Les nouvelles technologies : puissance des géants du numérique (GAFAM, BATX…), impuissance des États et des organisations internationales ? - Jalon
Publié le 6 Février 2025
Jalon :
"Les nouvelles technologies : puissance des géants du numérique (GAFAM, BATX…), impuissance des États et des organisations internationales ? "
/image%2F1112415%2F20250202%2Fob_0750b4_gafam-natu.jpg)
I - La puissance des géants du numérique.
A partir des documents ci-dessous, rédigez un paragraphe de synthèse montrant les différents aspects de la puissance des géants du numériques.
Doc. 1 : évolution du chiffre d'affaire des GAFAM (2002-2022)
/image%2F1112415%2F20250202%2Fob_984a3b_gafam-evolution-ca-800-tt-width-800-he.png)
Doc. 2 : comparaison PIB 2023 et valorisation boursière des GAFAM.
/image%2F1112415%2F20250202%2Fob_b93ea8_gafam-valur-bourse-800-tt-width-800-he.png)
Doc. 3a : "GAFAM : une concentration inquiétante", in lafinancepourtous.com, le 12 décembre 2024.
"Pourquoi un tel engouement des investisseurs ? Car ces entreprises sont au cœur des nouvelles économies numériques. Or, dans ce nouveau modèle d’activité le terrain de jeu n’est pas national, il est immédiatement mondial et le leader rafle la mise en anéantissant du même coup toute la concurrence. Conséquence, les chiffres deviennent vertigineux par rapport aux entreprises traditionnelles. Ainsi, Google concentre à lui seul plus de 90 % des requêtes sur internet dans le monde. YouTube, le diffuseur de vidéo sur internet (racheté par Google en 2006 pour seulement 1,65 milliard de dollars à l’époque) est vu bien plus que n’importe quelle chaîne de télévision : chaque jour, plus d’un milliard d’heures de vidéos sont ainsi visionnées. Facebook, quant à lui, totalise, en octobre 2023, plus de 3 milliards d’utilisateurs actifs mensuels. (…). Ce sont donc de vrais monopoles qui se sont installés. Cependant, on assiste souvent à des abus de positions dominantes qui sont néfastes pour les consommateurs. (…) Ces entreprises se nourrissent de l’analyse et de la revente de vos données personnelles, c’est-à-dire de vos choix, vos goûts, de vos centres d’intérêts quand vous utilisez leurs services (recherche sur internet, réseaux sociaux, etc.). Ils peuvent ainsi définir plus finement votre profil de consommateur et ensuite se faire rémunérer en proposant aux entreprises des liens publicitaires internet ayant un impact commercial plus efficace qu’un simple panneau publicitaire au bord de la route. Étant alors dans une situation de monopole, ils peuvent imposer aux entreprises de l’« ancienne économie » leur tarif pour accéder à ces nouveaux panneaux publicitaires numériques à l’efficacité décuplée."
Doc. 3b : Facebook, le réseau social le plus utilisé au monde, in statista.fr 2024.
/image%2F1112415%2F20250202%2Fob_936ea9_33736.jpeg)
Doc. 4 : "GAFAM et Big Data : l’oeil de Big Brother vous surveille", in lebigdata.fr, le 26 novembre 2024.
"Grâce aux vastes volumes de données qu’ils collectent, les GAFAM connaissent sans doute vos secrets les plus intimes. Le site web Security Baron a passé en revue les politiques de confidentialité de Facebook, Google, Apple, Amazon, Microsoft, mais aussi Twitter. Le plus gourmand des » Big 5 » semble être Facebook. La firme de Mark Zuckerberg assemble des informations sur votre travail, vos revenus, vos origines ethniques, votre religion, vos opinions politiques. Ces informations s’ajoutent à des détails personnels comme votre numéro de téléphone, votre adresse email, votre emplacement géographique. Ces données peuvent être exploitées par des publicitaires, et sont aussi très convoitées par les cybercriminels. En comparaison, Twitter est nettement moins avide. Contrairement à Facebook, Google et Microsoft, le service de microblogging ne collecte pas le nom, le genre ou l’anniversaire de l’utilisateur. Il se contente du numéro de téléphone, de l’adresse email, du fuseau horaire et des vidéos visionnées. C’est peut-être ce qui explique que la firme de Jack Dorsey soit moins rentable… Microsoft et Google ne sont pas en reste. En fait, l’assistant virtuel Cortana écoute en permanence et que Gmail passe en revue tous vos emails. Google conserve votre historique de navigation, votre activité sur le web ou encore l’historique de vos emplacements géographiques. Autant dire que ces entreprises vous connaissent peut-être mieux que votre propre famille…"
Doc. 5 : principaux donateurs pour l'investiture de D. Trump, in statista.fr 2024
/image%2F1112415%2F20250202%2Fob_a792f9_33782.jpeg)
Doc. 6 : "De Twitter à X : Comment Elon Musk façonne la conversation politique américaine", par Laurence Grondin-Robillard et Nadia Seraiocco, in theconversation.com, le 31 octobre 2024
"En achetant Twitter pour en faire X, Elon Musk a radicalement modifié le paysage des médias socionumériques et a confirmé leur empreinte croissante sur la politique américaine. Musk joue désormais un rôle inédit dans l’arène politique américaine, influençant les perceptions et menant les débats autour de l’élection présidentielle. (...) Avec Musk à la tête de X, il ne s’agit plus seulement de gouvernance technologique, mais d’un contrôle direct sur les conditions mêmes de l’expression. En décidant de ce qui est amplifié ou réduit au silence, Musk redéfinit non seulement les contours de la liberté d’expression sur la plate-forme, mais aussi dans la société en général. Dès lors, parler de liberté devient dans ces conditions problématique, puisque étant dirigée, cette liberté n’est précisément pas libre. Après avoir soutenu des candidats démocrates, Elon Musk a publiquement donné son appui à Donald Trump pour cette élection, tout en amplifiant des idées conservatrices, voire conspirationnistes. Ses contributions, tant financières que communicationnelles dans la campagne de l’ex-président, notamment par une entrevue en direct avec Trump sur X, illustrent clairement sa volonté d’influencer directement la scène politique. (Les messages de celui qui cumule 203,4 millions d'abonnés sur son compte X concernant les élections ont été vus plus d'1,2 milliard de fois ! Et un tiers de ses messages postés entre mai et septembre contenait de fausses informations d'après une enquête du Wall Street Journal.)"
II - Les géants du numérique face aux États et aux organisations internationales : des relations ambiguës.
A partir des documents ci-dessous, rédigez deux paragraphes de synthèse montrant les relations ambiguës entretenues entre les géants du numérique et les États / organisations internationales.
- l'opposition entre les États et les grandes firmes du numérique.
- la complémentarité entre les géants du numérique et les Etats.
Doc. 1 : "Définition et enjeux de la souveraineté numérique", par Pauline Türk, in vie-publique.fr, le 14 septembre 2020
"Alors que la plupart des activités humaines sont désormais régies par les technologies digitales, les États sont entrés dans un rapport de force avec les multinationales qui règnent sur les réseaux numériques. Il s’agit de préserver ou de reconquérir une part du pouvoir qui s’exerce dans ces nouveaux espaces, pourtant conçus pour échapper à l’emprise étatique, ce que résume la célèbre Déclaration d’indépendance du cyberespace de l’essayiste libertarien John Perry Barlow en 1996 : "Gouvernements du monde industriel, vous géants fatigués de chair et d’acier, je viens du Cyberespace, le nouveau domicile de l’esprit (…) Vous n’êtes pas les bienvenus parmi nous. Vous n’avez pas de souveraineté où nous nous rassemblons".
Nos sociétés deviennent dépendantes de la technologie et des entreprises qui les contrôlent (réseaux et plateformes, télécommunications, information, santé, commerce, justice, sécurité, armée…), une tendance qui s’accentue avec le développement des algorithmes, des objets connectés, de la robotique, de l’intelligence artificielle. Or ces technologies sont régies par le code informatique : dans l’espace numérique, la régulation des activités et comportements dépend davantage des standards et normes techniques déterminés par les ingénieurs informatiques que des normes juridiques édictées par les États. C’est le sens de la fameuse formule "code is law" de Lawrence Lessig, Professeur à Harvard
Les États se retrouvent à la fois contestés et concurrencés dans l’exercice de leurs prérogatives classiques attachées à la souveraineté. La notion de souveraineté est définie traditionnellement comme le pouvoir suprême exercé sur un territoire, à l’égard d’une population, par un État indépendant, libre de s’autodéterminer. Elle est remise en cause par (...) la globalisation engendrée par des technologies qui échappent largement aux États, et se jouent des frontières physiques.
Le pouvoir exercé à l’échelle mondiale par les multinationales (GAFAM) pourrait les faire reconnaître, à brève échéance, comme des entités rivales ou partenaires pour la gestion des sociétés humaines. Le Danemark n’a-t-il pas décidé, en 2017, de nommer un ambassadeur auprès des géants de la Silicon Valley, comme s’ils étaient des interlocuteurs politiques et diplomatiques légitimes ? (...)
La maîtrise des données numériques générées par les activités de 4,5 milliards d’utilisateurs connectés, ajoutée à une situation de quasi-monopole de certaines entreprises américaines surtout (GAFAM ou NATU – Netflix, Airbnb, Tesla, Uber) mais plus seulement (BATX chinois ou le moteur de recherche russe Yandex), confère à ces opérateurs un pouvoir qui bouleverse les modes de gouvernement. Qui fixe les conditions générales d’utilisation des applications numériques ? Qui décide de censurer le tableau L’origine du monde de Gustave Courbet, mais de laisser diffuser en direct, 17 minutes durant, l’attentat de Christchurch en Nouvelle-Zélande en 2019, définissant ainsi les nouvelles règles en matière de liberté d’expression ? Qui détermine les informations ou les suggestions de lectures qui doivent être adressées aux internautes sur les réseaux sociaux ? Qui conserve et exploite les données personnelles, confiées ou laissées à leur insu par les utilisateurs, dont l’agrégation forme le big data, considéré comme "le pétrole du XXIe siècle" ?"
Doc. 2 : Chiffre d'affaire et contribution fiscale des géants du numérique en France (2019)
/image%2F1112415%2F20250202%2Fob_de7bad_fiscalite-gafam-mounirmahjoubi.png)
En août 2016, la Commission européenne a ordonné à Apple de rembourser 13 milliards d’euros à l’Irlande, estimant que les avantages fiscaux accordés constituaient une aide d’État illégale
Doc. 3 : "Puissance des géants du numérique, impuissance des États ?", interview de Laurent Gayard par Jean-Baptiste Noé, in revueconflits.com, le 15 décembre 2021
JBN : On a l’impression que les géants contournent les États voire les affaiblissent, mais dans le même temps ils ont besoin d’eux pour une sécurité physique, administrative et juridique… Ce n’est pas pour rien si les grandes entreprises du numérique sont aux États-Unis, première puissance mondiale…
LG : Et j’ajouterai des financements. Le cœur de cette industrie reste aujourd’hui la Silicon Valley et les grandes universités américaines. Or les projets de recherche qui ont permis le développement d’outils qu’on utilise tous aujourd’hui, celui de Google ou de Facebook monté par un étudiant inconnu, ou à Steve Jobs de concevoir le premier ordinateur domestique, ont bénéficié de financements publics : l’État américain participe à la bonne santé de ce secteur économique stratégique. Depuis quelques dizaines d’années aux États-Unis, il y a des liens forts entre le gouvernement américain et les grands acteurs du numérique. (...). Dans le même temps, le poids des GAFA face aux États repose la question de la mondialisation, du développement des flux matériels et immatériels sur lesquels l’État a un contrôle de plus en plus limité. Quelle est la capacité des États à les restreindre ? (...) Tim Wu, universitaire américain père du concept de neutralité du Net, a récemment publié un livre où il appelle l’État américain à recourir aux lois antitrust pour casser le monopole de ces très grandes entreprises… Mais l’État américain a-t-il vraiment intérêt à démanteler ces locomotives industrielles ?
JBN : La Chine et la Russie ont développé leurs propres réseaux sociaux et empêchent les sites occidentaux d’opérer chez eux…
LG : Oui. On oublie souvent les BATX, les quatre plus grandes multinationales chinoises du numérique. La Chine c’est 750 millions d’internautes, et leurs réseaux sociaux rassemblent des centaines de millions d’utilisateurs comme les GAFA. Les Chinois vont plus loin que les Américains dans le soutien au secteur numérique : l’État reste autoritaire et le pare-feu numérique chinois a pour fonction d’empêcher l’accès des internautes chinois à YouTube, etc. Depuis, ça s’est complexifié : ce tout répressif a amené des internautes chinois à aller chercher des solutions de contournement, des VPN ou le réseau Tor… Ils ont alors lâché un peu le tout répressif au profit d’une politique consistant à compliquer la vie des internautes chinois : vous connecter à Facebook en Chine peut marcher, mais rarement, c’est aléatoire, de sorte qu’on les délaisse au profit d’outils nationaux avec une meilleure connexion.
JBN : Au sujet de la guerre économique ou du droit : l’utilisation d’une adresse Gmail permet au Département de la Justice américain, via l’extraterritorialité du droit, de lire ces messages et de faire des procès en conséquence, de même que pour l’usage du dollar. Le numérique est alors au service des États, et à l’inverse des outils permettent de les contourner comme les cryptomonnaies ou des messageries autres…
LG :Le développement de géants du numérique est conçu comme une menace pour les États, mais c’est aussi une arme géopolitique avec la question de la souveraineté du numérique. Les États-Unis et la Chine disposent de géants du numérique, Google est utilisé par 95% des internautes ce qui permet aux États-Unis de compléter son extraterritorialité juridique… La Chine a des acteurs nationaux qui servent d’alternatives, la Russie a développé des infrastructures physiques et tenté de développer son propre réseau concurrent d’internet pendant la guerre froide… Mais l’Europe utilise surtout des outils numériques américains, ce qui permet à des instances gouvernementales américaines d’intervenir dans la vie privée d’Européens.
Doc. 4 : GAFAM vs BATX
/image%2F1112415%2F20250202%2Fob_247b48_13449.jpeg)
Doc. 5 : "Les GAFAM, bras armé de Washington ?", Par Marc-Antoine Coutherut, in lesechos.fr, le 10 sept. 2018
"(...) Le principe d'extraterritorialité du droit américain s'impose au monde. Dès qu'une transaction se fait en dollar américain, la justice américaine se déclare compétente afin de s'immiscer sur des affaires n'ayant en aucun lien avec le territoire américain par exemple. Il s'agit d'un véritable impérialisme juridique. Les autorités et la justice américaine justifient ce principe notamment par la lutte contre le terrorisme ou la lutte anti-corruption. Les stratèges américains ont très tôt et très bien compris tout l'intérêt qu'ils avaient avec la collecte et l'analyse des données collectées par les GAFAM. La NSA stocke des milliards de données dans ce but bien précis. Si la question du combat contre le terrorisme peut sembler légitimer cette action, qu'en est-il si ces mêmes données sont utilisées dans des situations d'intelligence économique par exemple ? Il s'agit ici d'un véritable et puissant levier pour Washington afin d'établir une véritable stratégie économique de domination. Des États pourraient être déstabilisés par l'utilisation astucieuse de ces données, des grandes entreprises, des personnalités, etc. Ces données remplacent au niveau géopolitique ce qu'était le pétrole au XXe siècle. Le contrôle de ces nouvelles ressources doit donc être essentiel et devenir d'un intérêt vital pour la souveraineté des États. La Chine est à l'abri de cela. En effet, elle a développé, sur le modèle des GAFA, son propre quatuor, les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi) en profitant notamment de la puissance de son formidable marché intérieur, la Chine contrôle l'ensemble de ses données intranationales, facteur de puissance indéniable et peut arguer de son indépendance non négligeable en matière de souveraineté vis-à-vis des États-Unis. (...)
L'adoption du règlement général sur la protection des données (RGPD) était nécessaire, mais il est loin d'être suffisant. Un véritable problème de société, voire démocratique se pose autour de la question de la collecte et de l'utilisation faite de ces données privées qui sont de l'or pour les géants du web. Il convient d'agir. Mais comment ? Même si le RGPD ( règlement général de protection des données) a été institué, cette réponse reste limitée. Il faut encore renforcer par l'arsenal législatif le contrôle du stockage de ces données. Si les Européens ont besoin des GAFAM, ceux-ci ne peuvent évidemment pas se passer de cet énorme marché de 450 millions de consommateurs. Mais la vraie discussion doit s'exercer de manière bilatérale entre Bruxelles et Washington. La Maison-Blanche sait protéger parfaitement ses intérêts, et son intérêt doit être celui de l'indépendance des données européennes."
Document complémentaire :
/image%2F1112415%2F20250202%2Fob_cf3559_1efc422e2bdfb377a15fc24956405baabe1872.jpeg)