Le rôle du Tribunal Maritime de l'ONU dans la protection des océans (liberation.fr, sciencesetavenir.fr, rfi.fr)
Publié le 19 Janvier 2025
Le rôle du Tribunal Maritime de l'ONU dans la protection des océans
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Funafuti, atoll et capitale de l'archipel de Tuvalu. Cette île de 11 000 habitants a été classée comme «extrêmement vulnérable» par le Programme des Nations unies pour le développement due à la montée du niveau de la mer. (iugs-geoheritage.org)
"Des États insulaires intentent une action en justice pour protéger les océans", in liberation.fr, le 11.09.2023.
"Des pays insulaires menacés par l’élévation du niveau de la mer saisissent ce lundi 11 septembre le tribunal international du droit maritime des Nations Unies basé à Hambourg. Grâce à une possible qualification des gaz à effet de serre comme une «pollution marine», ces derniers espèrent contraindre les pays pollueurs à accélérer leur lutte contre le changement climatique.
Les procès climatiques, qui se multiplient à travers le monde, s’attaquent ce lundi 11 septembre à un nouveau volet : la protection des océans. Lors d’une audience historique au tribunal international du droit maritime des Nations Unies basé à Hambourg en Allemagne, les États insulaires affronteront les pays les plus émetteurs de gaz à effet de serre. Une affaire judiciaire inédite afin d’exiger une accélération de la lutte contre le changement climatique qui bouleverse les océans.
Durant deux jours, les pays concernés – notamment les Bahamas, Tuvalu, Vanuatu et Antigua-et-Barbuda – espèrent convaincre le tribunal que les gaz à effet de serre entrent dans la catégorie de la «pollution marine» au sens de la Convention de l’ONU sur les droits de la mer. Une telle classification imposerait juridiquement aux 157 États ayant ratifié ce traité de prendre davantage de mesures législatives contre le réchauffement climatique.
La Convention impose en effet aux États signataires de «prendre des mesures pour prévenir, réduire et contrôler la pollution du milieu marin, ainsi que protéger et préserver cet environnement». Est une «pollution marine» toute «introduction par l’homme, directement ou indirectement, de substances ou d’énergie dans le milieu marin […] qui entraîne ou est susceptible d’entraîner des effets délétères», selon ce texte. Une description qui s’applique en l’espèce, selon les requérants.
Vers une qualification inédite ?
«Des écosystèmes marins et côtiers entiers meurent actuellement, en raison du réchauffement et de l’acidification des eaux», alerte le Premier ministre de Tuvalu, Kausea Natano. «La science est claire et incontestée : ces impacts sont le résultat du changement climatique provoqué par les émissions de gaz à effet de serre», a-t-il ajouté. Une telle qualification aurait un retentissement majeur. «Le tribunal international du droit de la mer est très respecté. Cela influencera l’interprétation de la Convention par tous les tribunaux nationaux», explique Hannah Craft, porte-parole du collectif. Le discours poignant de son ministre des Affaires étrangères Simon Kofe, prononcé les pieds dans l’eau lors de la COP26, avait déjà alerté sur la hausse du niveau de la mer.
«Si cette affaire aboutit, les pays devront prendre des mesures sérieuses pour les émissions de gaz à effet de serre qui causent la pollution des océans», assurent les Etats requérants dans un communiqué. Les représentants de ces États insulaires et de 34 autres parties signataires, notamment la France ou l’Allemagne, seront auditionnés, avant un verdict attendu en 2024.
«Sans une action rapide et ambitieuse, le changement climatique pourrait empêcher mes enfants et petits-enfants de vivre sur l’île de leurs ancêtres, notre maison», s’alarme le Premier ministre d’Antigua-et-Barbuda, Alfonso Browne. «Nous ne pouvons pas rester silencieux face à une telle injustice.» Les mers subissent de plein fouet le changement climatique. Début avril, les eaux de surface des mers du monde ont enregistré une température moyenne de 21,1 °C, relève l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA). Un record depuis le début des relevés, en 1981.
Le changement climatique dans les tribunaux
Ces dernières années, les actions en justice contre l’inaction climatique des gouvernements ont explosé, réussissant parfois à influencer les politiques climatiques. Le nombre d’affaires judiciaires liées au climat a doublé dans le monde entre 2017 et 2022, selon l’ONU-Environnement et des chercheurs de l’université de Columbia. En septembre 2023, plus de 2 500 affaires dans le monde, dont plus de 1 600 aux Etats-Unis, ont été répertoriées.
Les tribunaux internationaux sont par conséquent de plus en plus mobilisés. En mars, l’Assemblée générale de l’ONU a fait une demande à la Cour internationale de justice pour clarifier les «obligations» des Etats en matière de changement climatique, suite à une demande du Vanuatu, petite île d’Océanie. Selon les estimations, la moitié de sa capitale pourrait être inondée d’ici 2050. Le compte à rebours est lancé."
Par Libération et AFP.
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Kausea Natano, Premier ministre de Tuvalu, s'exprime lors d'une audience au Tribunal international du droit de la mer (TIDM), le 11 septembre 2023 à Hambourg, où les dirigeants des petits États insulaires se sont tournés vers le tribunal maritime de l'ONU pour demander protection des océans du monde. AFP/Archives - Gregor Fischer (sciencesetavenir.fr)
"Climat : victoire "historique" des États insulaires devant le tribunal maritime de l'ONU", in sciencesetavenir.fr, le 21.05.2024.
"Au nom des océans : le tribunal maritime des Nations Unis a tranché mardi en faveur d'un collectif de petits pays insulaires qui lui demandaient de renforcer les obligations climatique des États signataires de la Convention de l'ONU sur les droit de la Mer.
Dans un avis lu publiquement, la juridiction a estimé que ce traité imposait une "obligation spécifique de prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir, réduire et maîtriser la pollution marine due aux émissions de gaz à effets de serre". Les 169 États parties à cette convention, qui a créé ce tribunal basé à Hambourg, en Allemagne, devront tout faire pour réduire leurs émissions afin "d'atteindre l'objectif des Accords de Paris de limiter le réchauffement à 1,5 degrés", ont détaillé les juges. Cette décision du tribunal, consultative et non contraignante, influencera la façon dont les tribunaux nationaux et la justice internationale, interpréteront le traité.
"Victoire historique"
"C'est une victoire historique pour les petites nations insulaires, qui prouvent leur leadership sur ce défi crucial pour l'avenir de l'humanité", s'est félicité dans un communiqué la COMIS, l'alliance qui regroupait les requérants. Les Etats insulaires (Antigua-et-Barbuda, Bahamas, Niue, Palaos, Saint-Kitts-et-Nevis, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les Grenadines, Tuvalu et Vanuatu), menacés par la montée des eaux, ont saisi cette juridiction pour imposer aux pays pollueurs d'accélérer leur lutte contre le réchauffement climatique. Leurs dirigeants avaient plaidé leur cause devant les juges en septembre dernier. "Sans une action rapide et ambitieuse, le changement climatique pourrait empêcher mes enfants et petits-enfants de vivre sur l'île de leurs ancêtres, notre maison", avait déclaré le Premier ministre d'Antigua-et-Barbuda, Alfonso Browne.
Selon le tribunal, les États doivent aussi "protéger et préserver l'environnement marin des impacts du changement climatique et de l'acidification des océans" et "restaurer" les écosystèmes déjà détruits. Et les mesures doivent se baser sur "les meilleurs connaissances scientifiques", et être appliquées avec une "diligence élevée", en raison des "risques aigus de préjudice grave et irréversible au milieu marin que font peser ces émissions". Elles sont totalement indépendantes des promesses que les États ont exprimé lors des COP, car le droit international de la Mer comporte des exigences spécifiques, a également précisé le tribunal.
"Pollution marine"
Cette décision inédite analyse sous un nouveau jour la notion de "pollution marine" citée dans la Convention, en y intégrant les gaz à effets de serre. Signée en 1982, le traité impose en effet aux Etats signataires de "prendre des mesures pour prévenir, réduire et contrôler la pollution du milieu marin, ainsi que protéger et préserver cet environnement". Est considérée comme "pollution marine" toute "introduction par l'homme, directement ou indirectement, de substances ou d'énergie dans le milieu marin (...) qui entraîne ou est susceptible d'entraîner des effets délétères", selon ce texte. Selon cette définition "les émissions de gaz à effets de serre constituent bien une pollution marine", a tranché mardi le tribunal. Ces derniers contribuent au réchauffement et à l'acidification des océans, deux phénomènes détruisant les écosystèmes. "Pour la première fois, une Cour internationale reconnaît que le destin de deux biens communs, les océans et l'atmosphère, sont liés et mis en danger par la crise climatique", a commenté Nikki Reisch, responsable du Centre pour le développement du droit international de l'environnement (Ciel).
Certaines puissances, comme les États-Unis ou la Turquie, ne sont toutefois pas partie à la Convention de l'ONU sur les droits de la mer. Reste que cette décision pourrait être la première d'une série, alors que les actions en justice devant les tribunaux internationaux se sont multipliés ces dernières années. La Cour internationale de justice (CIJ) examine actuellement une demande du Vanuatu pour clarifier les "obligations" des États en matière de changement climatique. Et en janvier 2023, la Colombie et le Chili ont sollicité un avis de la Cour inter-américaine des droits de l'Homme sur les obligations étatiques en matière de lutte contre l'urgence climatique, au regard du droit international des droits humains.
Les températures mondiales de la surface des océans ont atteint un record mensuel en avril pour le treizième mois consécutif, selon le Service Copernicus sur le changement climatique de l'UE."
Par AFP.
"Protection de l'océan: le Tribunal de la mer doit se prononcer sur les devoirs climatiques des États", in rfi.fr, le 20.05.2024
"(...) Ce n’est pas la première fois que ce tribunal est saisi. En 2011, les juges du TDIM, étaient sollicités par l’île de Nauru au sujet de la responsabilité des États dans l’exploration minière des fonds marins, en particulier lorsque des dommages étaient causés par l’entreprise ou l’opérateur public chargé de la prospection. L’avis rendu « précisait toutes les obligations qui pèsent sur les États et les opérateurs privés ou publics qui réalise les activités dans les grands fonds. Il avait été très favorable à la protection du milieu marin et largement repris », complète Pascale Ricard.
Quinze ans plus tard, la course de l’exploration du plancher océanique, véritable mine de matières indispensables à la technologie et à la transition énergétique, est plus frénétique que jamais. « Pour une grande partie des scientifiques, des ONG et de certains États, toute exploitation aurait des effets tellement néfastes et incertains qu’il vaudrait mieux s’abstenir et ne pas exploiter du tout, du moins attendre d’avoir les connaissances suffisantes », explique la chercheuse.
L’Autorité internationale des fonds marins, l'arbitre onusien qui délivre les permis d’exploration (31 à ce jour) des fonds marins dans la zone internationale, n’a pas encore donné d'autorisation pour l’exploitation... mais ne s’est pas non plus encore prononcé sur son interdiction. Un moratoire est demandé par plusieurs États dont la France – Emmanuel Macron s'est déclaré fermement opposé à “toute exploitation des grands fonds marins” –, mais refusé par d’autres comme la Chine, mais aussi des Petites îles, comme Cook, Salomon et les Fidji. Le débat doit avoir lieu cet été au siège de l’AIFM, sis à Kingston, en Jamaïque, entre 168 États, en vue de la rédaction d’un éventuel code minier. Les débats sont tendus. Dans ce cadre, l’avis des magistrats du TDIM « pourrait avoir un impact sur ce qui va se passer dans les prochains mois où prochaines années au sein de l’Autorité des fonds marins ».
Accumulés, les avis consultatifs permettront de renforcer la jurisprudence à tous les échelons du système judiciaire et favoriser la prise de décisions cette fois contraignantes. La justice environnementale est en effervescence depuis plusieurs années. Devant l’incapacité à répondre à l’urgence climatique, de plus en plus d’États, d’organisations non gouvernementales et même de particuliers, se tournent vers les juridictions supra-étatiques. Selon l’ONU, les contentieux climatiques dans le monde, nationaux pour la plupart, sont passés de 884 en 2017 à 2180 en 2022."
Par Géraud Bosman-Delzons.