6 et 9 août 1945 : les bombardements nucléaires d’Hiroshima et de Nagasaki - PPO
Publié le 23 Janvier 2025
6 et 9 août 1945 : les bombardements nucléaires d’Hiroshima et de Nagasaki - PPO
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La cathédrale Urakami, en plein centre de Nagasaki, détruite par le largage de la bombe atomique, le 9 août 1945. (REUTERS/Shigeo Hayashi/Nagasaki Atomic Bomb Museum/)
Consignes de travail :
Analyse de documents :
- Comment est justifié l'emploi de la bombe dans les documents 1 et 2? (dans votre réponse, mentionnez le contexte du discours et celui de la publication du journal)
- Quelles explications les documents 3 et 4 donnent-ils à l'utilisation de la bombe atomique? Autrement dit, quels sont les enjeux qui expliquent l'usage de la bombe atomique?
Tâche finale :
Rédigez une synthèse répondant à la question suivante : "la bombe atomique a-t-elle mis fin à la 2nde Guerre mondiale?"
Doc. 1 : Discours radiodiffusé du président Harry S. Truman, le 9 août 1945
« Mes chers compatriotes: Je viens de rentrer de Berlin, la ville d’où les Allemands ont tenté de diriger le monde. C’est une ville fantôme. Ses bâtiments sont en ruine; son économie et son peuple sont dévastés. Nous avons survolé les ruines de Kassel, de Magdeburg et d’autres villes dévastées. Des femmes, des enfants et des vieillards allemands erraient sur les chemins, tentant de retourner dans leurs foyers bombardés ou fuyant les villes anéanties, à la recherche de nourriture et d’un abri. Nous avons également vu une partie des terribles destructions provoquées par la guerre dans les pays occupés de l’Europe occidentale et en Angleterre. […] Les gouvernements britannique, chinois et des États-Unis ont suffisamment mis en garde le peuple japonais contre ce qui les attend. Nous avons établi les conditions générales de leur reddition. Notre avertissement est resté sans réponse; nos conditions ont été rejetées. Depuis lors, les Japonais ont vu ce dont notre bombe atomique était capable. Ils peuvent imaginer ce qu’elle leur réserve pour l’avenir. Le monde entier remarquera que la première bombe atomique a été lâchée sur Hiroshima, une base militaire, afin d’éviter, dans la mesure du possible, la mort de civils lors de la première attaque. Toutefois, cette attaque ne constitue qu’un avertissement de ce qui va suivre. Si le Japon ne capitule pas, il faudra lâcher des bombes sur les industries de guerre, ce qui entraîne, malheureusement, la perte de milliers de vies civiles. Je réalise l’impact tragique de la bombe atomique. Sa production et son utilisation n’ont pas été prises à la légère par ce gouvernement. Toutefois, nous savions que nos ennemis faisaient des recherches. Nous savons maintenant que leurs recherches étaient sur le point d’aboutir. Nous savions quelle serait l’ampleur du désastre dans notre pays, dans tous les pays pacifiques, pour toute la civilisation, s’ils l’avaient découverte en premier. C’est pourquoi nous nous sommes sentis obligés d’entreprendre les longs travaux de recherches et de production, incertains et coûteux. Nous avons gagné la course à la découverte contre les Allemands. Ayant découvert la bombe, nous l’avons utilisée. Nous l’avons utilisée contre ceux qui nous ont attaqués sans prévenir à Pearl Harbor, contre ceux qui ont affamé, battu à mort et exécuté des prisonniers de guerre américains, contre ceux qui ont abandonné tout semblant de respect des lois de guerre internationales. Nous l’avons utilisée pour écourter l’agonie de la guerre, pour sauver les vies de plusieurs milliers de jeunes Américains. Nous continuerons à l’utiliser jusqu’à ce que nous ayons complètement détruit les forces qui permettent au Japon de faire la guerre. Seule une capitulation nous arrêtera. »
Doc. 2 : dessin de presse paru dans le Chicago Tribune le 11 aout 1945.
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Doc. 3 : la guerre dans le pacifique (1931-1945)
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Doc. 4 : “The Winning Weapon ? Rethinking Nuclear Weapons in Light of Hiroshima,” de Ward Wilson, 2007
"Le premier problème posé par cette interprétation traditionnelle [le Japon a capitulé en raison des bombardements atomiques des villes d’Hiroshima et Nagazaki, NDLR] est un problème de calendrier. Et c’est un problème sérieux. Le calendrier de l’interprétation traditionnelle est des plus limpides : l’US Army Air Force (USAAF) largue le 6 août une bombe atomique sur Hiroshima, en largue une deuxième trois jours plus tard sur Nagasaki et le lendemain, les Japonais signifient leur intention de capituler. On peut difficilement reprocher aux journaux américains de barrer leur une avec des titres du genre « Paix dans le Pacifique : Notre bombe l’a fait ! »
[…] Du point de vue japonais, le jour le plus important de cette deuxième semaine du mois d’août n’est pas le 6 mais le 9 août. C’est ce jour-là que le Conseil suprême se réunit et, pour la première fois depuis le début de la guerre, discute de la capitulation sans condition. Ce Conseil suprême est composé de six membres de premier plan du gouvernement –une sorte de cabinet intérieur– qui dirige, de fait, le Japon en 1945. Avant cette date, les dirigeants japonais n’ont jamais sérieusement envisagé la capitulation. […] Que s’est-il donc passé pour qu’ils décident de changer d’avis si soudainement et si radicalement ? Quel événement peut expliquer qu’ils se réunissent pour envisager pour la première fois une capitulation après 14 ans de guerre ?
En aucun cas, il ne peut s’agir du bombardement de Nagasaki, qui a lieu en fin de matinée, le 9 août, soit après que le Conseil suprême a commencé ses discussions à propos d’une éventuelle capitulation. La nouvelle du bombardement n’est connue des dirigeants japonais qu’au début de l’après-midi – après que la réunion du Conseil suprême s'est soldée par une impasse et que décision a été prise de convoquer l’intégralité du cabinet pour reprendre la discussion. Si l’on se fonde sur le calendrier seul, Nagasaki ne peut en aucun cas avoir été la motivation des dirigeants japonais. Hiroshima n’est pas un très bon candidat non plus. Le bombardement a eu lieu 74 heures – plus de trois jours – avant. Quelle crise met trois jours à éclater ? La caractéristique première d’une crise est son caractère de désastre imminent accompagné du désir pressent d’agir immédiatement par ceux qui y font face. Comment se pourrait-il que les dirigeants japonais aient considéré que le bombardement d’Hiroshima constituait une crise et qu’ils aient mis plus de trois jours avant de décider d’en parler ?
[…] D’un point de vue historique, l’utilisation de la bombe atomique peut apparaître comme l’événement singulier le plus important de la guerre. Mais du point de vue des dirigeants japonais, le largage de la bombe sur Hiroshima ne se distingue guère d’autres événements. Il est après tout bien difficile de distinguer une goutte de pluie au beau milieu d’un ouragan. A l’été de 1945, l’USAAF est en train d’effectuer une des plus intenses campagnes de destruction de centres urbains de l’histoire mondiale. 68 villes japonaises sont bombardées, et toutes sont partiellement ou intégralement détruites. On estime à 1,7 million le nombre de personnes sans-abris, à 300.000 le nombre de tués, et à 750.000 le nombre de blessés. 66 de ces villes ont été attaquées avec des bombes traditionnelles, deux avec des bombes atomiques. Les destructions engendrées par les attaques conventionnelles sont immenses. Nuit après nuit, durant tout l’été, des villes entières partent en fumée. Au beau milieu de cette avalanche de destruction, il ne serait étonnant qu’une attaque ait fait plus impression qu’une autre – quand bien même elle a été effectuée avec une arme d’un nouveau genre. (...)
Les dirigeants du Japon ont fait montre d’un désintérêt constant à l’égard de la campagne de bombardement stratégique qui anéantissait leurs villes les unes après les autres. S’ils avaient certainement tort quand les bombardements commencèrent le mars 1945, au mois d’août, quand Hiroshima est frappé, ils ont sans doute raison de considérer ces attaques contre les populations civiles comme un épiphénomène du conflit, en termes d’impact stratégique. Le 7 août, quand Truman prononça son discours radiodiffusé, il ne restait plus que dix villes de plus de 100 000 habitants encore intactes. Quand Nagasaki fut attaquée le 9 août, il n’en restait plus que neuf. [...]
A la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’interprétation traditionnelle d’Hiroshima a aidé les dirigeants japonais à atteindre un certain nombre d’objectifs politiques, tant à l’intérieur qu’à l’international. Attribuer la défaite du Japon à la bombe présentait trois avantages politiques.
Premièrement, cela permettait de conserver à l’empereur toute sa légitimité. Si la guerre n’avait pas été perdue en raison de ses erreurs mais en raison de l’apparition soudaine d’une arme miracle chez l’ennemi, l’empereur pouvait conserver du soutien au sein du Japon. Deuxièmement, elle permettait de s’attirer une certaine sympathie sur le plan international. Le Japon avait mené une guerre d’agression et s’était montré d’une brutalité inouïe à l’égard des peuples conquis. Son comportement risquait fort de la placer au ban des nations. Mais présenter soudain le Japon comme une nation victime –une nation qui avait été injustement bombardée par une arme de guerre aussi cruelle que monstrueuse- permettait de reléguer au second plan une bonne partie des actes répugnants commis par les soldats japonais. Attirer l’attention sur les bombardements atomiques permettait donc de présenter le Japon sous une lumière plus sympathique et d’atténuer considérablement le soutien aux partisans des sanctions les plus dures. Enfin, dire que c’est la bombe atomique qui avait gagné la guerre ne pouvait que plaire aux vainqueurs américains. L’occupation américaine du Japon ne cessa officiellement qu’en 1952 et durant l’intervalle, les États-Unis eurent tout le loisir de changer ou remodeler la société japonaise à leur convenance. L’historien japonais Asada Sadao affirme que lors des nombreux entretiens accordés après la guerre, « les dirigeants japonais… font tout leur possible pour s’attirer la sympathie de leurs interlocuteurs américains ». Si les Américains voulaient entendre que c’était bien la bombe qui avait provoqué la capitulation japonaise, pourquoi les décevoir ?
[…] A l’inverse, si l’on admettait que c’était l’entrée en guerre de l’Union soviétique qui avait provoqué la capitulation du Japon, et qu’on laissait l’URSS proclamer qu’elle était parvenue en deux jours à obtenir ce que les Américains n’étaient pas parvenus à obtenir en quatre ans, la perception de la puissance militaire soviétique et l’influence de sa diplomatie s’en seraient trouvées renforcées. Une fois la Guerre froide commencée, affirmer que l’entrée en guerre de l’Union soviétique avait été le facteur déterminant dans la capitulation japonaise n’aurait fait que conforter et aider l’ennemi.
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Nuage atomique au-dessus de Nagasaki, le 9 août 1945 [Hiromichi Matsuda / Nagasaki Atomic Bomb Museum / Domaine public]