L'inquiétante conquête des grands fonds marins a commencé (lesechos.fr)
Publié le 19 Janvier 2025
L'inquiétante conquête des grands fonds marins a commencé
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"Drones, rovers… Une multitude de robots sont déployés dans les grands fonds marins. Objectif : extraire des métaux stratégiques pour fabriquer nos appareils électroniques. Les essais se multiplient et des projets d'extraction à grande échelle sont annoncés… faisant craindre des dégâts environnementaux irréversibles.
A ce stade, il ne s'agit que d'expérimentations, mais le coup d'envoi est donné ! Drones sous-marins, robots collecteurs… Une horde de technologies sont développées puis déployées dans les grands fonds marins afin de détecter et d'extraire des métaux stratégiques.
Cobalt, nickel ou encore manganèse… Ces minerais sont devenus incontournables pour la fabrication de moult appareils électroniques : des industries entières en sont dépendantes. Tous sont actuellement extraits dans des mines à la surface de la Terre. Mais des quantités substantielles regorgeraient également dans les fonds océaniques.
A plusieurs milliers de mètres de profondeur, ils sont concentrés sous forme de cheminées hydrothermales, d'encroûtements cobaltifères et surtout… de nodules polymétalliques. D'une dizaine de centimètres au plus, ces derniers tapissent les fonds océaniques sous forme de galets qu'il suffirait, en théorie, d'aspirer et de remonter à la surface.
États et entreprises dans la course
Dans le Pacifique, la zone de Clarion-Clipperton concentre toutes les attentions : plus de 21 milliards de tonnes sèches y reposeraient, selon l'Institut d'études géologiques des États-Unis. Du cobalt et du nickel s'y dissimuleraient ainsi à foison : davantage que dans l'ensemble des mines terrestres, selon des estimations.
Un « nouveau Far West » à conquérir aux yeux de plusieurs entreprises. En 2021, un groupe belge y a démontré la faisabilité technique d'une récupération de nodules, par 4.500 mètres de fond. L'année suivante, une firme canadienne a prélevé à son tour 14 tonnes grâce à un robot collecteur.
De l'« oxygène noir » produit dans les abysses
Des États se sont également lancés dans la course, notamment la Chine qui a expérimenté plusieurs rovers. En Europe, la Norvège a officialisé la prospection - sans extraction - d'une portion de ses fonds marins en Arctique , au large de l'archipel du Svalbard, pour déceler d'éventuels gisements.
A l'autre bout du monde, l'Etat insulaire de Nauru, au Sud du Pacifique, va plus loin : il soutient un méga projet d'extraction minière en eau profonde prévu dans les prochaines années.
Les métaux, un nouvel opium
Cette course à l'extraction minière sous-marine est propulsée par la demande mondiale en métaux. Le cobalt, le nickel ou le manganèse - pour ne citer qu'eux - sont devenus le « nouvel opium » de l'industrie électronique et de la transition énergétique.
Indispensables aux batteries de voitures électriques, ces métaux équipent également les panneaux solaires ou les semi-conducteurs, ces puces qui font office de cerveaux de nos appareils électroniques. L'Union européenne a fait de la sécurisation de son approvisionnement une priorité majeure.
Néanmoins, cette nouvelle conquête économique des abysses est controversée. Sa viabilité économique ne fait pas l'unanimité : des entreprises annoncent des projets d'extraction sous-marine à grande échelle lorsque d'autres se disent dubitatives, voire parlent de « fantasme ».
Une activité controversée
Enfin, ONG et scientifiques craignent des dégâts irréversibles : une pollution et une destruction d'écosystèmes marins ou encore des nuages de poussières qui resteraient en suspension, car les courants sont faibles en profondeur.
Par Olivier Harmant, in lesechos.fr, le 30 sept. 2024