La russie, une puissance?
Publié le 22 Janvier 2025
La Russie, une puissance?
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Un officier de char salue la tribune à bord d'un canon autotracté, 2018. (Photo : Reuters / Sergei Karpukhin)
En vous appuyant sur les documents ci-dessous et en respectant les étapes et consignes de travail, répondez à la problématique suivante :
=> Dans quelle mesure la Russie est-elle redevenue une puissance majeure ? Quels sont les atouts et les limites à la reconstruction de la puissance russe ?
1ère partie : construction du plan détaillé.
Consignes de travail :
- Relevez les citations témoignant des facteurs de la puissance russe et des limites à cette puissance. Inscrivez ces citations dans un tableau en 2 colonnes : facteurs de la puissance / limites de la puissance.
- Pour chaque colonne du tableau :
- organisez/regroupez ces citations par thème.
- dégagez 2 ou 3 sous-parties (idées directrices).
- donnez un titres précis à chacune des sous-parties. Ces titres doivent constituer la première phrase (l'affirmation) de chaque paragraphe/sous-partie.
Doc. 1 : « Le "Géant empêtré" et l’invasion de l’Ukraine », Entretien avec Anne de Tinguy, auteur de Le géant empêtré. La Russie et le monde de la fin de l'URSS à l'invasion de l'Ukraine (Perrin, 2022)
(...) "Certains voient dans la Russie une grande puissance et d’autres parlent à son sujet de « puissance pauvre » (Georges Sokoloff), de « puissance vaincue » (Zbigniew Brzezinski). Comment vous situez-vous sur ce sujet ? La Russie fait-elle partie des grands de ce monde ?
Anne de Tinguy : Depuis des siècles, la Russie se pense comme une grande puissance. En 1991, elle est ruinée et elle a tout à reconstruire : elle aurait pu renoncer à ses ambitions. Ce n’est pas ce qu’elle a fait. La Russie poutinienne est dévorée par une ambition qui aurait logiquement dû la conduire à mettre le développement intérieur du pays au premier rang de ses priorités. Ce n’est pas la voie que Vladimir Poutine a choisie. Au lieu de chercher à doter son pays d’une puissance économique et technologique, de faire des investissements massifs dans les infrastructures, de relancer l’innovation, de développer un soft power en tirant partie du riche héritage culturel qu’elle détient, il mène une politique de puissance à l’international en s’appuyant, comme le faisait l’URSS, sur l’outil militaire et sur sa capacité de nuisance, il privilégie autrement dit « une puissance apparente sur le développement ».
A maints égards, la Russie est un des grands du monde. Du fait de son potentiel nucléaire et de son siège de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations unies, elle conserve des attributs de puissance qui lui confèrent un statut qui la distingue de la plupart des autres États de la planète. Elle est une puissance militaire et elle possède une forte capacité de nuisance, on le voit aujourd’hui en Ukraine. Elle détient de formidables ressources en matières premières, elle est membre de nombreuses organisations internationales, elle est aujourd’hui soutenue par la Chine et par moult pays émergents, elle exerce dans certains pays et dans certains milieux une réelle attraction, elle détient un héritage culturel d’une extrême richesse.
Mais la puissance russe est ambivalente. Depuis 1991, la Russie a souvent été impuissante. Si on retient comme définition de la puissance la capacité d’un État d’imposer sa volonté aux autres, de faire prévaloir son point de vue et de contrôler le comportement des autres, elle a subi maints échecs et moult déceptions, ressentis comme des humiliations. Aux premiers rangs de ceux-ci figurent le revirement, après 1989, de ses anciens satellites est-européens qui lui ont tourné le dos dès qu’ils ont eu la possibilité de s’intégrer dans les structures euro-atlantiques, son incapacité à faire entendre son point de vue sur l’architecture européenne de sécurité, l’érosion de ses positions dans l’espace postsoviétique qu’elle continue à considérer comme la zone de ses intérêts fondamentaux, etc.
L’ambivalence, c’est aussi que la Russie reste ce que Georges Sokoloff a appelé une « puissance pauvre ». Elle n’a jamais été qu’un acteur économique de taille moyenne et, conséquence de la politique menée, elle demeure vulnérable et confrontée à de lourds problèmes que la guerre en Ukraine et les sanctions occidentales ne peuvent qu’aggraver. Cette guerre, dont la Russie risque de sortir très affaiblie sur le plan économique et durablement coupée du monde occidental, impactera vraisemblablement à la fois sa puissance apparente et son développement. Son avenir est empli d’incertitudes.
Qu’est-ce que la derjavnost ? Est-ce toujours un concept opérationnel ?
Anne de Tinguy : Le terme russe de derjavnost, issu de derjava (la puissance), recouvre l’idée que, du fait de son histoire, de sa culture, de ses richesses en territoire et en matières premières, de ses ressources humaines, la Russie est vouée à être un grand pays. Cette conviction forme « la carte mentale » des élites dirigeantes russes, qui imprègne leur vision du monde et de la place de leur pays sur la scène internationale. Les enquêtes d’opinion montrent qu’au sein de la société, cette sensibilité est à relativiser : interrogés par le Centre Levada, un nombre croissant de Russes disent qu’ils préféreraient que la Russie devienne « un pays avec un niveau de vie élevé » plutôt « qu’une grande puissance que les autres pays respectent et craignent ». Elle reste néanmoins bien réelle (en 2020, les Russes sont près de 9 sur 10 à estimer que la Russie « doit rester une grande puissance ») et elle est un des facteurs explicatifs de la très forte nostalgie de l’URSS au sein de la population russe. En 2020, les deux tiers des Russes interrogés déclarent regretter l’effondrement de l’URSS et ils sont presque aussi nombreux à estimer qu’il aurait pu être évité. Cette nostalgie est moins présente parmi les jeunes. Elle demeure néanmoins très forte. En Russie, selon l’expression de l’historien Robert Franck, « la puissance est dans les têtes ». Dans ce contexte, il apparaît clairement qu’une défaite militaire en Ukraine constituerait un choc qui ébranlerait fortement la société.
Revenons à l’économie. La pauvreté du pays, la corruption qui est très présente, les difficultés rencontrées pour mener à bien des réformes économiques qui seraient pourtant nécessaires n’obèrent-elles pas toute possibilité de puissance pour la Russie ?
Anne de Tinguy : Oui, sans aucun doute. L’ambition de puissance de la Russie se heurte à de sérieux obstacles, elle est notamment obérée par la persistance de ses vulnérabilités économiques. Ce qui fait la force d’un pays comme les États-Unis, c’est d’avoir mis en place une puissance multidimensionnelle, de s’être imposés dans le monde dans les domaines de la sécurité, de l’économie, de la finance, de la recherche, etc. La Russie poutinienne n’a jamais fait l’effort de chercher à se doter d’une telle puissance, elle s’est notamment très peu préoccupée de développer une économie moderne et compétitive. Mikhaïl Gorbatchev avait compris que si le système soviétique n’était pas réformé en profondeur, l’URSS allait devenir une puissance de troisième ordre. Boris Eltsine a tenté de mettre en place une économie de marché qui permettrait de moderniser le pays. Vladimir Poutine n’a lui jamais donné la priorité au développement. La Russie a pourtant des atouts considérables. Géant énergétique, elle possède des ressources matérielles et humaines qui lui permettraient de diversifier son économie et de construire une force économique mais elle se contente de fonctionner sur une économie de rente peu diversifiée, peu productive et vulnérable, en mal de réformes structurelles toujours repoussées pour des raisons à la fois économiques et politiques et en outre handicapée par un déclin démographique et de graves problèmes environnementaux.
Le résultat est que le pays n’est qu’une puissance économique moyenne, qu’il ne dispose que de moyens limités à mettre au service de sa diplomatie et qu’il n’exerce dans le monde qu’un faible pouvoir d’attraction. La Russie continue à impressionner ses voisins immédiats qui sont pour certains encore dépendants de ses hydrocarbures et de son marché du travail mais elle n’est guère un moteur du développement régional et elle compte peu dans l’économie mondiale. Elle accuse un retard qu’elle ne parvient pas à combler par rapport aux démocraties occidentales et désormais par rapport à la Chine. Le problème n’est pas conjoncturel. Il est un boulet que la Russie traîne depuis des siècles : la volonté de rattraper le retard pris sur l’Europe était déjà très présente à la fin du XIXe siècle.
L’une des raisons pour lesquelles la Russie se contente de cette situation est qu’elle possède une capacité de nuisance à laquelle elle a eu maintes fois recours, dans l’espace postsoviétique, mais aussi en Europe. Moscou utilise les armes du gaz et du pétrole pour tenter de diviser et d’affaiblir les pays de l’Union européenne. La guerre qu’elle mène à l’Ukraine a une importante dimension économique. Affaiblie sur le plan militaire, Moscou déplace le champ de bataille sur le plan économique : au blocage des ports ukrainiens et à l’occupation de terres céréalières, s’ajoutent désormais d’intenses bombardements sur des infrastructures, notamment énergétiques, de l’Ukraine, la prise de contrôle de la centrale nucléaire de Zaporijia qui fournissait au pays près de 20% de son électricité, etc. L’économie a constitué un outil de projection de l’influence de la Russie, non pas tant du fait de son attractivité dans le monde que de ses richesses en matières premières et de sa capacité à les instrumentaliser.
Moscou ne semble pas chercher à séduire ou à convaincre mais il est plutôt dans la contrainte, dans la force plutôt que l’influence. Existe-il un soft power russe ?
Anne de Tinguy : La décision insensée de Vladimir Poutine d’envahir l’Ukraine montre qu’aux yeux du Kremlin, la puissance est encore aujourd’hui largement associée au hard power, c’est-à-dire à la coercition, à la force militaire et aux rapports de force. La Russie a pourtant de nombreux atouts qui lui permettraient de séduire et de convaincre et ce faisant de développer « une capacité à influencer ce que les autres veulent » (Joseph Nye). Dans les années 2000, le Kremlin a cherché à redéfinir les sources de son influence en s’appuyant sur la diplomatie publique. Il a pris de nombreuses initiatives et mobilisé de multiples outils : un dispositif informationnel et numérique qu’il a entièrement renouvelé, la religion, la culture et l’histoire, le « monde russe », ses réseaux « amis », le sport, etc. Dans un premier temps, il a cherché à améliorer l’image de la Russie dans le monde et à obtenir l’adhésion à ses idées et à ses positions. Progressivement sa politique a évolué. A partir des contestations de 2011-2012 en Russie, puis de la Révolution de la dignité (Maïdan) en Ukraine en 2013-2014, des événements qu’il a analysés comme des dangers pour la Russie, et de la dégradation des relations russo-occidentales provoquée par l’annexion de la Crimée en 2014 et son intervention dans le Donbass, le Kremlin réinterprète le soft power dans un sens plus offensif. Celui-ci est désormais considéré comme un moyen non pas tant de séduire que de concurrencer l’Occident, comme une forme de la conflictualité dans laquelle s’inscrit progressivement sa relation avec celui-ci. Le Kremlin intègre ce faisant la diplomatie publique dans une politique de hard power : l’important n’est plus tant d’être aimé que d’être craint. Les politiques interne et externe qu’il a dès lors menées ont sapé, voire ruiné les atouts de la Russie en matière de soft power. (...)"
2ème partie : recherche d'information et rédaction.
Consignes de travail :
- Relevez dans les documents ci-dessous les informations permettant de compléter chaque sous-partie du plan détaillé préalablement défini.
- Rédigez intégralement deux sous-parties (une pour chaque chaque grande partie) en intégrant à chaque fois une ou plusieurs citations, des informations tirées des documents et des notions vues en cours.
Doc. 1a : l'Europe pendant la Guerre Froide (1947-91)
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Doc. 1b : l'éclatement de l'URSS (1991)
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Doc. 2 : la Russie dans son environnement stratégique (2012)
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Doc. 3 : les grandes puissances militaires mondiales.
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Doc. 4 : la puissance énergétique russe.
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Doc. 5a : la désinformation russe lors des élections en Moldavie (in X de Pol. étrangère Canada)
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Doc. 5b : ballons rappelant les dômes colorés de la cathédrale Saint-Basile sur la place Rouge à Moscou, cérémonie d'ouverture des JO de Sotchi en 2014
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Doc. 6 : évolution des principaux indicateurs économiques depuis l'arrivée au pouvoir de V. Poutine (1999 - 2017)
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Doc. 7 : les conséquences économiques des sanctions sur la Russie lors de la guerre contre l'Ukraine (2022)
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Doc. 8 : le déclin démographique russe
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