«Guerre hybride» depuis l’invasion russe en Ukraine (liberation.fr)

Publié le 20 Novembre 2024

«Guerre hybride» depuis l’invasion russe en Ukraine : retour sur la série d’incidents en mers Baltique et du Nord

 

Pose du câble sous-marin de télécommunication C-Lion1 en mer Baltique, le 12 octobre 2015. (Heikki Saukkomaa/via Reuters)

 

"Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, les incidents suspects se sont multipliés dans le pourtour de la mer Baltique et de la mer du Nord. Dernier événement en date, deux câbles sous-marins reliant l’Allemagne et la Finlande, et la Suède à la Lituanie, ont été endommagés. Berlin a parlé ce mardi 19 novembre de «sabotage».

Après le câble endommagé entre la Finlande et l’Allemagne, c’est au tour de celui reliant la Suède et la Lituanie d’être rompu. Le ministre allemand de la Défense Boris Pistorius a évoqué ce mardi 19 novembre «un sabotage» certainement à l’origine des dégâts constatés en quarante-huit heures sur ces deux câbles de télécommunication. Depuis le début de la guerre en Ukraine, les incidents de ce type se multiplient.

Selon experts et politiques, ces actions, ciblant notamment les équipements énergétiques et de communication, s’inscrivent dans le contexte de la «guerre hybride» entre la Russie et les pays occidentaux. Un autre type de conflit qui se joue dans ce vaste espace bordé par plusieurs membres de l’Otan, où Moscou dispose également de points d’entrée. Libération fait le point sur les différentes actions illustrant ce conflit larvé.


Des gazoducs et des câbles visés

Le plus spectaculaire de ces incidents s’est produit en mer Baltique, avec le sabotage en septembre 2022 des gazoducs russes Nord Stream, jusqu’ici non élucidé. Quatre énormes fuites de gaz précédées d’explosions sous-marines s’étaient produites le 26 septembre 2022 sur Nord Stream 1 et 2, conduites qui acheminaient l’essentiel du gaz russe vers l’Europe. En août, le Wall Street Journal avait mis en cause l’ancien chef d’état-major ukrainien, soupçonné d’être impliqué dans le sabotage des pipelines, alors que des médias allemands révélaient l’émission par la justice allemande d’un mandat d’arrêt européen à l’encontre de l’Ukrainien. Une accusation qualifiée de «non-sens absolu» par Kyiv.

L’incident d’octobre 2023 concernant le gazoduc Balticconnector, ouvrage reliant la Finlande et l’Estonie, reste également une énigme : la liaison avait été interrompue le 8 octobre 2023 après la détection d’une fuite qui, selon les autorités finlandaises, avait été provoquée par une intervention extérieure, laissant craindre un possible sabotage. Le même mois, un câble de télécommunications sous-marin entre la Suède et l’Estonie avait été endommagé par «une force extérieure» ou une «manipulation», selon Stockholm.

 

En jaune et en rouge, le trajet sous-marin des deux câbles (Photo by Murat Usubali / ANADOLU / Anadolu via AFP) | ANADOLU VIA AFP


Un brouillage GPS qui augmente le risque d’accidents aériens

Depuis le lancement de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les perturbations des signaux GPS se sont intensifiées dans cette zone. En avril, l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie ont averti que le brouillage généralisé du GPS par la Russie augmentait le risque d’accidents aériens. A la même période, la compagnie aérienne finlandaise Finnair a suspendu ses vols vers Tartu en Estonie pendant un mois à cause d’interférences GPS, qualifiées par le ministre estonien des Affaires étrangères «d’attaque hybride russe».

Pour répondre à cette menace, l’armée britannique a annoncé en août la construction d’une installation présentée comme l’une des plus grandes en Europe, destinée à préparer ses équipements au risque de brouillages du signal GPS.


Des navires espions russes

Navire océanographique, chalutiers, cargos ou même yachts : la Russie utilise toute sorte d’embarcation pour récolter de précieuses informations en mer Baltique et en mer du Nord. En février 2023, la Belgique avait annoncé avoir ouvert une enquête sur les activités d’un «navire espion» russe repéré en novembre dans des zones de la mer du Nord où se trouvent des parcs éoliens, des gazoducs sous-marins et des câbles de communication. En avril 2023, la Russie a été accusée par les principales télévisions nordiques de mener un programme d’espionnage dans les eaux d’Europe du Nord, en utilisant plusieurs dizaines de navires militaires et civils pour faire du repérage en vue de possibles actions de sabotage. Le Kremlin avait immédiatement balayé des «erreurs» et des accusations «sans fondement».

Le 31 août, la mort du béluga Hvaldimir non loin de Risavika dans le sud-ouest de la Norvège a mis fin à de nombreux fantasmes. Observé pour la première fois en 2019 au large de la Norvège, le cétacé a suscité l’intérêt des renseignements norvégiens, qui se sont mis à enquêter sur son origine. Des enclos ont finalement été repérés près de la ville russe de Mourmansk, dans lesquels étaient maintenus en captivité des dauphins, des bélugas et des phoques, pour des raisons inconnues. Les autorités norvégiennes en avaient conclu que Hvaldimir était un animal espion entraîné par la Russie. Le Kremlin, lui, n’a jamais confirmé.

 

La militarisation de la mer Baltique (in https://www.areion24.news/2024/10/28/la-mer-baltique-mer-otanienne-les-ambitions-maintenues-de-moscou-dans-la-region/)

 

Des bouées déplacées pour modifier les frontières

En mai, les garde-côtes estoniens ont découvert que leurs homologues russes avaient retiré pendant la nuit des bouées placées sur la rivière Narva, qui sépare les deux pays. Jens Stoltenberg, alors secrétaire général de l’Otan, avait affirmé sa solidarité avec l’Estonie, tandis que le chef de la diplomatie de l’Union européenne, Josep Borrell, avait qualifié d’«inacceptable» cette opération russe de redécoupage des frontières en eaux troubles. L’inquiétude des dirigeants occidentaux ne vient pas de nulle part : au printemps, la Russie a émis un projet de décret envisageant d’étendre les eaux territoriales du pays en modifiant les frontières en mer Baltique avec la Finlande et la Lituanie. De quoi mettre en alerte les garde-côtes de la mer Baltique.
Survoler des pays européens à l’aide de drones

En Allemagne, les autorités n’ont que peu goûté au survol de la ville de Brunsbüttel par un drone russe. En août, non loin des rivages de la mer du Nord, plusieurs survols de drone ont été constatés pendant plusieurs jours de suite au-dessus d’une zone industrielle de la ville. Le drone n’était certainement «pas là pour observer le magnifique paysage local, mais parce qu’il y a un parc chimique et une installation de stockage de déchets nucléaires à proximité», avait alors souligné la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock. De quoi motiver l’ouverture d’une enquête pour «espionnage avec pour objectif le sabotage» par le parquet local.

 

In "liberation.fr", par Charles Delouche-Bertolasi et AFP, le 19 novembre 2024

https://www.liberation.fr/international/europe/guerre-hybride-depuis-linvasion-russe-en-ukraine-retour-sur-la-serie-dincidents-en-mers-baltique-et-du-nord-20241119_PWYYWBFSY5HQXLJFSWXE5DBNDY/

Rédigé par Team Histoire-Géo

Publié dans #Term HGGSP, #Term Géo

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