T1 - Chapitre 2 : les régimes totalitaires (2ème partie)

Publié le 6 Février 2024

THÈME 1 - FRAGILITÉ DES DEMOCRATIES, TOTALITARISMES ET SECONDE GUERRE MONDIALE   (1929-1945)

 

Chapitre 2 : les régimes totalitaires (2ème partie).

 

Goulag soviétique.

 

II - LE FONCTIONNEMENT DES RÉGIMES TOTALITAIRES

 

A - La nation, la race, la classe : trois fondements idéologiques spécifiques

 

Les régimes totalitaires se fondent sur une idéologie omniprésente qui vise à créer un homme nouveau et à régénérer la nation, justifiant le contrôle total de la société. 

 

1. Lutte des classes et dictature du prolétariat en URSS.

 

L’idéal soviétique est le communisme, idéologie fondée par Karl Marx (Le manifeste du parti communiste, 1848) et basée sur les concepts de lutte des classes et de dictature du prolétariat.

- Les soviétiques cherchent à  créer une société sans classe, égalitaire, sans propriété privée et où l’État est l'instrument de domination du prolétariat. Ils s'opposent à l'ordre bourgeois, libéral et capitaliste.

- Les bolcheviks abolissent ainsi la propriété privée et l’État prend le contrôle intégral de l'économie. Le « grand tournant » des années 1928-29 amène ainsi à une collectivisation brutale des campagnes (création des Kolkhozes et des Sovkhozes) et à une industrialisation massive (80% des investissements de l’État).

- "L'homo sovieticus" est donc un travailleur, dévoué à la cause prolétarienne, engagé dans la mise en place de la société communiste (dont l'archétype est Alekseï Stakhanov qui aurait extrait 14 fois la quantité de charbon demandée à chaque mineur).

- Tous ceux qui s'opposent à ce projet sont considérés comme dangereux pour le régime ; les koulaks, paysans propriétaires opposés à la collectivisation, sont désignés comme des « ennemis de classe » et largement persécutés par le régime (notamment lors de la grande famine de 1932-33 en Ukraine). 5 millions d'entre eux sont envoyés au goulag ou exécutés)

 

Stakhanov, modèle de l'homo sovieticus.

 

Affiche du 17ème congrès du PCUS (1934)

 

2. Le nationalisme italien et la troisième Rome.

 

En Italie, le fascisme est avant tout une idéologie nationaliste. Elle insiste sur la grandeur de la Nation italienne, se référant et glorifiant constamment l'époque de l'antiquité romaine.

- Mussolini veut avant tout restaurer la puissance et le prestige passée de l’Italie en fondant une nouvelle Rome. Il cherche pour cela à « viriliser » l'homme italien, pour en faire un guerrier, un conquérant (la mémoire de la 1ère Guerre mondiale est ici essentielle)

- L'architecture moderniste, les symboles du régime comme le "faisceau de licteur" (à l'origine du terme fasciste) ou le slogan SPQR ainsi que les tentatives de conquête coloniale témoignent de ces références constante à l'antiquité romaine.

- Le racisme et l'antisémitisme sont peu présents dans le fascisme (et en Italie en générale) ; ils apparaissent vers la fin des années 30 (avec les lois raciales fascistes de 1938) à la faveur du rapprochement avec l'Allemagne nazie et de la conquête coloniale justifiée par la supériorité raciale.

 

Le faisceau de licteur, symbole du PNF et de l'Italie fasciste.

 

Palais de la civilisation italienne (le "Colisée carré") dans le quartier EUR de Rome (1940).

 

3. L'idéologie raciste au cœur du régime nazi.

 

En Allemagne, les nazis estiment que les lois de la nature conditionnent les sociétés humaines. Leur idéologie est ainsi avant tout marquée par le racisme et l'antisémitisme.

- Hitler « théorise » sa vision raciale du monde en distinguant les aryens (race des seigneurs vouée à dominer le monde), des serviteurs (slave, latins...), des esclaves (africains, asiatiques sauf japonais...) et des sous-hommes (untermenschen) : juifs, tsiganes, handicapés, homosexuels...

- Hitler cherche à "protéger"la race aryenne pour éviter sa décadence et sa "dégénérescence". Cette vision justifie la répression et la violence contre les groupes jugés inférieurs : lois eugénistes de 1933, stérilisation, euthanasie, arrestations des marginaux (asociaux)... Le nouvel homme nazi doit répondre à des critères raciaux spécifiques, témoignant de sa pureté, de sa supériorité (force, virilité...) et de son dévouement au "Volk"

- C'est également au nom de cette idéologie qu'une politique antisémite est rapidement mise en place : dès 1933, les commerces juifs sont boycottés et à partir septembre 1935 les juifs sont exclus de la société allemande par les lois de Nuremberg. Les violences à leur encontre se multiplient, comme lors du pogrom de la "nuit de cristal" les 9 et 10 novembre 1938 (des synagogues sont incendiées, des commerces détruits, des juifs assassinés et environ 30 000 sont arrêtés).

- C'est enfin toujours au nom de cette idéologie qu'est menée la politique d'expansion de l'Allemagne. Pour Hitler, tous les aryens doivent être réunis dans un même empire (le "Reich") et ont besoin d'un espace vital (le "Lebensraum") pour assurer leur développement.

- En outre, le nazisme se veut radicalement anti-communiste. Selon lui, la lutte des classes va à l'encontre des "lois de la nature" (fondées sur une vision darwinienne simpliste de la "lutte des races") et empêche l'unité raciale du "volk".
 

Commerce juif saccagé lors de la nuit de cristal

 

Des SS forcent des Juifs arrêtés au cours de la Nuit de cristal *, à défiler dans les rues de Baden-Baden (10 novembre 1938).

 

=> Si ces trois régimes reposent donc sur des fondements idéologiques indépassables, ces idéologies différent et parfois même s'opposent : la classe en URSS, la nation en Italie, la race en Allemagne

=> Ils se veulent cependant tous les trois en rupture avec le présent (démocratie, libéralisme, individualisme...) qu'ils jugent décadent et se présentent comme révolutionnaire.

 

B - Des sociétés encadrées, soumises et terrorisées.

 

Les régimes totalitaires se caractérisent par un contrôle absolu de la société et par l'usage de la terreur de masse.

 

1. Le dirigisme économique des régimes totalitaires.

 

Arrivée au pouvoir en période de crise, la politique économique est essentiel au succès des régimes. En URSS évidemment mais aussi en Italie et en Allemagne, les économies sont donc largement contrôlées par l’État.

- Dans l'économie étatisée de l'URSS, les autorités mettent en place des plans quinquennaux qui fixent des objectifs de production.

- En Italie, l'interventionnisme se renforce à partir des années 1930 avec la création de l'IRI (institut pour la reconstruction industrielle) qui contrôle les secteurs les plus importants (sidérurgie, industrie chimique...). Une politique de grand travaux est lancée pour lutter contre le chômage, comme par exemple l'assèchement et bonification des terres des marais Pontins en 1931.

- En Allemagne, la politique économique est confiée à H. Schacht qui lance des opérations de grands travaux (développement du réseau autoroutier) et un plan quinquennal de réarmement en 1936. Ces mesures permettent de réduire le chômage même si les inégalités sociales persistent (la croissance profitant surtout aux milieux d'affaires).

 

Hitler montant dans la fameuse Coccinelle de la marque Volkswagen ("la voiture du peuple") créée à son initiative

 

=> Il s'agit donc de systèmes extrêmement dirigistes qui doivent permettre la croissance économiques autarcique mais aussi et surtout l'indépendance des États par la modernisation de leurs structures productives et par le développement d'une industrie militaire.

 

2. Des population sous surveillance.

 

Les régimes totalitaires se caractérisent par un contrôle absolu de la population, les autorités se devant d'empêcher toute forme d'opposition.

- Des organisations de masse assurent l'encadrement et l'endoctrinement des populations. Les jeunes sont particulièrement visés : les “fils de la Louve” (4-8 ans) ou les “balillas” (8-14 ans) créés en 1926 en Italie, le Komsomol (jeunesse communiste, pour les 15-18 ans) en URSS, les jeunesses hitlériennes rendues obligatoires en 1936... Ces organisations dispensent ainsi une éducation idéologique et forment « l'homme nouveau » voulu par les régimes en diffusant les valeurs du parti. L’État se substitue de fait progressivement à la famille.

- De même dans le monde du travail, les salariés sont étroitement contrôlés. Les seuls syndicats tolérés sont ceux du parti au pouvoir, comme en Italie où ils sont remplacés par un système de corporation sous le contrôle de l’État dés 1934. Les loisirs des travailleurs sont également encadrés, comme en Italie avec le Dopolavoro (L’œuvre nationale du temps libre) créée en 1925 et qui occupe 4,5 millions d'italiens en 1939 ou la « force par la joie » créée en 1933 en Allemagne. 

 

Les Balillas italiens

 

Jeunesses Hitlériennes, exercices militaires.

 

3. La terreur de masse.

 

Cet encadrement passe par l'usage de la surveillance et de la violence pour empêcher la contestation. Cette terreur d’État vise des catégories ciblées (comme les juifs en Allemagne) mais touche aussi l'ensemble de la population qui se doit d'être en accord avec l'idéologie dominante.

- Les régimes totalitaires utilisent des forces militaires et/ou policières spécifiques : le GPU puis le NKVD en URSS, l'OVNA et les chemises noires en Italie, la Gestapo (police secrète créée par Göring en 1933) et les SS (forces spéciales dirigé par Himmler) en Allemagne. Les « opposants » sont ainsi pourchassés, arrêtés et condamnés ou parfois assassinés. La terreur de masse est surtout présente en Allemagne et en URSS où au moins 700 000 personnes sont exécutées par le pouvoir stalinien lors de la "Grande Terreur" entre août 1937 et novembre 1938.

- Des systèmes concentrationnaires sont aussi mis en place. En URSS, les goulags sont instaurés en 1934 (près de 500 000 personnes y auraient été envoyées à l'époque des purges staliniennes et des grands procès de Moscou entre 1936 et 1938). En Allemagne, le 1er camp de concentration ouvre en 1933 à Dachau pour accueillir les opposants politiques puis les éléments définis comme dangereux pour la nation (juifs, homosexuels, tsiganes...).

- Staline et Hitler ont par ailleurs éliminé leurs rivaux par des "purges" comme lors de la de la nuit des longs couteaux en 1934 (assassinat des responsables SA par les SS).

 

Carte de la grande terreur stalinienne.

 

Goulag en Sibérie.

 

4. La difficile résistance au pouvoir totalitaire.

 

Cette surveillance généralisée et cette terreur de masse contribuent à la mise en place d'un climat de peur, de suspicion et de délation qui rend difficile la résistance et l'opposition au régime.

- En Allemagne par exemple, l'Eglise (catholiques notamment) condamne certaines mesures du régime comme l'eugénisme et l'euthanasie ; l'armée (en concurrence avec les SS) est également une des principales forces d'opposition (en 1938 par exemple, le général Ludwig Beck s'oppose publiquement à la guerre en Tchécoslovaquie. Il est renvoyé par Hitler). Enfin, des étudiants munichois forment « la rose blanche » en 1942. Il s'agit d'un groupe de résistance et d'opposition au nazisme qui distribue des tracts (le 1er : « Tout peut être sacrifié au plus grand bien de l'État, tout, sauf ce que l'État doit servir »). Ils sont arrêtés en 1943 par la Gestapo et  exécutés.

- La résistance se fait dés lors souvent de l'extérieur. En Allemagne et en Autriche, de nombreux intellectuels, savants et artistes choisissent l'exil et dénoncent le régime nazi depuis l'étranger (les États-Unis souvent). Ce fut par exemple le cas des écrivains Berthold Brecht et Thomas Mann, d'Albert Einstein (qui partent tous au USA en 1933) ou encore du réalisateur Fritz Lang (qui poursuit sa carrière à Hollywood à partir de 1934)

 

Sophie Scholl, membre de la Rose Blanche avant son "procès".

 

C - La propagande au service du régime et du "guide".

 

Le contrôle des médias et l'usage de la propagande sont caractéristiques des régimes totalitaires et participent de l'embrigadement de la population.

 

1. L'exaltation des valeurs du régime et la dénonciation des ennemis.

 

Organisée par l’État, la propagande permet de conditionner les esprits par l'exaltation des valeurs propres à chaque régime et par la dénonciation des "opposants".

- Des ministères de la propagande sont mis en place, comme en Allemagne en 1933 par Goebbels. Ils sont chargés de contrôler les médias et la création artistique. En URSS par exemple, les auteurs sont obligés d'adhérer à l'Union des Écrivains (1932) pour être publié et la Pravda est le journal officiel du parti communiste.

- La propagande diffuse les valeurs du régime en mettant en place un art officiel : le "réalisme socialisme" en URSS, les films de Leni Riefensthal en Allemagne (Le triomphe de la volonté, Les dieux du stade) ou de la Cinecitta en Italie, l'architecture fasciste (le quartier EUR à Rome) ou encore le projet de rénovation de Berlin d'Albert Speer.

- La propagande officielle définit aussi un art anti-régime. En Allemagne par exemple, sont organisés des autodafés et des expositions "d'art dégénéré" comme à Munich en 1937.

 

Un exemple de réalisme soviétique : Sergej Gerasimov, La fête au kolkhoze, 1937

 

Affiche de propagande fasciste. L'acronyme SPQR rappelle les visées impérialistes du régime (1930's)

 

« Le Juif éternel » : affiche antisémite réalisée pour une exposition politique organisée à Munich en 1933.

 

2. Le culte du chef.

 

Dans les trois régimes, la propagande organise un véritable culte du chef afin de légitimer le pouvoir de celui-ci.

- Les chefs sont présentés comme personnages charismatiques, des surhommes infaillibles et dévoués, garants de la grandeur du régime. Les trois dirigeants sont ainsi considérés comme des modèles et des "guides" ("Führer", "Duce" et "Vodj") qu'il faut suivre aveuglément et à qui faut rendre un culte

- Des slogans et des surnoms sont créés pour renforcer l'autorité et la légitimité du chef :  « Mussolini a toujours raison » en Italie,  « ein Volk, en Reich, ein Führer » en Allemagne, "le petit père des peuples" pour Staline.

- De véritables cérémonies de masse sont également organisées pour célébrer la grandeur du guide, notamment en Allemagne avec les "grandes messes nazies". Lors des Jeux Olympiques de 1936, les spectateurs allemands prononcent ainsi la phrase adressée à Adolf Hitler : ”Wir gehören Dir” (nous t’appartenons).

 

Affiche de propagande parue dans La Pravda en 1937 : Staline, le grand timonier.

 

Mussolini par le peintre futuriste Ambrosi (1930). En fond, la Rome antique.

 

Affiche nazi de 1935

 

Cérémonie nazie à Nuremberg

 

=> Ainsi, dans les trois régime, l'individu doit s'effacer devant la masse. Cette négation de l'individu justifie la privation des libertés et la disparition de la démocratie. L'individu n'existe plus que par son appartenance à une communauté et à un ordre social hiérarchisé.

 

Vocabulaire :

autodafé / collectivisation /culte du chef / embrigadement / eugénisme / goulag / idéologie / koulak / lebensraum / nationalisme / pogrom / racisme /sovkhoze / plan quinquennal / propagande / purge / sovkhoze / terreur de masse.

Rédigé par Team Histoire-Géo

Publié dans #Term Histoire

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