Au diapason, une douzaine d’États (Autriche, Hongrie, Pologne…) exhortent depuis des mois l’UE à payer la construction de murs et clôtures à ses frontières extérieures. L’Autriche en a même usé comme d’un moyen de chantage, en décembre, en mettant son veto à l’entrée de la Bulgarie et de la Roumanie dans l’espace Schengen tant que leurs frontières n’auront pas été renforcées. Ces pays hostiles à l’accueil des migrants peuvent compter sur le soutien de conservateurs du Parti populaire européen (PPE), première formation politique au Parlement européen.

Leur pression aurait-elle fini par payer ? Jeudi 9 février, les dirigeants des Vingt-Sept se sont entendus pour demander à Bruxelles de "financer des mesures qui contribuent directement au contrôle des frontières extérieures de l’UE"​. Fin 2021, alors que la Biélorussie « expédiait » des migrants vers la Pologne et la Lituanie dans le seul but de fragiliser l’unité européenne, la présidente de la Commission Ursula von der Leyen avait juré qu’elle n’accepterait jamais de "financer barbelés et murs"​.

Mais l’Est n’est pas le seul point de crispation. En 2022, 330 000 migrants sont entrés illégalement dans l’UE, du jamais vu depuis le record de 2015 (un million) selon Frontex, l’agence européenne de surveillance des frontières. Et sur les 13 200 Afghans, Ivoiriens ou Syriens entrés clandestinement, le mois dernier, 43 % ont emprunté la périlleuse route des Balkans et 49 % la mortifère mer Méditerranée.

Sommée de tarir ces flux, Von der Leyen a donc lâché du lest, vendredi 10 février, en évoquant la prise en charge "d’infrastructures mobiles et fixes, de voitures, de caméras, de tours de guet et de surveillance électronique"​. Le flou demeure quant aux murs. Mais qu’importe : le Chancelier conservateur autrichien Karl Nehammer salue "l’engagement clair de la Commission […] pour" "protéger les frontières extérieures"​. Au Parlement européen, le groupe d’extrême droite Identité et Démocratie (soixante-quatre élus, dont ceux du Rassemblement national) se gausse aussi de voir Manfred Weber, chef des conservateurs du PPE, "travailler pour [lui] et adopter [ses] politiques"​.

Navrant, juge le Premier ministre libéral luxembourgeois Xavier Bettel : "Je pensais que l’Europe, c’était la chute d’un mur et non la construction de nouveaux." ​L’Histoire lui donne déjà tort. Depuis 2014, sur les 12 000 km de frontières qui bordent l’UE, murs et clôtures ont poussé comme des mauvaises herbes, passant de 315 à 2 048 km. »

 

Source : https://www.ouest-france.fr/europe/ue/migrants-l-union-europeenne-tentee-de-barricader-ses-frontieres-849bb8e0-abba-11ed-b416-85851c2fbb45

 

Source : https://www.la-croix.com/Monde/Murs-barrieres-barbeles-dispositifs-anti-migrants-Europe-2022-03-01-1201202722

 

Rédigé par Team Histoire-Géo

Publié dans #2nde géographie, #1ère HGGSP

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